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                       47ème Journée du GERHNU

        Villeneuve-Saint-Georges — 25 novembre 1995

 

Réseaux et filières de soins

 

 

Accueil des participants

 

DÉFINITIONS – SÉMANTIQUE                                    Dr Bernard Schmitt

      et organisation de la journée.

 

CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

I         Réseau d’hématologie                                        Pr François Diard

            Réseau d’imagerie

II        Réseaux et centre anti-cancéreux                      Pr Jacques Rouessé

III       Réseaux obstétricaux hospitaliers                       Pr Émile Papiernik

IV       Maisons de retraite, moyen et long séjour           M. Lucien Vicenzutti

V        Réseau privé-CHU-CHG                                       Pr Pierre Dusserre

          

LA PHILOSOPHIE DES RÉSEAUX

   Réconcilier aménagement du territoire et maîtrise des coûts de santé.

 

                                    Dr Étienne Dusehu

 

                               Pr Michel Crémadez

        

 

DISCUSSION GÉNÉRALE AVEC LA SALLE

 

ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Introduction                 Étienne Dusehu

                                    Jean Arnautou

Premier témoin            Dr Olivier Joyeux

Deuxième témoin         M. Bernard Grandjean

Troisième témoin         Dr Philippe Marrel

Quatrième témoin        Dr Dominique Beaubau

Cinquième témoin       M. Robert Fonteneau

                                    Questions

 

SYNTHÈSE –  PROPOSITIONS                               Dr Bernard Schmitt

 

LISTE DES CONGRESSISTES


 

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Accueil des participants

 

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1 – Françoise Jungfer-Bouvier, Gerhnu.

Cette 47ème journée du Gerhnu porte sur un thème tout à fait intéressant et d’actualité : comment faire pour articuler au mieux nos moyens de santé pour prévenir, pour prendre en charge nos malades dans le cadre du confort et de la qualité, et peut-être aussi dans le cadre du meilleur coût ? Nous sommes donc très contents de vous voir. Notre directeur, M. Clancier, et notre président de CME Yves Chestier vont aussi dire leur contentement de vous avoir ici. Je vous souhaite une très bonne journée.

 

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2 – Georges Clancier, directeur du Centre Hospitalier.

Je suis très heureux de vous accueillir dans notre hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. Je dois tout d’abord excuser le président du conseil d’administration, le Maire de Villeneuve-Saint-Georges, qui semble avoir eu un problème de dernière minute. Peut-être pourra-t-il nous rejoindre tout à l’heure. Je vois que, comme l’a dit tout à l’heure Mme Jungfer, malgré les aléas de circulation, vous avez réussi à arriver nombreux jusqu’en haut de notre colline. Je suis particulièrement heureux de pouvoir vous accueillir dans ce centre hospitalier pour cette 47ème journée du Gerhnu.

Vous êtes ici dans les salles qui sont habituellement dévolues au conseil d’administration et à l’audiovisuel, donc au cœur même de l’hôpital. Nous avons tout fait pour vous rendre agréable et confortable cette journée.

À la lecture du programme, on peut apprécier la grande qualité des intervenants ainsi que la richesse des sujets abordés. Le Gerhnu a su montrer la haute qualité de ses réflexions. Les problèmes posés au monde hospitalier sont, aujourd’hui, particulièrement denses et profonds pour que des sociétés savantes comme la vôtre s’en préoccupent. Mettre en commun l’expérience et échanger ses idées pour déterminer de nouvelles pistes de réflexion a toujours été le fait d’individus altruistes et pénétrés d’humanisme. Je serai bref. La pensée de Buffon va m’y aider : «L’esprit humain ne peut créer et ne produira qu’après avoir été fécondé par l’expérience et la méditation. Ses connaissances sont les germes de ses productions.»

Aussi de Jean Giono : «Imaginer, c’est choisir».

À tous, je souhaite une bonne et enrichissante 47ème journée du Gerhnu. Merci d’être présents dans notre établissement.

 

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3 – Yves Chestier, président de la Commission Médicale d’Établissement.

Mesdames, messieurs, mes chers collègues, au nom du corps médical de cet établissement, je suis très heureux de vous y accueillir.

Lorsque j’ai pris connaissance de l’ordre du jour, de la qualité des intervenants et de l’importance des sujets traités, j’ai pris conscience qu’il s’agissait une fois de plus, en ce qui concerne votre institution, d’une journée importante. L’organisation de réseaux de soin est sûrement une démarche primordiale, et peut-être la démarche primordiale actuellement en terme de réponses aux besoins de santé publique sur le terrain. Ce n’est sans doute pas simple.

Si je prends l’expérience du réseau de soins cardiologiques dans le département du Val-de-Marne, qui somme toute fonctionne relativement bien, des embûches peuvent survenir. Ces embûches tiennent entre autres à la nécessaire estime et confiance que les différents acteurs doivent nourrir réciproquement pour assurer la pérennisation et l’efficacité d’un réseau de soins. C’est sûrement un des points les plus difficiles à traiter et à maintenir, et je pense que ceci devrait faire partie des thèmes de votre journée.

Le deuxième point qui m’est apparu comme obérant l’efficacité, c’est la juxtaposition, nécessaire en termes de complémentarité et de mise à disposition de moyens, de structures de soins qui sont hétérogènes quant à leurs statuts et parfois, sinon contradictoires, mais concurrentes quant à leurs intérêts respectifs. C’est là un deuxième point qui devrait alimenter vos réflexions.

Je ne doute pas qu’elles soient très approfondies et qu’elles contribuent une fois de plus à faire avancer la réponse aux besoins de santé dans notre pays.

Je vous souhaite une très bonne journée, très efficace et très laborieuse.

 

 

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4 – Philippe Renou, secrétaire du Gerhnu.

Le petit mot du secrétaire est traditionnel. Il est plus que traditionnel, puisque nous sommes très heureux d’être accueillis par Villeneuve-Saint-Georges. M. le Directeur, je vous remercie vraiment pour votre accueil.

Yves Chestier, nous sommes presque des amis de trente ans, nous avons été dans les mêmes hôpitaux et aux mêmes endroits. Merci à tous les deux et à la communauté médicale de nous accueillir.

Comme je le disais tout à l’heure, le Gerhnu fait le tour de la Grande Couronne, depuis Eaubonne, Versailles, et d’autres encore, Arpajon l’année dernière. Nous continuons à « coloniser » les hôpitaux de la périphérie. Outre l’agrément d’être reçus dans des structures différentes, il est important de pouvoir connaître et nous faire connaître. C’est un problème pour le Gerhnu qui a maintenant plus de vingt ans, qui est donc tout à fait adulte, que de trouver une relève, en particulier auprès des jeunes collègues des hôpitaux généraux.

Non ! les hôpitaux généraux ne sont pas inintéressants. Non ! les hôpitaux généraux ne font pas de la mauvaise médecine. Il faut au contraire que des jeunes des hôpitaux généraux puissent faire une bonne réflexion sur la bonne médecine. Justement, les réseaux sont là pour inciter à cette interpénétration permanente. Bien sûr, comme l’a dit Chestier à l’instant, ce n’est pas évident : s’il n’y avait pas de problèmes, il n’y aurait pas cette réunion.

En tous les cas, c’est un peu la fierté du Gerhnu que d’essayer de coller à l’actualité. La dernière fois, on avait eu Dax avec « la Recherche Clinique » ; j’ai été très étonné de la richesse de ce qui s’est passé à Dax, et je ne doute pas que ça va être aussi riche ici.

Je voudrais remercier particulièrement Françoise, qui a fait ce travail depuis des semaines, avec ses collaborateurs et amis que je remercie globalement – je ne vais pas les citer les uns après les autres –  ; qu’ils soient tous remerciés pour cette préparation. Et bien sûr, les conférenciers, de venir un jour de grève, de plus un samedi matin, c’est vraiment particulièrement gentil de leur part, et donc du fond du cœur je les remercie. Certains sont des amis des proches, d’autres plus lointains, mais en tous les cas, leur démarche est particulièrement appréciée par tous les membres du Gerhnu et par le bureau.

Nous allons commencer sans plus tarder, car la journée est particulièrement dense et très minutée.

 

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DÉFINITIONS – SÉMANTIQUE

Organisation de la journée

 

Docteur Bernard Schmitt, président de la Commission Médicale d’Établissement du Centre Hospitalier de Lorient.

 

Au plan de l’organisation, nous allons travailler de façon intensive ce matin. Nous avons commencé avec un petit quart d’heure de retard, et les communications qu’on va vous faire sont nombreuses.

 

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1 – Je vais essayer, en introduction, de faire deux choses :

• D’une part, un petit peu d’explication de texte et de sémantique :

En effet, à la lecture du programme, avec un peu de réflexion et de recul, après avoir préparé avec mes collègues du bureau cet ordre du jour, je m’aperçois qu’il y a un certain nombre de confusions, voire d’ambiguïtés sur le sens utilisé dans la présentation des différentes communications de ce matin. Il me paraît donc important que nous puissions savoir de quoi nous parlons quand nous utilisons les mots de « réseau » et de « filière ».

• D’autre part, après la présentation de ces différents exposés, nous aurons un débat plus philosophique qui va remettre ce problème de réseaux et de filières dans un cadre d’organisation et d’aménagement du territoire. Cela est-il justifié, cela a-t-il un sens ? Je vais essayer de vous le montrer, et pourquoi nous avons fait ce choix là.

 

Cette après-midi, table ronde en quelque sorte, avec la prise de parole de grands témoins, c’est-à-dire de personnes ès-qualités qui ont à se « mouiller » au nom de ce qu’ils représentent pour dire : « cela est justifié », « cela n’est pas justifié », « voilà comment nous pensons », « voilà comment nous pourrions faire ». Cette discussion aura d’autant plus d’intérêt que vous avez tous entendu parler très récemment des grandes mesures à venir par notre premier ministre, et que ce sont des thèmes qui ne sont pas du tout étrangers au Gerhnu, puisque nous avons déjà fait des journées du Gerhnu sur quelques-uns de ces grands thèmes.

 

 

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2 – Pour commencer, le premier point. Je me suis amusé à lire dans le Robert la définition de « réseau » et de « filière ». Réseau vient d’un vieux mot : le rets, c’est à dire le filet, le piège. Est-ce un piège dans lequel nous allons nous enfoncer ? C’est une question fondamentale et philosophique. Faut-il s’engager dans une telle démarche, n’est-ce pas par hasard un piège ?

C’est aussi la notion de résille, de même étymologie. La résille est une coquetterie, un tissu extrêmement lâche, une dentelle. Nous verrons qu’il y a des dentelles dans l’organisation territoriale. Pouvons-nous admettre ce modèle comme un modèle d’organisation de nos systèmes de soins ? C’est également une question philosophique.

En allant plus loin dans cette définition, on trouve un ensemble de lignes, de voies de communication, de conducteurs, de canalisations qui desservent une même entité géographique. Cela devient intéressant, car le réseau nous renvoie immanquablement à la notion d’entité géographique. Autrement dit, chaque fois que nous parlons de réseau, il faudra avoir en mémoire : « sur quelle entité géographique nous positionnons-nous ? »

C’est là que la réflexion sur l’aménagement du territoire a toute sa valeur.

Autre définition, la filière. Tout le monde connaît le sens de filière : c’est cet outil qui réduit le métal en fils de plus en plus fins. Toujours d’après le petit Robert, c’est aussi une succession d’états traversés, de degrés à franchir, de formalités à accomplir avant de parvenir à un résultat. Passer par une filière, et le mot est important, c’est passer par tous les degrés d’une hiérarchie. Nous reprendrons ce terme de hiérarchie, qui définit des choses plus petites ou plus importantes que d’autres, et en tous cas différentes. C’est l’introduction de la différence et il va falloir coordonner les différences pour arriver à ses fins. Problème extrêmement important.

 

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3 – Le réseau. Voyons à quoi cela peut correspondre pour nous.

Je pense que le réseau est une entité matérielle, structurelle et organisationnelle, qui est inscrite obligatoirement dans un environnement géographique bien défini. Cette entité matérielle est asservie à cet environnement, et l’épouse. C’est à dire qu’il ne peut pas y avoir de réseau sans environnement, mais qu’il ne peut pas y avoir d’environnement sans réseau : l’un et l’autre sont étroitement liés, car l’un et l’autre se structurent mutuellement.

Un réseau de soins est par définition une organisation matérielle et structurelle, en quelques sortes un système de voies de communication préférentielles dont l’efficacité et la pertinence sont éprouvées, permettant la prise en charge de chaque étape d’une filière, selon des niveaux coordonnés et différenciés – réintroduction de la hiérarchie –, en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils soient institutionnels ou non.

L’utilisation de ce mot réseau n’est pas neutre : il n’a de sens que dans un espace, un territoire et il contribue fortement à l’organisation de ce territoire. Un réseau de soins, dont l’hôpital n’est que l’un des éléments (certainement pas le seul et pas forcément le principal), est donc bien un levier essentiel de l’aménagement du territoire. C’est toute la signification de l’intervention que nous avons demandée à Michel Crémadez et à Étienne Dusehu.

C’est pour cela que nous avons prévu dans cette réflexion d’aujourd’hui cette réflexion philosophique sur l’aménagement du territoire.

 

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4 – La filière. C’est une notion fonctionnelle et non pas matérielle. Elle traduit la manière de traiter dans sa totalité, étapes par étapes – on retrouve la notion de hiérarchie –, un problème donné. En matière de santé, il s’agit donc d’un cheminement hiérarchisé des activités de santé à travers toutes les étapes identifiables d’une pathologie ou d’un groupe de pathologies, depuis la prévention de la maladie et de ses facteurs de risque, en passant par le dépistage, par le soin, par le diagnostic, la thérapeutique, la rééducation, jusqu’à l’accompagnement à la mort.

Ce cheminement va bien sûr se faire grâce à un réseau de voies de communication. Filière et réseau sont étroitement liés. Le réseau, c’est la route, le moyen matériel et la filière, c’est ce qui chemine sur la route. Or une voie de communication, une route, n’a pas qu’un seul usager. C’est là que nous trouvons une notion extrêmement précise : le réseau va servir à de nombreuses filières, sachant que les réseaux ont des nœuds de transversalités, des carrefours ; une filière donnée va pouvoir emprunter le même réseau qu’une autre à un moment donné, puis bifurquer vers des réseaux plus personnalisés, plus individualisés.

Deux définitions à ne pas confondre, donc.

 

Pour illustrer cela (et même pour les inciter à faire une sorte d’autocritique des définitions qu’ils ont données eux-mêmes à leurs propres communications), nous allons avoir cinq exemples qui vont vous être exposés. Ces cinq exemples, pour quatre d’entre eux s’intitulent « réseau », pour l’autre s’intitule « filière ». Je laisserai à votre réflexion le soin de déterminer pour chaque titre s’il est judicieux ou non et s’il ne faut pas dans une certaine mesure le corriger.

 


 

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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

I — Un réseau d’hématologie.

     Un réseau d’imagerie.

 

Professeur François Diard, président de la Commission Médicale d’Établissement du Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux.

 

Je crois que c’est à l’amitié de Jean Arnautou que je dois l’honneur de venir rapporter notre expérience devant vous et je vous remercie de votre invitation. Comme l’a dit le président de la commission médicale de l’établissement de l’institution qui nous reçoit, la mise en place d’un réseau est une action difficile et l’essentiel est qu’elle doit être basée sur la confiance et le respect entre les différents acteurs.

 

Chez nous, cela a été possible grâce à deux instances qui ont travaillé de façon très rapprochée : d’une part des présidents de CME des hôpitaux publics d’Aquitaine, présidée par Claude Frayssinhes et dans laquelle, fait assez rare, je siège avec un droit de vote. D’autre part, un groupe de réflexion et d’action des hôpitaux publics d’Aquitaine, qui est une association représentative des différents établissements sans qu’ils y soient tous. Il associe de façon paritaire des directeurs et des médecins, avec pour objectif de réfléchir sur les actions que nous allons mener ensemble dans la région d’Aquitaine. Le président en est Pierre Le Mauff qui est le directeur général du CHU de Bordeaux.

Nous avons pu ainsi construire plusieurs actions en réseau et je vais vous en présenter deux qui sont assez différentes l’une de l’autre.

 

La première action est un réseau d’hématologie clinique qui est construite autour d’une filière de soins avec une disposition en étoile, où le CHU pourra vous apparaître un peu hégémonique. C’est une action qui a été relativement facile à mettre en place, car elle s’est construite autour d’une filière de soins qui existait déjà.

Par contre, la deuxième organisation a été beaucoup plus complexe à cause de la multiplicité des acteurs, puisqu’il y a eu trois ans de réflexion avant son démarrage effectif. Là, c’est un réseau constitué en un maillage complet de la région où le CHU n’est pas du tout prépondérant.

 

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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

IaRéseau d’hématologie clinique.

 

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1 – Introduction

Pourquoi avoir choisi l’hématologie ? Parce que c’est une spécialité très lourde et très coûteuse dans les hôpitaux, parce qu’à l’heure actuelle de nouvelles possibilités de diagnostic et de traitement, avec en particulier une protocolisation de tous les soins qui rend plus facile une action globale, et parce que le nombre de malades est en augmentation, non pas qu’il y ait plus d’hémopathies qu’autrefois, mais à cause justement des nouvelles possibilités de diagnostic et de traitement.

Pourquoi avons-nous été amené à réfléchir sur la mise en place de ce réseau ? Le CHU, qui centralisait tous ces malades, avait deux difficultés : la première, c’est que les malades qui venaient consulter chez nous étaient éloignés très longtemps ou très souvent de leur environnement socioculturel, et la deuxième, c’est que la concentration de tous les patients sur notre service d’hématologie nous empêchait de vivre notre vocation, qui est de développer les thérapeutiques innovantes, la recherche, etc.

Les objectifs du réseau ont été les suivants : c’est un transfert d’activités du service du CHU vers les services des centres hospitaliers généraux.

 

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2 – La répartition des activités.

• Pour le CHU, les activités de greffes, les activités thérapeutiques nécessitant des capacités transfusionnelles particulières que n’avaient pas les centres hospitaliers, les activités de diagnostic nécessitant des laboratoires de haute technologie que n’avaient pas les centres hospitaliers, et enfin les essais thérapeutiques, du moins les essais de phase II et III, les essais de phase IV pouvant entraîner quelquefois la participation des centres hospitaliers.

• Pour les centres hospitaliers, c’était toute l’hématologie quotidienne, diagnostique et thérapeutique, c’était le suivi des protocoles thérapeutiques mis en commun (vous le verrez tout à l’heure), et enfin la surveillance des pathologies chroniques, qui n’ont plus besoin de venir ainsi au niveau du centre hospitalier universitaire.

 

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3 – Les participants.

Aux dix établissements initiaux en Aquitaine sont venus se greffer naturellement trois établissements de notre zone d’influence du sud Poitou-Charentes qui sont les deux Charentes.

La structure du réseau est une structure en étoile, avec un CHU central qui peut paraître hégémonique – vous verrez à la suite que la conception de l’autre réseau est complètement différente. Ceci s’explique ici par la très haute technologie du service d’hématologie du Centre Hospitalier Universitaire.

 

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4 – Les conditions de mise en place.

Nous avons eu une première difficulté au niveau des centres hospitaliers, car nous avons souhaité qu’il y ait un secteur géographique à l’intérieur de l’hôpital, et un médecin responsable. Nous nous sommes heurtés là à certaines difficultés:

• Certains chefs de service de médecine interne ne voulaient pas abandonner à un seul médecin à la fois des lits et une responsabilité sur les patients qu’ils avaient l’habitude d’assumer. Avec des discussions qui ont souvent été difficiles en interne dans chaque établissement, la chose s’est faite, et ça fonctionne à présent à peu près correctement.

• Pour le CHU, c’était mettre en place la structure de coordination et surtout prendre une grosse responsabilité de formation:

• élaboration des protocoles de soin en commun.

• analyse critique du suivi des patients en commun.

• conférences sur des thèmes d’actualité par les membres de l’équipe d’hématologie du  CHU ou par des conférenciers invités.

• séances de bibliographies pour actualiser les connaissances.

• préparation des réponses à des appels d’offres nationaux ou régionaux, et là nous regrettons que les réseaux régionaux ne soient pas favorisés par les appels d’offres nationaux, qui favorisent plutôt les réseaux inter-CHU et qui sont trop élitistes à mon avis.

• enfin, formation à la méthodologie de la recherche clinique en hématologie.

 

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5 –  Les résultats.

Il y a eu des points positifs et des points négatifs.

Les points positifs : une amélioration de la prise en charge des patients, une meilleure coordination des soins, des protocoles thérapeutiques communs. Vous avez là la liste des protocoles qui sont, à l’heure actuelle, mis en place et qui peuvent déboucher sur des actions de recherche clinique associant les services des centres hospitaliers.

Par ailleurs, il y a, ce qui a été noté par tous les acteurs, plus de convivialité, plus d’amitié entre les équipes et une mise à jour des connaissances pour les praticiens isolés qui a été indiscutable.

 

Les points négatifs sont assez nombreux.

Tout d’abord sur le fonctionnement. Nous avions souhaité qu’il y ait une réunion de formation mensuelle. Nous n’y sommes pas arrivés. À l’heure actuelle, la réunion de formation a lieu tous les deux mois. À quoi cela est-il dû ? À l’impossibilité pour les praticiens de se libérer de leur secteur de travail, car ils ne sont pas assez nombreux, et aux déplacements dont le défraiement et l’assurance n’ont pas été assuré par les centres hospitaliers.

Ensuite, les secrétariats sont apparus, tant ceux du CHU que ceux des hôpitaux généraux, comme totalement surchargés par le travail de courrier et de relation qui doit être établi à partir du moment où l’on a des relations continues entre plusieurs centres hospitaliers.

Enfin, le coût est en cours d’évaluation par la DRASS, qui ne m’a pas communiqué les résultats ; ce que je vous dis est subjectif, mais basé sur l’analyse des budgets des hôpitaux généraux et du centre hospitalier universitaire:

• Le transfert d’activité du CHU vers les centres hospitaliers entraîne une charge financière supplémentaire évidente pour les centres hospitaliers.

• D’autre part, le développement des techniques innovantes dans les CHU, c’est à dire les nouvelles techniques de greffes, les nouvelles greffes cellulaires, le développement de la thérapie génique qu’il va falloir mettre en place, entraîne également une augmentation des coûts.

C’est donc un peu surprenant de voir qu’un réseau, qui devrait être un système d’économie, entraîne en définitive des coûts supplémentaires, mais je crois que ceci est dû à cette discipline-là, qui est en pleine progression sur le plan des nouveaux protocoles thérapeutiques et des nouvelles possibilités thérapeutiques.

 

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6 – Conclusion.

Ce réseau d’hématologie est une réussite pour le rapprochement des équipes, pour la qualité de prise en charge des patients, pour une meilleure coordination CHU/centres hospitaliers, mais l’effet secondaire est un coût global en augmentation à mon avis, ce qui demande à être précisé, et qui s’explique par un nombre de malades en augmentation dû aux progrès diagnostiques et thérapeutiques.

 

 

 

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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

Ib — Réseau inter-hospitalier.

 

Le premier réseau était basé sur l’organisation autour d’une filière de soins, avec une organisation en étoile autour d’un CHU possédant le plateau technique le plus spécifique.

Le deuxième réseau est tout à fait différent : c’est un réseau de télécommunication inter-hospitalier. Pourquoi un réseau de communication ? Le but était simple : rompre l’isolement des établissements, avec la possibilité de relations entre deux établissements proches, par exemple Oloron et Pau, Dax et Bayonne et l’établissement de relations entre un hôpital et un centre de référence hospitalo-universitaire.

Il est utilisé pour l’aide au diagnostic, pour l’aide à la prise en charge et à la conduite des soins. Ceci permet d’économiser des transferts, surtout des transferts de malades, mais aussi de dossiers, qui étaient envoyés par la poste, par ailleurs un suivi de l’évolution – vous en verrez des exemples –, et enfin chaque communication est un enseignement pour les praticiens qui rentrent dans cette dynamique.

 

 

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1 – Quelle a été la démarche initiale?

La démarche initiale a été une démarche de partenariat complet, avec une démarche régionale globale qui était ambitieuse, c’est à dire l’équipement simultané de tous les établissements publics de la région avec le même matériel, avec les mêmes règles de fonctionnement et au même moment.

C’est pour ça que la démarche a été lourde et longue : il y avait dix-sept établissements sur cinq départements, et de multiples partenaires extérieurs, car on a dû faire appel aux municipalités, aux conseils généraux, aux conseils régionaux, à tous les acteurs qui tournent autour de l’informatique et de la transmission. Le projet a été initié au printemps 1992 et l’acceptation du principe par tous les acteurs a été obtenue en février 1994 : il a fallu deux ans pour avoir un consensus autour du projet avant de pouvoir entrer dans sa mise en place effective.

Une fois le consensus acquis, nous avons mis en place un groupe de travail qui a été désigné par les membres du GRAHPA, qui était composé des quatre directeurs, de quatre ingénieurs biomédicaux et de quatre médecins.

Les missions du groupe de travail ont été les suivantes:

• essai prospectif avec les industriels pour choisir le produit,

• rédaction du cahier des charges pour l’appel d’offre régional,

• préparer la réponse à l’appel d’offre régional,

• proposer des règles de fonctionnement.

Très vite, on s’est aperçu que ce groupe n’était pas compétent pour fixer les règles de fonctionnement et on a composé un groupe particulier constitué des utilisateurs médicaux du système pour établir les règles de fonctionnement communes.

 

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2 – Les objectifs du réseau.

Les thèmes choisis étaient:

1°/ L’aide à la gestion des urgences.

Avis diagnostiques et thérapeutiques en temps réels, décisions de transfert ou non-transfert – c’est très important sur le plan de l’urgence régionale –, et enfin information sur l’évolution des malades transférés. Un exemple : quand un malade est transféré de Bayonne à Bordeaux, dans l’heure qui suit la réalisation des examens spécifiques qui n’ont pas été faits à Bayonne, l’équipe de Bayonne peut être tenue au courant des résultats de l’imagerie en résonance magnétique, par exemple pour un problème neurologique, et vit presque en temps réel le suivi de son patient, ce qui est important à la fois pour l’information et pour l’enseignement.

2°/ L’aide au diagnostic et à la prise en charge médicale.

Toute équipe de la région peut susciter un avis complémentaire, diagnostique ou thérapeutique, avec toutes les spécialités.

Ce réseau est basé sur un maillage, avec comme notion fondamentale la gratuité des consultations, au titre de la solidarité régionale : chaque établissement paie ses communications, mais il n’est pas demandé d’honoraires par l’établissement qui donne le conseil.

Les établissements concernés sont au nombre de dix-sept – le réseau est un maillage complet – avec vingt stations de travail, le CHU en possédant lui-même quatre. J’insiste sur le fait que chaque établissement peut communiquer avec l’établissement de son choix ; il peut le faire avec le CHU s’il le souhaite, mais tous peuvent également communiquer entre eux. Vous avez des relations très privilégiées qui se sont instaurées dans le système du réseau linéaire, par exemple entre Oloron et Pau, entre Dax et Bayonne, entre Libourne et Bordeaux, qui sont des liaisons naturelles. Le CHU peut de la même façon demander des renseignements à Périgueux, à Villeneuve-sur-Lot, etc. C’est un maillage complet, il n’y a aucune hégémonie d’un établissement par rapport à un autre.

 

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3 – La réalisation.

Il a été fait un appel d’offre régional commun, qui a été lancé en juillet 94 et qui a été clos en septembre 1994. Il y a eu seize réponses des industriels. Les premiers essais ont retenu six sociétés. Les essais plus approfondis ont retenu deux sociétés, qui étaient TSI et DDS, et le choix définitif s’est porté sur TSI car la station de travail avait une meilleure ergonomie pour les gens peu formés à l’informatique ; c’est enfin la compagnie qui a la plus grande expérience, la plus grande diffusion sur le territoire français, ce qui résolvait beaucoup de problèmes de compatibilité avec les réseaux extérieurs à celui de l’Aquitaine.

L’architecture matérielle retenue : un micro-ordinateur PC, une connexion extérieure sur Numéris, un système d’acquisition avec un numériseur de films, un scanner à papier pour pouvoir envoyer des documents papier, tout ceci aux standards internationaux et un téléphone pour pouvoir communiquer en même temps que l’analyse de l’image. Les équipements complémentaires sont essentiellement un archivage sur disque optique numérique et une connexion vidéo avec les reprographes laser sur film des différents services, qui permettent d’imprimer l’information reçue si on veut la conserver.

Le coût s’étage de 250 000 à 300 000 F. par station de travail en fonction des options qui ont été prises. Nous avons eu sur cet achat une subvention régionale de 20%. L’appel d’offre global nous a permis un certain gain sur les prix et surtout, des gains sur la configuration matérielle : on a pu avoir en particulier, au lieu de caméras pour convertir le système analogique en système numérique, des scanners automatiques de beaucoup plus grande qualité pour le même prix.

Je passerai très vite sur les configurations logicielles, sur le dossier patient, sur les sessions qui sont possibles de télétransmissions, de télédiscussions, de réponses, et sur les règles de fonctionnement médical, parce que je les ai largement détaillées dans le texte écrit et qu’il serait trop long de les exposer.

 

Pour terminer, il va falloir évaluer un tel système. Nous avons répondu à un appel d’offre national du CNEH, avec un projet d’évaluation basé sur la prise en charge des urgences traumatologiques et en particulier, des traumatismes crâniens et rachidiens, sur l’aide à porter au diagnostic radiologique et sur l’ergonomie et l’acceptabilité de l’outil. Nous sommes dans l’attente de la réponse du CNEH, que nous espérons positive. Si elle l’est, nous aurons un protocole d’évaluation prospective pour l’année 1996.

 

L’extension du réseau peut se faire sur des sites compatibles hors région – en particulier les établissements privés commencent à être demandeurs pour s’intégrer dans le réseau.

Sur l’extension des thèmes, la neurochirurgie est apparue comme la discipline qui était la plus fréquemment demandeuse de ce type de communications, et les prochaines stations de travail seront affectées systématiquement aux services qui auront eu le plus de demande de consultations initialement. En outre, on est en train de réfléchir à une utilisation du réseau pour l’aide au diagnostic anténatal, c’est à dire avoir des téléconférences hebdomadaires sur lesquelles les échographistes ou les gynécologues obstétriciens pourraient s’appuyer sans avoir à se déplacer.

Enfin, on aura des connexions à des réseaux internes des établissements, ce qui me paraît très important pour vos réflexions : quand vous développez un réseau externe, il faut parallèlement avoir une réflexion sur les réseaux internes pour que les deux soient parfaitement compatibles.

Ce réseau va être utilisé pour une connexion au réseau Internet, et par l’intermédiaire de l’abonnement Internet du CHU, les hôpitaux généraux, par la station de travail, pourront avoir accès au réseau Internet sans avoir à payer l’abonnement.

 

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4 – Aspects pratiques.

Peut-être pourrais-je vous projeter quelques diapositives pour vous montrer les aspects pratiques:

• La station de travail, où vous avez le PC au milieu, le scanner pour transformer les films, c’est à dire passer d’un signal analogique à un signal numérique, et le reprographe papier pour transmission des documents sur papier.

• Le micro-ordinateur, le PC de base.

• Le dossier patient avec les demandes d’examen, l’histoire de la maladie, et ici la question posée.

• Le scanner à film, transformation du signal analogique en signal numérique.

• La commande pour imprimer le film sur les lasers de services de radiologie si vous voulez conserver le document.

• Le reprographe papier. Quand on veut renvoyer une information avec une référence bibliographique, on peut photocopier l’article, le faire passer par Numéris et le correspondant le reçoit à l’appui du conseil diagnostique ou du conseil thérapeutique.

 

À présent, deux exemples qui viennent de l’hôpital de Pau:

Un petit enfant souffrait de l’hypocondre droit.

• L’échographie de l’abdomen : voyez une vésicule avec de multiples septa qui avaient beaucoup intrigué les praticiens.

• Un agrandissement de l’image, dont vous pouvez apprécier la résolution. C’est une simple vésicule cloisonnée normale chez un enfant, et on a renvoyé notre avis diagnostique en s’appuyant sur un avis bibliographique, avec un article.

• L’hôpital de Pau reçoit l’avis diagnostique, et l’article sur lequel s’appuie cet avis diagnostique.

L’autre exemple : une jeune femme avec une fracture pathologique de l’humérus, qui était un cas superbe d’hyperparathyroïdie primitif secondaire à un cancer de la parathyroïde.

• Ils nous ont envoyé ces premiers documents, et on leur a demandé un complément...

• Le complément de document. Tout cela est mis sur un seul film.

• Le document original pour la jambe avec deux tumeurs brunes, une sur l’extrémité supérieure, l’autre sur la corticale.

• Le document vu sur la console de télétransmission. Vous voyez, la qualité est bonne.

• Les mains. On ne voit pas très bien à cause de la lumière. Je voulais vous montrer la résorption des houppes phalangiennes qu’on voit très bien dans les deux cas. Donc une résolution partielle qui est très correcte.

 

La plus grande difficulté de ce réseau est de faire entrer les équipes dans la dynamique : elles ont l’outil, mais elles n’arrivent pas à rentrer dedans. Il faut les pousser, ce qui demande beaucoup de travail de conviction.

 

 

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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

II — Réseaux et centre anti-cancéreux.

 

Professeur Jacques Rouessé, directeur du centre René Huguenin.

 

Je remercie les organisateurs du Gerhnu et en particulier, mon ami Philippe Renou qui m’a demandé de participer à cette journée et de vous parler des centres de lutte contre le cancer dans les réseaux de soins, mais après avoir entendu notre collègue Schmitt, je me demande en fait s’il ne serait pas plus exact de parler de filières de soin que de réseaux de soin.

 

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1 – Multidisciplinarité. Complémentarité.

Je rappelle que la multidisciplinarité est l’élément de base de la cancérologie. Si la cancérologie existe (j’allais dire je l’ai rencontrée et elle existe donc, car elle est quelquefois contestée), elle repose en fait sur la notion de multidisciplinarité, puisqu’elle doit faire intervenir plusieurs spécialistes autour de la maladie et du malade. Ce n’est pas une spécialité verticale d’organe, ou transversale comme la radiologie ou la chirurgie, mais c’est plus une spécialité comme la pédiatrie, en diagonale, qui traverse plusieurs domaines de spécialisation.

Cette multidisciplinarité doit s’exercer au chevet du malade pour la prise en charge thérapeutique et il est indispensable qu’interviennent basiquement le chirurgien, l’oncologue médical et le radiothérapeute.

Il est bien évident que l’intérêt des centres de lutte contre le cancer est de réunir tous ces gens autour du malade et il faut que ces spécialistes voient, sinon le malade, tout au moins son dossier.

Dans les centres de lutte contre le cancer sont rassemblées aussi, outre les thérapeutes, d’autres spécialités : anatomie, pathologie, biologie, imagerie.

Les buts des centres de lutte contre le cancer, tels qu’ils ont été définis par l’ordonnance de 1945, sont le dépistage, l’examen, l’hospitalisation et le traitement des malades, la surveillance prolongée des résultats thérapeutiques, l’établissement et la tenue à jour des dossiers médicaux, l’organisation d’une action médico-sociale. Tout cela date de 1945 et est un peu démodé et les recherches sur l’étiologie, la prophylaxie et surtout la thérapeutique du cancer, avec l’élaboration de protocoles thérapeutiques, font également partie de nos buts.

Il est bien évident que les centres de lutte contre le cancer n’ont pas pour mission de traiter tous les cancéreux et en pratique, ils n’en traitent environ que 20%. D’où la nécessité, dans la cancérologie, de la recherche de complémentarité, d’où la nécessité absolue de la création de filières de soin, afin qu’à chaque fois, autour du malade, on retrouve cette complémentarité.

Pendant longtemps, cette complémentarité n’était pas nécessaire : dans les cancers digestifs, par exemple, la place de la radiothérapie pendant très longtemps était tout à fait discutable et la place de sa chimiothérapie jusqu’à il y a dix ans pouvait être considérée comme nulle. Il est bien évident que la place des centres de lutte contre le cancer, dans ce type de pathologie, était tout naturellement modeste. En revanche, dans des tumeurs ou des cancers, qui font intervenir d’emblée une pluridisciplinarité – je pense par exemple au cancer du col de l’utérus où la radiothérapie a tout de suite eu sa place –, cette nécessité de complémentarité s’imposait. C’était, et c’est encore, très net aussi dans le domaine du cancer du sein, où il y a forcément association chirurgie-radiothérapie et depuis longtemps, des traitements médicaux. De même pour les tumeurs ORL.

Cette complémentarité dépend en fait du type du cancer , mais il faut dire que de plus en plus, du fait du progrès des thérapeutiques – en particulier médicales –, cette complémentarité devient une nécessité.

 

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2 – Mission.

La mission des centres de lutte contre le cancer est de se réserver, si j’ose dire, les malades dont les soins demandent la mise en œuvre de techniques variées et complexes. C’est ce que disait notre collègue hématologiste tout à l’heure. Dans d’autres disciplines aussi, telles la cardiologie, les structures de soin plus lourdes doivent mettre en œuvre autour du malade des techniques variées et complexes. La nécessité de suivi post-thérapeutique est requise par la loi – élément indispensable –, mais il y avait aussi la nécessité de mettre en place des protocoles thérapeutiques. C’est une des missions des centres de lutte contre le cancer, mais ils n’en ont pas l’apanage, loin de là, et on peut imaginer qu’ils participent à des protocoles mis en place par d’autres structures, dans des CHU ou des hôpitaux généraux. Ils ont, comme les CHU, une mission d’innovation en terme de diagnostics et thérapeutiques, ce qui rejoint la nécessité des protocoles thérapeutiques. Ils participent enfin à l’enseignement de la cancérologie.

 

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3 – Filières de soins.

Ces centres ont été promoteurs de la création de filières de soins par ces consultations dites avancées, qui ont eu quelquefois des vertus allergisantes dans les villes où elles ont été implantées, et dont l’activité d’ailleurs diminue, ce qui est une bonne chose. C’est une bonne chose parce que cela veut dire que petit à petit les structures de cancérologie se sont installé à travers tout le pays, en même temps que la pluridisciplinarité.

Voici à présent la carte de France, avec les différentes consultations avancées des vingt centres de lutte contre le cancer et aussi, la représentation d’un CD-Rom sur lequel il y a des standards options et recommandations de bonnes pratiques en cancérologie qui ont été mis au point par les centres de lutte contre le cancer en collaboration avec des collègues cancérologues des CHU. Cette image pour montrer les réseaux de soins, certes, mais plus important, la mission d’établir ces standards options et recommandations et de les diffuser, plutôt qu’envoyer quelqu’un dans une ville sans centre de lutte contre le cancer ou sans CHU, dont la mission n’est pas du tout d’être un rabatteur vers le centre de lutte contre le cancer, mais au contraire, d’aider à cette pluridisciplinarité et d’apporter l’expérience, le vécu et les protocoles de centre de lutte contre le cancer. Je pense que c’est une évolution de ces filières de soins qui doivent être beaucoup plus paritaires qu’hégémoniques.

 

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4 – Conventions.

Actuellement, je pense que cette mission est bien comprise par l’ensemble des centres, et qu’ils se doivent de rechercher des conventions dans tous les domaines : utilisation de plateaux techniques, diagnostics et thérapeutiques, en évitant les doublons avec les voisins. La notion géographique est évidemment extrêmement importante : éviter les doublons avec le CHRU, avec les hôpitaux généraux, avec les autres structures PS/PH et voir aussi quelle collaboration peut s’établir avec les établissements privés à but lucratif, tout en sachant que ceci pose de difficiles problèmes.

 

À titre d’exemple, je vais vous montrer ce que nous avons fait au centre René Huguenin, qui se trouve dans un de ces maillages montrés par M. Schmitt. Ce n’est pas au nord de Paris, mais à l’ouest, où il se trouve une concentration record de structures de cancérologie, en particulier de radiothérapie – je crois qu’avec Nice, nous détenons indiscutablement le record.

Nous avons des consultations avancées, qui marchent de moins en moins bien. On en a même supprimé : nous en avions une à Étampes, où un radiothérapeute, élève du centre, formé par le centre, a fait disparaître la raison d’être de cette consultation avancée en prenant tout en charge, et venait juste de temps en temps discuter de cas compliqués. Dans un sens, c’est une perte pour notre établissement, mais c’est mission accomplie dans la lutte contre le cancer : l’implantation de la cancérologie a été réussie.

Nous avons des consultations dans des hôpitaux publics, non universitaires, dont je vous ai mis la liste ici. À Saint-Germain-en-Laye, nous en avons deux : une en cancérologie et l’autre en cancéro-hématologie. À Nanterre, nous avons une consultation, mais c’est une consultation de réciprocité – j’en parlerai tout à l’heure –, en ce sens qu’un pneumologue de Nanterre vient chez nous donner des avis de pneumologie ; nous annulons ainsi le coût de chacune des consultations. Nous avons aussi des collaborations avec des PSPH et nous sommes en train d’envisager une convention avec une clinique privée à Trappes, qui fait de la cancérologie ; ceci nous pose quelques problèmes, mais la DRASS nous encourage vivement dans ce sens malgré les difficultés que cela peut présenter. L’échange de bons procédés serait, avec cette clinique (pour l’instant, à titre expérimental, nous avons un radiothérapeute qui vient de chez eux, et donc nous avons les malades de radiothérapie), qu’à titre de réciprocité, les gens qui habitent près de Trappes puissent avoir leur chimiothérapie faite dans cet établissement. Évidemment, cela pose des problèmes déontologiques : on ne peut pas forcer les gens à aller dans un établissement privé à but lucratif. Ceci nous pose quelques problèmes ; ce serait une convention tripartite avec la DRASS, l’établissement privé à but lucratif et nous-même. Mais c’est un peu ce vers quoi nous nous orientons.

 

 

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5 – Collaborations.

Une collaboration en réseau est en train de se mettre sur pied avec l’hôpital Foch, qui me paraît fort intéressante:

• D’une part, nous partageons depuis longtemps une IRM avec l’hôpital Foch et l’hôpital de Saint-Cloud, basée à Foch, où nos radiologistes vont faire leurs IRM, et nous avons un projet de console qui enverra l’image de Foch à René Huguenin pour que les radiologues puissent travailler ensuite sur l’image et les comptes-rendus sont immédiatement intégrés dans notre dossier-patient du centre René Huguenin.

• D’autre part, en radiothérapie, une convention s’est traduite par le transfert d’un appareil isolé de radiothérapie de Foch vers le centre René Huguenin. Ceci a été fait à la demande de la tutelle et en termes de coûts, c’est une bonne chose : l’équipe de radiophysiciens derrière la radiothérapie est donc unique et nous n’avons pas augmenté les effectifs de radiophysique pour prendre en charge cet appareil supplémentaire, ce qui évidemment diminue les coûts à Foch et a entraîné le transfert de l’enveloppe d’un établissement vers l’autre. Nous assurons gracieusement la radiothérapie des malades hospitalisés à Foch (c’est une collaboration qui marche extrêmement bien) et à l’inverse, nous avons demandé à l’équipe de Foch d’assurer la pneumologie de notre établissement, en collaboration avec Nanterre, mais c’est surtout l’équipe de Foch qui vient faire les endoscopies, et les protocoles de cancers bronchiques mis en commun. Bien entendu, la chimiothérapie est faite à Foch, mais pour une chimiothérapie lourde, les autogreffes de moelle nécessaires – nous avons des chambres stériles – seront faites à René Huguenin. Les équipes se rencontrent régulièrement pour les protocoles et l’évaluation de ces protocoles. Ça vient de démarrer, mais c’est quelque chose qui marche bien.

Petit à petit, notre but est de rechercher ce type de complémentarité. Je pense que c’est essentiellement de la filière de soins, mais qui se concrétisera par un réseau et des conventions.

 

Autre collaboration en cours, nous avons avec l’AP un orthopédiste qui vient faire la consultation d’orthopédie lourde une fois par semaine. Nous avons une collaboration très étroite avec l’hôpital de Courbevoie, où la cancérologie est assurée par un de nos médecins, mais les soins – sauf la radiothérapie – sont réalisés à Courbevoie. Même chose pour l’hôpital du Vésinet. Je dois dire que la collaboration avec l’hôpital de Saint-Cloud, notre voisin immédiat, au contraire de ce qu’on pourrait attendre, est moins intense qu’avec des établissements plus éloignés, mais ça reste quand même dans le domaine de l’humain.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

 


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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

III — Réseaux obstétricaux hospitaliers.

 

Professeur Émile Papiernik, gynécologue des hôpitaux de Paris.

 

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1 – Introduction Ce que je vais vous présenter est le résultat d’une évaluation, faite à la demande d’une autorité politique : le département de la Seine-Saint-Denis se demandait pourquoi les taux de mortalité périnatale n’avaient pas baissé depuis les cinq dernières années d’observation.

Question typique d’évaluation intéressante, que d’ailleurs très peu de départements se sont posée depuis 1983 qu’ils sont en charge de la sécurité à la naissance et que le bureau du ministère a disparu.

 

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2 – L'établissement du réseau.

La réponse de ma part a été de dire : on étudie chaque cas de mort et on fait une enquête méticuleuse sur les 1005 morts qu’on a observées pendant trois ans, plus des témoignages, à l’intérieur d’une cohorte qui a inclus toutes les 67 819 naissances reconnues par le certificat de santé du 8ème jour.

Cela a abouti à un réseau physique, qui est en train de marcher : tous les deux mois, tous les praticiens privés et publics du département se réunissent en un staff inter-maternités, ce qui paraît invraisemblable, incroyable, mais qui marche effectivement grâce à l’investissement que le département a fait pour payer un fœto-pathologiste. Personne ne veut payer pour faire une autopsie d’un fœtus ; à l’hôpital public, c’est fait dans le cadre habituel de l’ana-path, mais dans les autres, il n’y a pas de moyen – la sécurité sociale ne peut pas payer. De plus, il y a de très grandes difficultés de transport des corps.

Grâce à deux conventions, constitution d’un réseau ; l’analyse méticuleuse a été faite, car le département paie un PH à l’hôpital de Bondy pour faire la fœto-pathologie de l’ensemble du département. Ce PH rend compte et ce compte-rendu se fait – le département de la Seine-Saint-Denis étant tout petit, bien que plein de monde – physiquement tous les deux mois. J’y suis comme observateur extérieur pour faire tourner la machine et donner des avis qui permettent aux antagonismes locaux de s’atténuer sous mon autorité bienveillante (je les mets d’accord, parce que je n’ai pas de problèmes d’autorité dans le département, en disant : « c’est plus comme ça, la science ... »).

À l’intérieur de ce système qui s’est posé à partir d’une question d’évaluation de responsabilité politique d’un état de santé, ce qui est très bien et qui a abouti à ce staff inter-maternités qui marche effectivement, on a mis en évidence un problème d’organisation des soins énorme et complètement méconnu par nous : y a-t-il un effet de la structure sur la sécurité à la naissance ? Est-ce que toutes les maternités se valent ? Est-ce que toutes les maternités se valent pour prendre en charge toutes les naissances?

La réponse est non. Elle est claire et nette.

Elle est connue dans la littérature depuis trente ans, mais on ne s’en est pas servi.

 

Dans la littérature, il est dit que pour la naissance d’un enfant de moins de trente-trois semaines – trente-deux semaines, c’est sept mois – ou de moins de 1500 grammes, il vaudrait mieux avoir sur place un pédiatre capable d’effectuer les gestes de réanimation et capable de mettre en place immédiatement les outils de la réanimation néonatale. Cela paraît simple. Cela a été proposé par le pédiatre qui, dans les années soixante-dix, a organisé pour la première fois aux États-Unis le transport de nouveau-nés – ce qui est devenu dans le monde entier des SMUR pédiatriques. Lui a dit qu’il serait bien d’organiser le transport des nouveau-nés, mais il a ajouté que ce serait idiot dans la même phrase. On a oublié de la citer. Il a dit qu’il vaudrait mieux transporter la mère la veille de l’accouchement, parce qu’on peut utiliser un taxi ou une ambulance ordinaire ; or, les circonstances de transport d’un moutard de 1100 grammes en détresse vitale sont de l’idiotie absolument parfaite.

C’est pourtant la politique qu’on applique.

 

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3 – Le niveau d’activité des maternités.

L’organisation a permis, à l’époque, de décrire trois niveaux de maternité en fonction de la structure. L’intérêt est de ne pas donner de valeur aux personnes, mais aux structures :

• soit avec une réanimation néonatale (niveau III)

• soit avec un service de pédiatrie capable de soigner un moutard de 1200 grammes non en détresse vitale. C’est un service de médecine néonatale (niveau II)

• soit ni l’un ni l’autre. Il peut y avoir un pédiatre dans la maternité, mais s’il n’y a pas de service de pédiatrie, c’est niveau I.

 

Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, vous voyez là le niveau d’activité des maternités classées en nombre d’accouchements par an. Ce qui est frappant dans ce système de Seine-Saint-Denis, c’est qu’il existe de très grosses maternités très mal équipées. D’un point de vue épidémiologique, c’est un outil parfait – pour le scientifique, pas pour le cynique – parce qu’il permet de distinguer clairement deux notions habituellement confondues, qui sont l’activité et la qualité des soins. Une maternité, qui n’est d’ailleurs pas la plus grande, a un service de réanimation néonatale (niveau III) sur les vingt-trois établissements, et tous ont participé à l’enquête méticuleuse.

Comment se répartissent les naissances ? Sur 67 819 naissances, la plus grande proportion a lieu en niveau I, très peu en niveau III (il n’y a qu’un seul service sur les vingt-trois) et quelques naissances à domicile ou pendant le transport, de l’ordre de 1 ou 2‰, comme d’habitude en région parisienne.

 

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4 – La question du transfert.

L’ensemble de ces naissances de moins de trente-trois semaines représente de l’ordre de 1% de l’ensemble des naissances. C’est pourtant un point majeur, puisque ce 1% explique un peu plus de la moitié de la mortalité néonatale et une partie non négligeable des handicaps qui sont liés au moment de la naissance. Beaucoup de handicaps ne sont pas liés au mécanisme de la naissance, qui sont les maladies génétiques, ou des choses que l’on ne connaît pas et qui arrivent sur des enfants à terme. Par contre, un enfant de 1200 grammes qui saigne, qui fait par exemple une hémorragie intra-ventriculaire, va être conduit à un handicap tout à fait sévère que, s’il était né deux semaines plus tard, il n’aurait pas eu parce qu’il était normal de constitution. C’est juste cette circonstance de la naissance, où il naît trop tôt et pas pris en charge de sorte qu’on puisse éviter cette hémorragie intra-ventriculaire, qui fait qu’il va être handicapé. Dans le registre des handicaps évitables, c’est un point d’une extraordinaire acuité.

Certains pays ont décidé de faire naître ces enfants où il le fallait.

Y arrivent-ils ? Oui. Le référentiel de qualité standard est de 80% .

Nous, nous sommes à 13%.

Pourtant, tous ces enfants sont singulièrement malades : ils sont tous transférés. On a fait une analyse méticuleuse du transfert en fonction du lieu de leur naissance:

• Transfert interne quand il s’agit de maternités de niveau II, car il y a des prises en charge, plus ou moins bonnes d’ailleurs, et c’est l’un des points les plus dramatiques qu’on ait mis en évidence : dans les maternités qui possède un service de néonatalité, ce n’est pas forcément là qu’on était le mieux soigné, car:

• Dans les maternités de niveau I qui n’ont pas de service de pédiatrie, on transfère tout de suite ; on appelle le SMUR, et le SMUR vient.

• Dans la maternité de niveau III, ils sont transférés immédiatement en réanimation ; il n’y a pas de problèmes.

• Dans les maternités de niveau II, on s’aperçoit que le SMUR vient en retard. Il fait confiance aux gens du lieu, puis on s’aperçoit qu’il faut faire un transfert secondaire. Ce n’est pas forcément le meilleur sort offert à cet enfant.

 

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5 – L'évaluation.

L’évaluation demande un travail méticuleux pour savoir pourquoi cet enfant meurt ou ne meurt pas. C’est ce qu’on a fait.

Pour les enfants qui meurent après être nés dans la période de prématurité – vingt-huit à trente-six semaines –, on met en évidence des facteurs de risques qui sont classiques, en comparant les cas et les témoins. C’est de l’épidémiologie descriptive standard qui met en évidence que le fait pour la mère d’avoir de l’hypertension artérielle grave ou que l’enfant soit hypotrophe sont des facteurs de risque tout à fait considérables. Cela, on n’y peut rien, au sens où c’est de la pathologie ; la maladie vasculaire chez la mère va empêcher l’enfant de pousser correctement in utero. Nos capacités d’intervention sont assez modestes.

Par contre, sur le lieu de la naissance, ces interventions résultent d’une décision de nous-autres. Quand on prend l’ensemble de la régression logistique, ça donne un tableau, illisible bien sûr, mais où tous les facteurs de risque sont pris en compte pour pouvoir demander : à l’intérieur de cette analyse, toutes choses égales par des méthodologies statistiques adaptées, quel est l’effet de la structure ? Y a-t-il un effet de l’activité ? Y a-t-il un effet de la structure de soins?

À regarder l’ensemble des naissances de vingt-huit à trente-six semaines, c’est à dire la définition habituelle de la prématurité, on constate effectivement un effet de la structure de soin, et non pas du nombre d’accouchements.

Les petites maternités sont-elles bonnes, ou certaines grandes sont-elles mauvaises ? Nous n’avons pas de réponses là-dessus. Il n’y a pas de mise en évidence de risque de mort per partum ou néonatale en fonction de la quantité d’accouchements qui se font par an.

Cela veut dire que la discussion sur la taille des maternités est sans base, scientifique, disons.

Par contre, la qualité du soin offert a une base scientifique, puisque sur l’ensemble des enfants qui naissent à terme – trente-sept semaines ou plus –, il n’y a pas d’effet de la structure de soins, ou un effet non significatif. Il y a 40% de différence, mais ce n’est pas significatif sur cet objet-là : on n’a peut-être pas été assez spécifique. Les publications internationales, dans les endroits où l’on surveille très bien les grossesses et les accouchements, montrent 30 à 40% de mortalité périnatale en moins, mais là on n’a pas pu le démontrer.

Par contre, quand un enfant naît avant terme, le lieu de sa naissance a un effet de risque relatif de 5,7 : il meurt 5 fois plus pendant l’accouchement ou en période néonatale s’il naît dans un niveau I par rapport à un niveau III, et 4,7 fois plus s’il naît dans un niveau II par rapport à un niveau III. Très peu de facteurs de risque ont cette énorme puissance de 5 fois.

L’objet du consensus international est : il serait mieux que les enfants naissent où il le faut quand il est possible de prévoir que leur naissance sera avant trente-trois semaines ou à moins de 1500 grammes. Quand on regarde l’analyse de facteurs de risque, c’est absolument renversant : quand un enfant naît en niveau I par rapport à un niveau III, le risque de mort per-partum ou néonatale est 11,8 fois plus. C’est hautement significatif. Le niveau II par rapport au niveau III est 8,8 et c’est significatif.

 

Est-ce une surprise ? Pas du tout. C’était dans la littérature.

 

Voilà les chiffres en plus gros pour que vous n’ayez pas l’impression que je vous raconte n’importe quoi:

On retrouve les facteurs de risque traditionnels, l’hypotrophie en dessous du troisième percentile, le risque de mort per-partum ou néonatale est 12 à 13 fois plus. Si la mère a une hypertension avec protéinurie et qu’elle accouche entre vingt-huit et trente-deux semaines, le risque de mort est 10 fois plus. D’accord. Cela, on le sait, et c’est ce que nous devons gérer.

Par contre, dans les outils utilisables pour la gestion, la décision du lieu de la naissance est accessible à notre organisation. Si on naît à domicile ou dans l’ambulance, c’est 32 fois plus ; on fait ce qu’on peut pour éviter ça. Pour la maternité non associée à un service de médecine néonatale, ou la maternité associée à un service de médecine néonatale sans réanimation, les facteurs de risques sont augmentés de façon significative.

 

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6 – Conclusion.

Je posais la question : est-ce une surprise ? La réponse est non.

Beaucoup de pays du monde ont proposé d’organiser un réseau régional pour qu’une filière de soins hiérarchisée soit mise en place, la hiérarchie venant de la gravité du cas, ce qui n’est pas accepté en France : chacun veut démontrer avec clarté qu’il est capable de traiter les cas de toute gravité confondus. Ce qui est absolument faux.

Dans les pays modestes et attentifs, comme la Hollande où ce réseau de soins s’est mis en place en 1976 – on a honte –, on a démontré entre 1976 et 1982, sur l’ensemble des naissances, que le fait que l’enfant naisse au bon endroit, avec les mêmes définitions, réduit sa mortalité de 60%, et cela réduit aussi les détresses respiratoires parce qu’on applique mieux les bonnes pratiques techniques avant la naissance. Par exemple, les corticothérapies, pour faire maturer le poumon fœtal en donnant des médicaments à la mère, sont très diversement appliquées selon les maternités, alors qu’à l’évidence, elles diminuent de 20% à 30% le risque de mortalité néonatale ; mais elles ne sont pas correctement appliquées. (Et ça réduit les hémorragies intra-ventriculaires et les convulsions.)

Est-ce seulement vrai à l’étranger ? En Allemagne, on a beaucoup fait ça, et on se rend compte que les enfants qui sont in born – ceux qui naissent au bon endroit –, par rapport aux out born – ceux qu’on est obligé de transporter – ont un risque d’hémorragie intra-ventriculaire de type III ou de type IV (c’est à dire grave, entraînant hydrocéphalie, destruction du tissu cérébral, altération du développement et handicaps possibles). D’énormes différences hautement significatives : voyez là pour les enfants de moins de 1500 grammes.

Il y a un effet sur le long terme : les gens qui ont analysé avec soin disent qu’il y a aussi une réduction des handicaps mesurés à cinq ans à Denver Colorado du simple au double. En Italie, on trouve une différence de 3% à 23% pour la région qui a organisé ce système. En France, on a une évaluation disponible aussi, puisque dans la région parisienne l’équipe d’épidémiologie de Gérard Bruhat et l’ensemble du groupe d’études néonatales des médecins de médecine néonatale ont organisé une étude de toutes les naissances de la même définition – avant trente-trois semaines – avant 1985, et ont étudié leur mortalité immédiate et leur devenir à deux ans : ils ont démontré également que le handicap à deux ans avait un risque relatif de 7 quand l’enfant ne naissait pas au bon endroit par rapport à naître n’importe où. Pour des raisons qui tiennent à la difficulté, ce n’est pas publié.

C’en est au point que ça n’a pas été publié, sauf dans un journal européen, en anglais, dans un petit résumé ! La thèse du garçon qui va le faire a lieu la semaine prochaine, et ça n’a pas été publié. Bon.

 

La réponse est : il faut qu’on arrive à un consensus de hiérarchisation des maternités, qui ne soit pas une recherche d’égalité, mais un échange. C’est à dire que, à Port-Royal où j’ai 6 000 personnes qui viennent accoucher, je dois pouvoir dire : si vous allez à Saint-Cloud voir mon ami Vigé avec qui je suis en réseau, vous aurez la même sécurité et les mêmes protocoles. Lui va y gagner de m’envoyer les cas qui l’ennuient, et moi je vais y gagner pour toutes les femmes qui n’ont pas de risques plus élevés. On va s’arranger entre nous, c’est ce qu’on est en train d’essayer de faire, avec l’extraordinaire difficulté de la région parisienne.

 

 


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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

IV — Filière en Val-de-Saône : maisons de retraite, moyen et long séjour.

 

Lucien Vicenzutti, directeur du Centre Hospitalier d’Autun.

 

Je suis un peu ému de parler après des expériences denses, très poussées et de vous faire part d’une expérience plus rurale. Mais puisque qu’il n’y a de réseau que par rapport à une réflexion sur l’aménagement du territoire, nous y avons été confrontés dans le Mâconnais et étant au cœur du désert rural à l’hôpital d’Autun, je suis preneur de la réflexion que vous faites, M. le professeur Papiernik, sur les maternités, puisque la mienne est menacée, et j’ai la conviction qu’il y a des choses à faire, surtout en réseau.

Je me permettrai de dépasser le simple cadre du Mâconnais Val-de-Saône pour alimenter le débat et échanger avec vous.

Il est intitulé « Filière du Val-de-Saône », alors que l’appellation officielle est devenue « Réseau du Mâconnais Val-de-Saône ». Nous avons été confrontés, lorsque nous avons initié la démarche dans le Mâconnais Val-de-Saône, à un problème de sémantique : nous étions partis sur l’hypothèse de mettre en place des filières, puis c’est devenu un réseau ; c’était « Val-de-Saône », puis c’est devenu « Mâconnais Val-de-Saône ». Tout cela pour dire que la notion de réseau s’appuie d’abord sur des hommes.

 

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1 – L'origine.

L’origine remonte à 1991, quand un collègue, directeur de l’hôpital local « Le Pont Nouveau », a eu une idée.

Plantons le décor. Je n’ai pas de carte, mais je vais vous le décrire.

Le Mâconnais se situe le long de la Saône – vous y passez tous quand vous allez dans le sud de la France – et s’étire sur une région de quarante kilomètres le long de la Saône, soit vingt kilomètres au nord de Mâcon et vingt kilomètres au sud.

L’idée était venue de constituer entre les hôpitaux locaux et le centre hospitalier des filières de prise en charge. C’est une zone de 200 000 h que la zone d’attraction du centre hospitalier, centre hospitalier de référence avec un plateau technique puissant, qui a un SMUR, un service d’urgence, qui a de la chirurgie, de la médecine active, et une nuée de petits hôpitaux locaux autour, huit au total, répartis sur trois départements : trois en Saône-et-Loire, trois dans le département de l’Ain, qui se trouve région Rhône-Alpes à côté, et un dans le Rhône, l’hôpital de Belleville.

L’idée est venue du directeur, notamment de Pont-de-Vaux dans l’Ain. Il y avait une tradition de collaboration entre directeurs, mais aussi entre médecins, équipes soignantes, le long du Val-de-Saône. L’originalité, c’est que l’initiative est venue d’hôpitaux locaux et non pas du centre hospitalier. C’est pour cela que les proximités, les relations se faisaient le long du Val-de-Saône. Le centre hospitalier a pris le train en marche et dès lors, cela a modifié le territoire parce que lui-même se trouvait en relation avec d’autres hôpitaux, en Saône-et-Loire, notamment Tramayes, notamment Cluny, qui avaient été exclus de la démarche au début. C’est donc une aventure humaine qui s’est faite par association et qui a eu des couacs ; je ne vais pas vous les cacher, ne valoriser que ce qui a marché : il y a eu des échecs, des limites. En rebondissant sur ces limites, on peut voir aujourd’hui ce que l’on peut faire.

 

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2 – La création de filières.

Au début, le postulat était de créer des filières. Notre collègue Chirrat, décédé depuis, avait le souci de réhabiliter les hôpitaux locaux, petits hôpitaux en perte de vitesse dans des bourgades de 500 à 1 000 h, avec un service de médecine en état de survie, dont le devenir était menacé.

Une aide a été apportée par la Caisse d’Assurance Maladie de Rhône-Alpes pour faire une étude. Cette étude a été animée par un bureau de conseil, plus consultants (je retrouve dans l’assistance un de ses animateurs, M. Crémadez). On a procédé, à travers des techniques de segmentation et d’analyse de la valeur, à l’état de l’existant. On s’est rendu compte qu’il y avait entre l’état des besoins et l’offre un décalage considérable.

 

Les hôpitaux locaux avaient une vision de leurs soins très technicienne : ils avaient l’aspiration de faire des soins de médecine technique, alors que la réalité était peuplée de besoins de prise en charge d’une population âgée, souffrant de dépendances, avec notamment une montée importante de la dépendance psychique – la maladie d’Alzheimer en se développant, la démence –, avec aussi un sédiment de population psychiatrique chronique stabilisée.

Cela n’était pas vécu comme gratifiant pour ces équipes, d’où une tendance à adresser systématiquement les cas plus lourds de prise en charge de personnes âgées au centre hospitalier, qui avait un service d’urgence et un département de médecine interne actif. La conséquence était un engorgement des lits de médecine du centre hospitalier.

Le constat était donc une inadéquation dans les deux sens de l’offre de soins à la demande.

 

On se rendait compte, au centre hospitalier, que très souvent l’hospitalisation d’une personne âgée avait un motif médical qui était circonscrit, analysé et traité généralement au bout de deux ou trois jours, mais qu’il restait une quantité d’autres problèmes qui n’étaient pas identifiés. Des problèmes sociaux, psychologiques, familiaux montraient qu’en amont, un certain nombre d’étapes n’avaient pas pu être franchies et mettaient le centre hospitalier dans la situation de trouver des issues pour ces personnes âgées qui arrivaient dans les services de médecine, dont le retour à domicile n’était pas toujours possible, et qu’il fallait nécessairement placer dans les services de moyens ou de longs séjours, ce qui bloquait complètement notre système.

D’où le constat suivant : on ne savait pas anticiper le devenir de la personne âgée, et on subissait la situation plus qu’on ne la maîtrisait. On demandait au patient de s’adapter à un système plutôt qu’au système de s’adapter au patient.

 

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3 – Les solutions.

Les solutions ont eu beaucoup de mal à émerger.

Tout d’abord, cette initiative étant venue de directeurs, il a fallu fédérer un centre hospitalier et les cinq hôpitaux initiateurs, puis intégrer les petits canards qu’on avait oubliés : dès lors que le centre hospitalier est arrivé dans le réseau, il a fallu prendre les hôpitaux qui s’y trouvaient à l’est. Il y a eu donc un énorme travail de compréhension, et on a eu beaucoup de difficultés à rapidement identifier la solution – et je me retrouvais volontiers dans les définitions du Dr Schmitt sur la filière comme entité fonctionnelle et le réseau comme entité matérielle.

 

On a voulu, en essayant de définir tout de suite des filières, franchir une étape alors que le préalable n’était pas défini, c’est à dire identifier le réseau.

Je me souviens toujours de ce que disait le Dr Gallois, qui était à l’époque chef de service et qui a été le fondateur du département de médecine interne, contestant un peu cette initiative venant de la direction : « mais le réseau existe ; il y a des relations tous les jours, entre médecins dans l’hôpital local, donc médecins traitants et du centre hospitalier, entre des équipes de soin. » Il avait raison : plutôt que partir d’initiatives qui auraient consisté à donner un schéma, une procédure, à imposer une méthode, il a fallu décortiquer ce réseau et essayer de le révéler. Il existe un réseau naturel et informel, un réseau hospitalier, un réseau extra-hospitalier.

Notre travail a été de mettre à plat cette offre de soins qui existe afin de permettre à tous les acteurs d’identifier qui faisait quoi dans cette zone d’attraction:

• Bien préciser le rôle des hôpitaux locaux – celui du centre hospitalier était connu – pour les ramener à leur mission de proximité.

• Fallait-il que le service de médecine de l’hôpital local soit le service auquel on s’adresse tout de suite, ou était-ce une structure de suite ? Un problème de définition.

• Identifier les solutions alternatives aux placements systématiques en long séjour que l’on ne pouvait pas satisfaire. On s’est rendu compte qu’il fallait associer tous les services de soins à domicile de catégories multiples, soit hospitaliers, soit associatifs, soit relevant de groupements d’intérêt économique notamment animés par des infirmières libérales.

Nous n’avons pas fait de miracles, mais nous avons essayé d’être pragmatiques et d’aborder la chose avec des solutions simples, puisque plus on avançait, plus on décortiquait ce réseau, plus on s’y perdait. À un moment donné, il fallait simplifier les choses si l’on voulait que la démarche ne reste pas sans suite.

Nous avons fait quelques actions en commun ; je prends volontiers acte de la modestie de ces actions, mais elles sont un premier pas.

 

Nous avons d’abord fait une plaquette d’information, que j’ai amenée avec moi et que je peux mettre à votre disposition, qui décrit l’offre de soins secteur par secteur, aussi bien au niveau de la prestation hospitalière que de la prestation de maintien à domicile, parlant aussi bien des soins, de l’aide ménagère, des portages de repas, de la télé-alarme, etc. Cela permet à tout acteur, qu’il soit médecin traitant, qu’il soit hospitalier, surveillante à la recherche d’une place, qu’il soit CCAS ou qu’il soit hôpital local, de voir qui fait quoi dans son environnement. Cela lui permettra de se mettre en relation pour trouver une réponse adaptée à la question qu’on lui pose lorsque se présente une demande de prise en charge d’une personne âgée.

 

Deuxièmement, il était important de densifier le réseau en établissant des relations entre les hommes. Des surveillants de centre hospitalier de Mâcon n’avaient jamais vu de personnel d’un service de soins à domicile, n’avaient jamais vu les équipes des hôpitaux locaux que très souvent ils avaient au téléphone.

Nous avons donc organisé des actions de formation en commun, pour acquérir une culture commune, notamment sur le traitement de la démence sénile, pour faire en sorte que les équipes des hôpitaux locaux ne voient pas les soins à la personne démente comme étant dégradants ou non conformes à l’idée qu’elles se faisaient de l’éthique de leur métier, mais que ce soit au contraire un territoire à conquérir. On a complètement valorisé ce soin, vécu au début comme étant à faire faire par d’autres. On en a donné une nouvelle perspective, et la maîtrise que les équipes ont pu avoir en commun sur le traitement de la démence sénile a permis de créer une culture, de créer des liens : à partir d’un plan de formation en commun de plusieurs équipes dans ce domaine-là, cela a été l’occasion de tisser des liens. En tissant des liens, on tisse du réseau. En tissant du réseau, on permet à des gens de se connaître, d’être plus efficace et de se comprendre.

 

Nous avons fait également une formation sur des soins de base qu’il serait utile d’avoir dans les hôpitaux locaux. Par exemple le traitement des soins aux trachéotomisés, après la phase aiguë, bien entendu : il y a des malades trachéotomisés qui sont suivis en hôpital local, et c’est très souvent un soin rebutant, vécu comme difficile, où l’on craint de prendre des risques. Les chirurgiens ORL du centre hospitalier de Mâcon ont prodigué une formation un après-midi à des infirmières des hôpitaux locaux pour dédramatiser ce soin, pour expliquer les méthodes de base à maîtriser pour faire ces soins sans difficulté, et la procédure à tenir en cas de complication : le CH est derrière qui intervient en cas de problèmes.

Cela a évité de paniquer les équipes et permis de consolider la capacité et l’aptitude des hôpitaux locaux de traiter des soins de base.

 

Nous avons également mis en place une fiche unique d’admission des patients.

La fiche unique a pour but de permettre de matérialiser sur un support, sur un document, la demande de prise en charge d’un hôpital local vers le centre hospitalier, mais aussi du centre hospitalier vers un long séjour d’un hôpital local, ou d’un service de soins à domicile vers le centre hospitalier. Il était donc important de définir les mêmes critères pour qualifier les états des patients.

Tout d’abord d’où vient le patient ? Vient-il d’un centre hospitalier, d’un lieu de vie, d’un foyer, ou vient-il de son domicile ? Il était important d’avoir une idée précise de son habitat, de sa situation sociale, de son état d’isolement ou pas, qui est certainement un facteur profond de demande d’admission ou d’hospitalisation. Dans quel état est-il ? Donc des éléments d’information sur la pathologie et le niveau de dépendance. Quel est son besoin de soins et où va-t-il, quelle est sa perspective ? Est-ce quelqu’un qui a seulement besoin d’un soin technique et qui retournera à domicile ? Peut-il retourner à domicile ? Même s’il a cette possibilité sur le plan biologique, qu’en est-il sur le plan social ? Quel est son devenir?

Ce n’est donc pas regarder la situation à un instant T, mais avoir une vision dynamique de la prise en charge du patient.

 

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4 – Partenariat.

Je remets en perspective les objectifs de ce réseau de soins pour mieux les citer à partir de cet exemple : c’est à travers la constitution d’un GIP élaborer un cadre de partenariat pour coordonner la prise en charge des personnes âgées. Les objectifs que nous nous sommes donnés étaient donc:

• Favoriser l’adéquation de l’offre à la demande.

• Essayer de mettre en place des filières à partir d’un système d’informations commun.

• Développer si nécessaire dans le domaine sanitaire et social des actions de santé et exercer en commun des actions de formation gérant ensemble des équipements.

• Proposer le cadre juridique à toute coopération.

Nous avons donc fixé le cadre juridique à travers un groupement d’intérêt public, mais on s’aperçoit qu’entre les intentions et la réalité surgissent certaines difficultés.

 

Notre but a été de mieux structurer la réponse.

Par exemple quand on s’adresse à moi, si je ne sais pas faire, je vais regarder dans le réseau qui peut mieux répondre à la demande qui m’est faite. Si manifestement je ne peux pas régler un problème de retour à domicile, je sais qu’il existe un service de soins à domicile, un système de portage géré par le CCS de telle commune qui va essayer d’apporter la réponse que je ne peux pas donner.

L’objectif était de coordonner chaque membre du réseau et de faire en sorte que par la solidarité on puisse transmettre le relais.

 

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5 – Conclusion.

Une des ambitions qui n’a pas abouti est l’installation d’un système d’information en commun qui, je pense, devra voir le jour avec la mise en place de RSS par patient et d’analyse de flux : il y avait beaucoup de difficultés à coordonner et structurer toutes ces informations. Cela nécessite des moyens que nous n’avions pas.

Globalement, cela a permis à tous ceux de ce secteur-là à mieux se connaître et de nouer des liens qu’ils avaient parfois – ou parfois ne soupçonnaient pas –, mais il y a des limites : gérer un réseau, c’est d’abord gérer la complexité d’une multitude d’acteurs, de structures, dont il faut faire en permanence la synthèse. Par ailleurs, un réseau, c’est fragile. C’est très fragile. Il suffit qu’un ou deux éléments actifs partent pour que tout soit remis en cause.

Il faut compter sur les réseaux naturels, les liens qui existent. Quand on dit : « on va créer une filière », « on crée un réseau », il faut être très prudent ; il faut d’abord s’appuyer sur ce qui existe, à cause du risque d’effrayer ceux qui pourraient être les promoteurs. Je me souviens des conflits que j’avais à l’époque : tous ceux qui philosophiquement étaient d’accord avec l’idée, parce qu’elle n’émanait pas forcément d’eux, vivaient ça comme une concurrence, une perte de pouvoir. Donc il faut être très prudent. Il vaut mieux valoriser ces réseaux ; les décortiquer, mais les valoriser. Faire se rencontrer des professionnels, c’est la clé du succès. Dans notre cas, et je prends ma part de responsabilité, ç’a été une démarche un peu trop administrative.

 

Donc : on se connaît, on se comprend et on traite mieux les problèmes.

Il faut impliquer les praticiens hospitaliers, c’est fondamental dans une démarche qui n’est pas a priori dans le champ naturel de l’hospitalisation. Quand on est médecin hospitalier, on a une approche de service de prise en charge à un moment donné, et ce n’est pas facile de s’extérioriser pour aller voir en amont et en aval la médecine de ville et les hôpitaux locaux. Il me paraît important d’avoir là-dessus un débat de fond et d’arriver à des actions.

Il faut en plus obtenir la confiance des médecins traitants. Sans les médecins traitants, on ne peut pas densifier un réseau qui vise à permettre le retour à domicile parce qu’on ne multipliera pas indéfiniment les structures.

 

Les perspectives passent par la mise en place de structures nouvelles. À l’hôpital de Mâcon, je ne sais pas ce qui va se faire. Mais en tout cas j’y réfléchis à Autun, fort de cette expérience, pour mettre en place des réponses telles qu’une unité de gériatrie ou un hôpital de jour de gériatrie, qui pourraient faire des bilans, qui pourraient permettre la synthèse, obtenir une vision globale du patient et aider son médecin traitant, à l’hôpital local ou à domicile, à identifier sa situation et envisager des solutions, à éviter les phénomènes de rupture et à organiser la réponse adaptée. C’est à la fois concilier la sécurité et la proximité.

 

*

 

C’est une expérience humaine, avec ses hauts et ses bas. Pour ma part, je reste militant du réseau, et j’ai d’autres enjeux à Autun, ce qui m’aide à me battre : quand je vois de jeunes médecins qui s’installent et qui ont envie de faire du réseau, alors je leur dis « OK, on fait équipe et on va se battre ensemble ».

 

 


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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES DE RÉSEAUX

 

V — Réseau privé-CHU-CHG dans une spécialité médico-technique.

 

Professeur Pierre Dusserre, anatomo-pathologiste à Dijon.

 

Je suis honoré d’être parmi vous aujourd’hui, car je suis un petit pathologiste de campagne parmi les directeurs d’hôpitaux et mes collègues.

L’anatomie cyto-pathologique est souvent mal connue – j’étais hier à Annecy où nous n’apparaissions que dans un petit coin – et pourtant nous signons les diagnostics et vous avez besoin de nous.

Je salue bien sûr le Président, toute l’équipe et mes collègues, mais j’ai un mot spécial pour mon ami Toulouse puisque nous avons travaillé ce dossier il y a fort longtemps et il va le redécouvrir, ainsi que tous les Bourguignons et le directeur d’Autun.

 

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1 – Télé-pathologie.

Rappelons simplement qu’en 1975, le petit groupe bourguignon auquel je participais s’est battu pour informatiser l’anatomie cyto-pathologique. C’est le point de départ d’une histoire vieille de 20 ans, que certains ont parfaitement connue.

• 1989  : première station de télé-pathologie.

• 1993  : création de Résintél. Important : ce n’est pas « on va faire », cela fonctionne en routine, et a été adopté et validé par la Harvard Medical School. Il a fallu que l’on revalide avec les américains, alors que nous l’avions validé tous ensemble avec les pathologistes de langue française.

• À présent 1995  : implantation internationale.

Ce n’est ni privé, ni CHU, ni hospitalier, c’est un réseau que l’on plante où l’on veut dans le monde, et je vais vous le démontrer.

 

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2 – Enjeux et applications.

Tout d’abord, un peu d’histoire. Le rapport de Thierry Breton. Je ne sais pas si vous le connaissez. J’ai présenté ce dossier au sénat il y a une dizaine de jours et j’étais à côté de lui. C’est important pour savoir où l’on met les pieds. Regardez l’augmentation de tout ce qu’on va appeler la télé-médecine, les télé-services, etc. En quatre ans, l’augmentation fait 1,2 pour les télé-services, 1,3 pour l’enseignement, et 1,5 pour la télé-médecine. C’est la révolution, et vous allez la vivre, nous allons la vivre ; c’est l’an 2000 et quand on voit les lois actuelles, on comprend.

 Vous avez à préciser un certain domaine d’application. Vous voyez, télé-diagnostic, télé-intervention, robotique, télé-éducation, gestion, vous les lisez. Ce qui m’intéresse, c’est le télé-diagnostic, la télé-imagerie, qui va induire l’enseignement, la formation continue, la formation réelle, ce qui est évident par l’image. L’image, le texte, la voix.

Les spécialités concernées sont les spécialités de l’image. Radiologie, bien sûr et aussi l’IRM et la RMN parce que je suis étonné qu’en France actuellement et dans le monde entier, l’imagerie médicale, c’est la radio. Et ce n’est pas la radio standard ; c’est l’IRM ou la RMN. Il y a quatre milliards d’individus – on travaille sur ce dossier international – qui n’ont pas d’IRM ni de RMN, au mieux la radio standard quand ils l’ont.

Dermatologie, c’est la télé-macroscopie. Cardiologie, c’est très spécial. Les urgences, la gynéco, etc. , nos amis les ont présentées, c’est autre chose, c’est de la médecine vraie. (Vrai, ce n’est pas le terme, mais vous me comprendrez).

 

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3 – Prestation.

La prestation est de la télé-lecture à distance. Je ne reviens pas sur les définitions, cela a été parfaitement fait, de la télé-expertise et les banques d’images, les banques de données.

Quelques précisions. La télé-lecture se présente en deux cas :

• Soit c’est un opérateur non médical, en radio et en ana-path, qui peut prendre les images et qui va transmettre des données image, texte et voix, toujours sous contrôle médical, à un médecin situé à 8 000 km ou à un hôpital voisin pour faire un diagnostic.

• La télé-expertise, ce sont obligatoirement des médecins, pathologistes, hématologistes, on pourrait dire télé-microscopie, parasitologues, qui ont besoin en temps réel ou en temps différé d’avoir un point. C’est donc un dialogue. Je ne parlerai pas de la rupture de l’isolement par la télé-médecine, puisqu’au bout de trente-neuf ans de médecine au service des médecins et des chirurgiens dans ma région, un certain nombre ne se sont jamais vus en dehors d’un congrès où l’on se touche la main. Le dialogue, ça devient important.

Le savoir médical, ce sont les banques d’images. Quand je pense qu’actuellement, on enseigne l’anatomie pathologique, etc., avec des « gnagnagnas », avec des images en noir et blanc. Comment voulez-vous qu’on vous réponde une image standard – j’ai appris ça avec Cabanne pendant dix ans – et une fois que vous avez vu dix fois un verre de Bourgogne, vous dites que ce n’est pas un verre d’Alsace. C’est une image. Autrefois c’était sur papier, maintenant c’est le multimédia, c’est aussi évident.

Je reviens à Résintél, réseau international de télé-médecine.

 

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4 – Objectif.

Échanger des images médicales à partir du microscope, avec des textes, avec la voix, avec des acteurs médicaux, expertise ou aide à traiter les diagnostics à distance. Nous sommes dans un réseau international où il n’y a pas de pathologiste, ou seulement un ou deux. Je vous donne des chiffres intéressants : il faut savoir qu’au Maroc, il y a 60 pathologistes de BAC+4 en anatomie pathologique à BAC+39 comme moi, 60 pour 30 millions d’habitants. En Afrique du Sud – j’y pars lundi –, il y a 40 millions d’habitants et 120 pathologistes. J’oublie le reste. C’est ça le fond du problème, et vous allez voir l’intérêt que ça présente la localisation, délocalisation, l’organisation du territoire, et en France on peut l’organiser. Il y a un ou des systèmes qui communiquent, qui sont interconnectables. Vous avez un demandeur, un lecteur, un expert.

Un petit aspect de comment ça se passe : vous avez, par exemple en France, un médecin demandeur qui a des problèmes. Il veut avoir un conseil. Il faut savoir qu’en anatomie pathologique, on n’a rien inventé. Dans mon centre de pathologie, on envoie nos lames à tout le monde. Quinze jours après, on vous dit : « il a ceci ». De mon temps, le malade ne nous connaissait pas ; maintenant, on nous connaît, et s’il faut quinze jours pour qu’on vous réponde quand vous avez une boule, vous perdez quelques kilos, je vous le dis tout de suite. Donc on répond en quarante-huit heures, où que ce soit, quelle que soit la difficulté ; c’est ça l’intérêt : rapidité. Ça va revenir dans le coût de la santé, c’est évident. Alors un aller : connexion en temps réel ou en temps différé ; le temps différé est extrêmement intéressant parce qu’il n’y a pas d’urgence à une heure près, avec stockage des images, et le temps différé entre dans le problème international, mais même problème entre les hôpitaux.

La boîte aux lettres est très importante. C’est une capacité énorme dans un petit ensemble, puisque maintenant on peut vous dire que dans une boule cristal on met des milliards et des milliards d’informations, dans quelque temps. Tout ceci va être l’évaluation de la qualité, de la traduction, la gestion du réseau. C’est le centre de noyau Résintél ; et un noyau Résintél, c’est un noyau de gestion, c’est un go between (je ne parle pas anglais, mais j’ai découvert ça en allant me frotter aux anglo-saxons), c’est un intermédiaire qui peut être neutre ou ne pas l’être, qui peut gérer ou ne pas gérer : c’est la liberté et l’ouverture totale.

 

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5 – Expertise.

Que fait l’expert ? Il reprend les données qu’on lui a envoyées. Il peut manipuler les images avec le système « Radius » qui a été évalué par les radiologues, surtout pour les seins, où l’on voit les micro-calcifications qu’on ne voyait pas autrefois, manipuler donc et faire du zoom sur l’image, etc. pour faire son diagnostic, et surtout il code (je n’ai pas entendu le problème du codage) avec des textes, et il donne son avis par la voix, ce qui ne sera pas reproduit sur le compte-rendu.

J’ai signalé que sur 100 cas, 90% ne posent pas de problèmes pour les pathologistes de métier, 10% où l’on a besoin d’une aide, un peu intellectuelle, où il faut être deux ou trois pathologistes quand la personne est connue – on connaît tous ça –  ; il y a 2% où l’on est embêté parce qu’on n’est pas spécialiste d’organes, et là ça devient important.

Le consultant va renvoyer tout ceci avec une édition rapport écrit, ce qui est important pour nous, et ses commentaires. On voit arriver l’enseignement : on dit « attention ! c’est ceci, c’est un carcinome embryonnaire, il faudra peut-être faire cela, faites attention, envoyez Untel, il y a un centre spécialisé ... » Tout ce que vous avez dit en gynéco, c’est extrêmement important pour nous.

On a le compte-rendu qui sort à distance, étudié et validé par plusieurs avec les images (radio, hémato, parasito). Vous mettez les images sur le compte-rendu. Par exemple ici, c’est un Séminome, mon ami Lederlin pourra le vérifier, il n’a pas besoin de redemander l’alarme. Le voilà, le micro-dossier médical en cancérologie dans la carte à puce. Il y a 10 mots clefs, ce n’est pas la peine de se balader comme on a connu dans nos centres au tout début où l’on avait une pile de documents, que personne ne regardait, d’ailleurs – je parle dans le stockage.

 

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6 – Texte et image.

Une image, un diagnostic et surtout un texte.

Là, on dictait le texte. Quand vous avez vingt ou trente cas à dicter, si vous faites « gnagnagna » toutes les cinq minutes, ce n’est pas possible de sortir en vingt-quatre ou quarante-huit heures. Ce qu’on appelle Résindiag, qui est connu à Autun – on travaille avec le groupe d’Autun depuis longtemps –, ce sont ces fameux centres de statistiques anatomo-pathologiques, qui existent : nous avons en stock par an dans tout le mouvement 400 000 cas codés (combien y a-t-il de malades qui ont ça, ça ou ça), mais jamais on ne nous a demandé de les sortir. J’ai dit aux professions à la santé publique : « maintenant, vous rentrez dedans, on vous les donne. Ça ne coûte pas cher, vous les avez, il faut simplement regarder ».

Une image, un diagnostic, un code (par exemple 29-17) qui est transcodé dans tous les codes – je vais y revenir – avec un texte pré-programmé : on ne décrit pas toute la vie les mêmes choses ; notre métier, ce sont des images. J’en ai vu 6 à 700 000, et quand je revois le carcinome malpigien qu’il faut que je redicte, c’est normal, c’est la même chose, sachant qu’il y a vingt ans les chirurgiens que je voyais vous jetaient les pinces en disant à la surveillante, « drainage, trois sutures ». Je disais : « dites 01, et puis c’est tout ; vous gagnerez du temps ». Et après il n’y a pas d’erreurs de code ; parce que le code, c’est le médecin qui l’établit, ce n’est pas la sous-secrétaire qui recode. Je le vis avec ma femme avec le PMSI, il faut que ce soit correct.

Le texte est remaniable, automatique, avec les compléments, traitements de texte, etc. C’est un gain extraordinaire du pathologiste. Quand je pense qu’on fait quatorze ans d’études et qu’on continue à travailler comme il y a cinquante ans... Le secrétariat médical, c’est le coût!

Ce qui est intéressant, c’est qu’une image est une image. Le radiologue, le parasitologue, le bactériologue, il faudra un jour un tronc commun de codes. Chacun code dans son coin. Cela me paraît tellement évident.

Nous avons pris un code de travail qui a un corps commun. Il y a le fameux code des pathologistes français qui s’appelle le code Adicap, et on s’est aperçu quand on a fait le code Adicap que la langue française ne représente que 3% ou 4% du globe. Dès qu’on a mis notre pied au Canada ou ailleurs, on nous a dit Snomed. On a transcodé.

Adicap, Snomed, et autres codes ; votre code personnel est aussi valable. Quand vous dites 29-17, cela peut être 1-22 chez X, Y, cela n’a aucune importance, c’est transcodé.

Le code est fait par le médecin, ce qui gagne du temps. Et ceci dans toutes les langues. Dans la commission européenne où je vais être obligé de représenter la France – je dis obligé parce que les dossiers sont phénoménaux – dans le projet Europath, on m’a donné de l’argent pour réaliser l’unité. Voyez, je suis aujourd’hui là, j’étais hier à Annecy ; si on tire tous ensemble, je suis d’accord avec notre ami d’Autun, on est le plus beau pays et le mieux organisé en réseaux.

Voilà ce qu’on sort : vous avez un code français, le code Cabanne ; j’ai donné là le code 32-58, qui se traduit immédiatement en Snomed, et en code Adicap. Quand la secrétaire va taper T-24-120-plop-pop, vous voyez le nombre d’erreurs ? Il faut 15 secondes en moyenne pour taper le Snomed parce qu’elle se trompe. Nous, on dit 32-58 et ça donne un texte qui est en anglais, toujours la même chose.

Vous voyez qu’il y a un patrimoine intellectuel extraordinaire, et comme on voit sous le microscope beaucoup de maladies, celles qui coûtent en particulier, on pourrait faire verticalement des codes avec des arborisations.

 

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7 – Réseau.

Regardez bien. On a mis Dijon au centre du réseau. Mais Dijon, vous pouvez le transposer n’importe où ; c’est une expérience vécue, validée, qui existe, et la société Résintél est une société à capitaux à risques, sans quoi nous ne pouvions pas le faire, sans quoi on commençait à réfléchir, on le faisait dans quatre ans, et dans dix ans les Japonais, les Américains l’auraient fait.

Il y a donc un site actuellement à Dijon, qui fut le modèle pris par le groupe américano-hollando-etc., il y a un site à Boston, et le danger (déjà, cela a commencé il y a un mois), c’est qu’on va prendre tout notre travail, toute la bible, tout notre transcodage, et ça va aller dans le monde entier, et on ne parlera plus jamais de la France, ni des consultants français. On est au Cap : il y a soixante sites possiblement comme disent les Canadiens dans deux ans ; ils en prennent trois au départ. Vous pouvez ajouter d’autres pays, peu importe.

Traitement local, traitement régional, etc. On revit nos régions : pas besoin d’aller au Cap, parce qu’ils vont en prendre. Un Résintél, vous en mettez, par exemple au Maroc, quatre sites réunis, et on branche toute la médecine. C’est une image, l’image est importante.

 

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8 – Effets induits.

Les effets induits  : formation continue, multidisciplinarité. Le système qui rentre dans les prix que vous donnez fait toutes les images, les connexions avec la radio, avec l’hémato, avec la parasito, toute la télé-dermatologie. Au Cap, on nous demande de la dermatologie : vous voyez des gamins bourrés de boutons, et il n’y a pas de dermatologue ; on envoie la photo, on le met sur disque, et c’est traité, on convoque le gamin... C’est formidable ! On en est là actuellement...

Et les études épidémiologiques : combien y a-t-il de cancers – je l’ai toujours présenté comme ça – à Dijon entre la rue Berbizet (c’est une de mes rues où j’avais autrefois l’entrée du labo) et la rue Sainte-Anne ? Quand j’ai commencé à l’époque, et vous vous en souvenez, on disait « beaucoup » ; j’ai toujours vu la France dire « j’ai beaucoup travaillé, j’ai beaucoup de ça, j’ai beaucoup de ceci » ; mais enfin « beaucoup », ça en devient ridicule.

 

Je vous présente le dossier médical. Ça fait vingt ans qu’on m’en parle. Il faut un dossier médical simple, et au moins dans les maladies organiques graves, ce qui intéresse tout le monde car ce sont celles qui coûtent... Si tout le monde code avec un transcodage, c’est à dire avec un tronc commun de codes, qui sera sûrement le code Adicap au départ, parce que déjà les radiologues commencent à transférer, et on a déjà travaillé sur ce dossier avec la derma, cela donne un code pluridisciplinaire appliqué à chaque spécificité de la discipline, et vous faites un mini-dossier médical que vous mettez sur une carte à puce ! J’ai été un an sur la carte à puce, ce qui m’a demandé de faire des conférences et des voyages, pour en arriver aux questions : qu’est-ce qu’on va mettre ? Qui va le mettre ? On en est encore là.

 

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9 – Politiques de santé.

Dans les pays en voie de développement et dans nos régions, qu’est-ce que ça apporte?

Dans les pays émergents, c’est formidable : vous arrivez clé en main, Français, avec la culture française, des systèmes compatibles ouverts à tout le monde et surtout le diagnostic primaire au meilleur coût. (Internet, c’est un tuyau. Étant partenaire depuis 1990 de France Télécom, on nous vend des tuyaux, mais qu’y a-t-il avant et après ? On ne parle jamais du malade. On vend des tuyaux, et celui-là va très vite. On ne parle jamais du début d’un tuyau.) Je peux vous dire que c’est étudié par les Japonais et les Américains, mais ils n’ont pas le système, ils n’ont pas le codage, on a quatre ans d’avance.

Dans les pays développés, c’est la baisse des coûts par la rapidité, le travail en groupe – j’appelle ça des micro-centres anti-cancéreux avec un réseau – et on arrive à la télé-conférence.

Pour le prescripteur, c’est le désenclavement : on n’est plus seul. Il y a plusieurs pathologistes, plusieurs spécialistes qui sont autour et qui travaillent sur le patient.

 

*

 

Voilà ce que je propose dans nos régions, au directeur Benoît Leclerc du CHU et aux petits hôpitaux. Je m’adresse à notre ami d’Autun, c’est tout simple, vous faites un réseau. Réseau, pour moi, c’est la technique, et la filière, c’est l’intellect. Vous vous réunissez entre régions ; il n’y a plus de petits ou de grands hôpitaux, il y a des hommes qui savent. Mon patron est tout seul dans sa cuisine, il m’aide beaucoup, il ne coûte rien. Il y a le problème de l’évaluation des honoraires. On a tout envisagé, et ça, vous l’avez clé en main dans un an s’il y a une volonté politique, mais pas seulement si Jean-François Girard est là, c’est surtout si vous le voulez, tous.

 

 

 
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LA PHILOSOPHIE DES RÉSEAUX

Réconcilier aménagement du territoire et maîtrise des coûts de santé.

 

Docteur Étienne Dusehu. DIM du Centre Hospitalier de Compiègne.

Professeur Michel Crémadez, professeur de management au groupe HEC.

 

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Étienne Dusehu.

1 –1  Introduction

Cette présentation procède d’une réflexion commune entre Michel Crémadez et moi, à la suite d’un débat que nous avions eu et de constats communs sur la gestion un peu contradictoire de l’aménagement du territoire, qui était à l’époque – il y a trois ans – d’actualité, et la maîtrise des coûts de santé, qui ne nous semblaient pas aussi antinomiques que cela nous était alors présenté. Nous avons donc essayé au travers de ces documents, qu’on vous présente et qui procèdent d’un article que nous avions écrit dans « Gestion Hospitalière », de faire des constats.

Tout d’abord, ne pas contribuer à la désertification rurale. Pourquoi ? Parce que l’adaptation des structures de soins est toujours pensée en contradiction, ou relativement peu associée, à l’aménagement du territoire, et que cette contradiction est finalement génératrice d’un certain nombre de dysfonctionnements que nous avons essayés de présenter d’une autre manière, c’est à dire à travers la génération complexe d’effets pervers.

On dit qu’il faut concentrer l’offre de soins, à la fois pour atteindre une taille critique, pour avoir un niveau d’efficience, et pour que finalement les flux soient relativement homogènes, alors que c’est le contraire : la concentration des soins est à notre sens un facteur d’opacité, dans la mesure où dès lors qu’on mélange des demandes qui n’ont rien de commun, il est évident qu’on favorise d’abord des réponses homogènes inadaptées à la diversité des structures, et surtout des réponses inadaptées aux demandes. On génère donc l’insatisfaction aussi bien du côté des professionnels que du côté des usagers.

On fige également la structure médicale dans des modes de fonctionnement qui sont à présent contestés.

Enfin on place les acteurs de santé face à l’irresponsabilité, puisqu’on les oblige à concilier l’inconciliable, c’est à dire qu’on leur fait porter le poids de ce que finalement ils ne peuvent gérer, de ce de quoi ils n’ont pas la maîtrise.

 

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1 – 2  La décentralisation.

Quelles solutions ? Peut-être d’abandonner les solutions qu’on a appelées faussement radicales, parce que ce sont celles qu’on nous présente toujours comme étant la panacée, qui consistent à admettre de façon simpliste des réponses à des problèmes qui n’en sont pas. Les choix qu’on nous propose sont toujours très spectaculaires, mais ne sont que des réponses à court terme à des problèmes beaucoup plus complexes. Ce sont des décisions simples en apparence, mais qui ont un fort contenu symbolique très souvent et induisent aussi et surtout des effets pervers, dans la mesure où ils sont totalement imprévus, en décalage par rapport aux solutions présentées : c’est à dire que ceux qui ont pris les décisions n’assument pas les conséquences de ces décisions. Ce sont en plus des solutions qui, pour être radicales et séduisantes, mettent les individus en rupture de communication, que ce soient les professionnels avec le public, ou les professionnels avec les pouvoirs publics.

La solution nous est apparue se situer dans le réseau, dans la mesure où l’approche du réseau est à la fois pragmatique et intégratrice.

La santé, c’est un système complexe de relations multiformes qu’on ne peut mettre en phase qu’à partir du moment où l’on règle le problème des interfaces, et c’est dans ce sens là que les solutions nous semblent les plus réalistes. La structuration en réseau, telle qu’elle fonctionne, ne s’est pas imposée, parce qu’elle n’a aucune vertu médiatique : on ne parle pas des choses qui ne font pas de bruit, on ne parle pas des choses spectaculaires, on ne parle pas des situations qui résolvent au quotidien des problèmes d’ordre personnel. L’accélération des changements culturels qu’on observe aujourd’hui rend au contraire de plus en plus impérative la nécessité de gérer ces situations en évitant les freins que l’on rencontre.

 

Deux postulats obsolètes, l’un technologique et l’autre culturel:

• Le postulat technologique, c’est de dire que la sophistication de l’offre de soins et le recours à des plateaux techniques lourds obligent à une concentration hospitalière, ce qui est contributif de la désertification dont on parlait.

• Le postulat culturel, c’est accroître la spécialisation des praticiens. C’est admettre là un phénomène inéluctable qui va dans le sens de l’histoire, et qu’étant issus d’un mode de reproduction habituel du milieu hospitalier, nous n’avons aucun pouvoir dessus.

 

*

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Michel Crémadez.

2 – 1  Introduction

Je pense que les exemples que nous avons vus ce matin confirment assez largement cela et notamment, le raccourci que l’on fait entre la nécessité d’avoir des économies d’échelle et des tailles critiques et le fait de concentrer les établissements, ce qui apparaît dans une logique qui est une logique complètement faussée.

Au contraire, comme vous l’avez prouvé, à quoi servent des maternités de niveaux III si elles ne traitent pas ce pour quoi elles sont prévues et sont, par contre, encombrées de que ce peuvent faire des maternités de niveau I ? C’est absurde ! C’est la même chose pour votre CHU à Bordeaux et de la répartition entre les différents sites.

Nous sommes, à l’heure actuelle, à une époque où les relations et les moyens d’entrer en relation explosent. La culture médicale est complètement interpellée par cette question, car on peut constater quand on est extérieur à cette culture médicale qu’un des gros problèmes, permanent, qui existe et contre lequel la notion de réseau va devoir lutter, c’est l’incommunication ; c’est le fait qu’on ne se parle pas ; c’est le fait qu’appartenir à une même culture dispense de relations. Alors qu’on est dans un univers qui, au fur et à mesure, rend les choses beaucoup plus compliquées et la communication nécessaire, à cause de la spécialisation : le savoir s’accroît. Un individu, même appartenant à la même culture, ne peut pas maîtriser l’ensemble de ce savoir. Par conséquent, on est entré dans une phase où, pour prendre en charge quelqu’un, il faut plusieurs individus, il faut être multi ou pluridisciplinaire, donc pouvoir se rencontrer et avoir des structures qui le permettent.

 

Parler de filière, ça veut dire que quelque chose qui pouvait être fait en un lieu, par un individu, à une époque de sophistication faible, ne peut plus être fait que par différents individus, placés dans différentes structures, dans une époque de complexité beaucoup plus importante. D’autant que vous accroissez quotidiennement cette complexité à travers les recherches et les découvertes qui sont faites. Il est intéressant de voir que l’on a encore dans le fond de votre milieu des discussions qui se résument assez bien par ce terme.

Pourtant, la médecine interne et la médecine générale, les seules disciplines à occuper ce terrain, sont conduites à accepter un statut de super-spécialité, ou de sous-spécialité.

On est complètement à côté de la plaque ! Ce n’est pas le problème. C’est pourtant encore comme ça qu’on le pose.

 

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2 – 2  La hiérarchie.

Vous avez beaucoup évoqué la notion de hiérarchie. Vous êtes dans un milieu qui produit des hiérarchisations de valeur – toute culture produit une hiérarchisation – qui sont relativement simples, voire simplistes, voire très handicapantes. Par conséquent, une des évolutions importantes est de prendre conscience que l’on est rentré dans un monde dans lequel on ne peut plus avoir de hiérarchie simple. C’est un monde essentiellement paradoxal où il faut à la fois faire une chose et son contraire et rendre cela compatible. Il est ridicule d’opposer ambulatoire et hospitalier, par exemple, dans la mesure où l’on a toujours posé la question : « quel est le moins cher ? »

Il n’y a pas de réponse à cette question là. D’ailleurs, vous l’avez évoqué dans votre approche des coûts et de l’évaluation : comment peut-on dire que ça coûte moins cher si l’on n’est pas capable de savoir ce que ça rapporte?

Or, une bonne partie des évaluations est faussée, parce qu’on prend en compte des coûts immédiats et visibles, en oubliant les coûts cachés. On ne raisonne pas en termes d’utilité, mais en comparaison avec une pratique qui ne produit pas les mêmes effets. Il est temps de renouveler complètement cela et d’arrêter d’opposer une lecture comptable et une lecture scientifique des choses : il est évident que les deux sont intimement liées et que, si l’on est incapable de les concilier à un moment donné, on est incapable de créer quoi que ce soit.

Or, on est encore assez largement dans une disposition d’esprit où l’on oppose l’une à l’autre, où l’on oppose par exemple qualité et coût en disant : « la qualité coûte toujours plus cher ». Faux ! La non-qualité coûte très cher, M. Papiernik l’a parfaitement prouvé : ça coûte très cher de mettre en place des SAMU pédiatriques quand on pourrait faire en sorte que les femmes accouchent au bon endroit. C’est avant tout un problème de tri et pas du tout un problème de moyens à mettre en face de choses qui ont été mal conçues.

 

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2 – 3  La gestion des ressources.

Il faut créer les conditions d’une gestion meilleure des ressources rares.

Je crois qu’on est confronté là, certains de mes prédécesseurs l’ont dit, à des problèmes humains, notamment au fait que vous êtes dans un milieu plus que stable : on pose un médecin dans une faculté et on le retrouve cinquante ans plus tard en général au même endroit. C’est fantastique ! C’est assez étonnant. Il n’y a pas d’autre milieu qui ait cette caractéristique.

Par conséquent, comment faire, si les gens ne bougent pas, pour qu’ils puissent parler ? On se heurte immédiatement à : « on n’a pas le temps ».

Vous avez dit : « on ne le fait que tous les deux mois par manque de temps, parce qu’on ne nous a pas payé les frais de déplacement ».

Ce sont des choses d’un ridicule achevé, et pourtant c’est là-dessus qu’on achoppe.

Cette faible mobilité professionnelle est un facteur de handicap important.

Mais on a tendance aussi à dire : « Les médecins sont des irresponsables. Ce sont des enfants, ils ne raisonnent pas économiquement et il faudrait les rendre un peu plus adultes ».

C’est complètement débile, là aussi, comme mode de raisonnement. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que, disposant de moyens modernes qui permettent de se rencontrer, cette rencontre puisse se produire et que l’on mette l’accent, non pas sur ce que quelqu’un sait faire dans son coin, mais sur ce qu’il peut faire et obtenir comme résultats avec les autres ; c’est paradoxalement à cette seule condition qu’il éprouvera effectivement des satisfactions professionnelles.

On est au contraire dans des schémas qui font que l’on dit : « la satisfaction professionnelle, c’est d’avoir en autarcie plus de moyens, qu’on ne pourra pas mettre en œuvre pour tout un tas de raisons ». Là, tous les facteurs que j’évoquais vont se coaliser contre cela.

Il nous paraît essentiel de donner de la flexibilité, de rouvrir les frontières entre les établissements, de promouvoir des collaborations entre les établissements et les acteurs et cela, avec un triple objectif : remplir le besoin des usagers, les attentes des professionnels et les contraintes économiques, sachant qu’ils sont parfaitement compatibles. L’un ne s’oppose pas aux autres. Ce n’est pas parce que vous allez prendre soin collectivement des usagers que, pour autant, vous allez moins bien travailler et être moins satisfaits de votre travail, au contraire : vous le serez plus.

Beaucoup de vos collègues continuent à penser que ce n’est pas comme ça que vont se résoudre les problèmes, mais qu’il faudrait qu’on leur donne, à eux, tous les moyens qui seraient disponibles par la réunion de plusieurs individus.

 

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2 – 4  Le réseau.

Le réseau est pour nous la clé de voûte d’une telle évolution, pour une raison très simple : on est confronté à une dynamique et à des processus ; et non pas à une statique. Or, traiter et vouloir tout faire en un lieu, c’est avoir une vision statique des choses. On est donc confronté à la maîtrise d’une dynamique et d’un processus et de quelque chose dans un univers particulièrement complexe et particulièrement flou : on ne sait pas très bien comment les choses peuvent évoluer et la mise en commun du savoir que vous développez est particulièrement difficile. Si on veut bien l’explorer, il faut savoir qu’on travaille dans une logique floue et une logique complexe.

Le réseau a des avantages : il ne catalogue pas, il ne catégorise pas. L’exemple du chef de clinique éjecté de la matrice car il ne sera jamais agrégé est typique. C’est une double perte. C’est une perte pour le CHU qui perd un chercheur potentiel, pour des raisons qui peuvent être d’ordre strictement économique et c’est une perte pour l’individu qui perd la raison première de sa motivation. Soit il accepte de perdre cette motivation, soit il va essayer de se constituer quelque chose ailleurs qui lui permette de la maintenir, à part qu’il n’y arrivera pas de la même manière, puisqu’il a besoin des autres pour le faire.

Ça nous permet d’avoir une beaucoup plus grande flexibilité, parce que je peux appartenir au centre hospitalier d’Autun et au CHU de Dijon. Je peux appartenir à plusieurs équipes différentes. Je peux organiser mon temps différemment. Il est préférable d’avoir un praticien, à Autun, qui surtout ne perde pas de temps à faire des choses qu’il ne ferait pas bien et qui utilise ce temps pour aller à Dijon, d’autant que les équipes de Dijon crient toutes qu’elles ont besoin de monde.

On peut, grâce au réseau, avoir une vision multiple des choses, être multi-appartenant et organiser son temps suivant des rythmes et des motivations différents. Cela permet de décloisonner les univers professionnels, de décloisonner les ressources : vous savez que plus on éparpille les ressources, moins elles sont productives. Par contre, quand on arrive à les concentrer, on obtient des résultats que l’on n’obtiendrait pas autrement. Les urgences, par exemple, en sont très symptomatiques : quand vous avez une concentration, dans un hôpital, d’urgences de toutes natures et que vous avez une structure qui a été formée pour 3% de ces urgences qui y répond, il est évident que la qualité du service n’est pas bonne, que les coûts ne sont pas bons, et que tout va à l’avenant.

On est face à des problèmes de tris, de processus. Il faut raisonner de cette manière-là et on ne peut le faire que collectivement.

 

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2 – 5  La santé publique.

C’est à partir de là que le concept de santé publique peut être renforcé, parce que c’est le réseau qui lui donne une matérialisation. C’est parce qu’on couvre l’ensemble d’un territoire en le maillant qu’on traite un problème de santé publique, en étant un individu parmi les autres à l’intérieur de ce territoire.

C’est clair et je crois que l’intervention du Pr Papiernik l’a bien montré : si on n’a pas d’évaluation et si on n’a pas d’éléments qui permettent de fonder les raisonnements sur un certain nombre de faits, alors on est dans l’obscurantisme. On oppose des appréhensions qui n’ont pas été vérifiées, sur lesquelles on n’a pas communiqué et sur lesquelles il est très facile de se maintenir et de continuer à créer de la distance, quand il faudrait au contraire avoir de la communication.

L’évaluation est la base de la rénovation de votre déontologie, car votre déontologie a besoin d’évoluer : elle a été générée dans une période qui n’a plus grand chose à voir avec le monde que l’on vit, et il faut, sur ce plan-là, la faire évoluer. Il faut la faire évoluer avec l’idée que plus on est différents et divers et plus on sait s’associer, plus on est puissant. Or, on passe sur des postulats qui sont exactement à l’inverse, encore, dans la culture professionnelle.

L’avantage aussi du réseau, et là je reviendrai sur les définitions qui ont été données au départ sur réseaux et filières et notamment sur la notion de hiérarchisation et celle de territoire, l’avantage du réseau, donc – et je crois que vous l’avez montré à Autun –, c’est que ça bouge. On n’est pas forcé de se cantonner à un territoire – et vous l’avez montré aussi, puisque vous êtes passé sur le Poitou alors que vous étiez dans la région de Bordeaux.

Par conséquent, cette structure en soi a un avantage par rapport à toutes les structures que nous connaissons, c’est sa capacité d’adaptation dynamique, que les autres n’ont pas. Dire que le réseau ne repose que sur des individus me paraît être simplement le constat du poids qu’ont encore les comportements individuels dans un monde qui n’a pas fait cette évolution. Si nous faisons cette évolution, alors le réseau ne sera pas aussi fragile, aussi dépendant des individus. Ce que vous avez fait sur Résintél, avec tout ce travail qui est une rupture importante par rapport au fond de votre culture, avec ce travail de formalisation, de protocolisation, de codification, de transcodification, de tout ce que voulez, c’est constituer une masse d’éléments qui forme un ciment extrêmement important. À partir de ce moment, les individus peuvent partir, cela reste. On peut les changer. Ils peuvent avoir une plus grande flexibilité.

Vous avez à l’heure actuelle un gros travail à effectuer, à la fois sur le plan psychologique et sur le plan technique, qui est d’accepter de dire et d’écrire ce que vous faites pour pouvoir en discuter, sans pour autant considérer – c’est le vieux rêve des gestionnaires – que ça va être une espèce de carcan et que vous allez tomber dans ce que vous disiez, M. Schmitt, au début, dans le filet, au sens du piège. C’est la grande crainte de chacun d’entre vous : être tout d’un coup enserré dans quelque chose qui va le paralyser, qui va l’empêcher d’évoluer, d’adapter sa pratique.

 

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2 – 6  Conclusion.

Je terminerai par : le réseau, fantasme ou réalité?

On peut encore se poser la question. C’est vrai, vous avez montré aussi que c’est une notion qui vous est familière : vous ne pouvez pas vivre sans contact avec les autres. Je dirai que ça vous apparaît plus comme une contrainte que comme un moyen d’action. Par conséquent, des jeux se font sans une stratégie explicite, sans un objet – en dehors de la confraternité – clairement défini, qui permettent de faire vivre les processus et les réseaux ; vous êtes englués dans un contexte qui est concurrentiel et qui peut produire un certain nombre d’effets pervers.

Il ne s’agit pas, quand on parle de réseaux, de simplement considérer les réseaux confraternels. Ils sont très utiles, comme vous le disiez, parce qu’ils forment une base sur laquelle on peut construire et qu’il serait idiot de l’oublier, voire de la nier, parce qu’alors on les aurait contre. Mais il faut aller très au-delà de cette notion : il faut que ces réseaux s’institutionnalisent plus à travers des règles de fonctionnement, à travers des investissements en commun, qui vont donner une pesanteur et une structuration, sachant qu’il faut une certaine pesanteur pour que les choses existent et évoluent. Bien sûr, pas trop, si on veut éviter la fossilisation.

Cette notion de réseaux, on l’évoquait quand j’ai commencé à travailler dans votre milieu, il y a une quinzaine d’années ; et quand on en parlait, on se faisait incendier d’une manière fantastique. Vous avez dû l’expérimenter, ceux qui étaient précurseurs, c’était incroyable!

 Il y a eu en une douzaine d’années une évolution considérable : je pense qu’il y a dix ans, ce que vous disiez là tous auparavant n’aurait pas pu être entendu, alors qu’à présent, cela peut l’être.

Il n’en reste pas moins qu’au niveau de ceux qui ont la possibilité d’influer sur le cadre de notre travail, l’évolution reste encore assez nettement à faire. Si on veut que cette évolution se fasse, il ne faut pas leur laisser le droit de réglementer, sous prétexte d’économie, notre univers. Ce qui implique qu’il faut avoir une vision économique de la manière dont on va le gérer, et non pas estimer que c’est à d’autres de le faire.

Je vois là une responsabilité très importante de la part du corps médical tout entier.

 


 

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DISCUSSION GÉNÉRALE AVEC LA SALLE.

 

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1 – François Diard, Bordeaux.

Je m’excuse de prendre le premier la parole. Je voudrais dire à M. Crémadez qu’à travers mon expérience, je suis mille fois d’accord avec tout ce qu’il a dit, et je le remercie pour la forme avec laquelle il le dit.

Je voudrais en préambule dire que j’ai entendu le mot « hiérarchie ». Vous l’avez beaucoup employé, M. Papiernik, mais peut-être pas dans le même esprit que ce que je vais dire.

Je crois qu’il ne faut plus employer ce mot si on veut avancer : la hiérarchie, pour nous, est assimilée aux universitaires par rapport aux non-universitaires, à l’hôpital CHU par rapport à l’hôpital général, à l’hôpital général par rapport à l’hôpital local, c’est un mot symbole qui concrétise des différences et qu’il faut éliminer. Je pense donc que pour avancer, il faut parler de niveaux ; d’ailleurs, vous aviez émis cette idée de niveaux.

Les niveaux, comment les définir ? Des niveaux de compétence ? Je rejetterais également cela. Je crois que ce sont des niveaux de moyens, qui sont liés à la masse critique des établissements et au plateau technique. Quand on part de cette notion d’une gamme d’établissements avec des niveaux de moyens différents, on est à la base du travail. On a discuté de la neurochirurgie ; il y a un petit service de neurochirurgie à Bayonne de vingt lits, et cent lits de neurochirurgie avec un plateau technique très lourd à Bordeaux. Il a été décidé que Bayonne allait préciser son niveau d’intervention, son niveau de compétence, en fonction de ses moyens. Pour les autres patients qui seraient adressés au CHU, les praticiens de Bayonne viendraient par roulement dans le CHU participer à l’intervention avec les moyens du plateau technique et quelquefois, réaliser cette intervention eux-mêmes dans le cadre du service. Je crois que là, on a fait un pas en avant.

C’est pourquoi je voulais nuancer ce mot de hiérarchie. Je demande pardon à M. Papiernik : ce n’est pas du tout une agression ; c’est simplement une information, parce que quand on a la responsabilité de la mise en place de ces réseaux, c’est un mot qu’il faut éviter. J’ai essayé de ne pas le prononcer.

 

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2 – Jean Arnautou, Gerhnu.

Je voudrais dire un mot gentil pour l’Administration Hospitalière, ce qui est rare, ceux qui me connaissent me l’accorderont.

C’est au journal « Gestion Hospitalière » que nous devons d’avoir pu lire le très remarquable papier de Michel Crémadez et Étienne Dusehu. C’est donc à un journal de Directeurs que nous devons d’avoir été enrichis par cette réflexion. Je regrette que les journaux médicaux soient encore, pour ce que j’en connais, assez loin de prendre ce genre de papier et de le diffuser. Au Gerhnu où on accueille bien volontiers l’Administration Hospitalière, dans ce qu’elle a de meilleur quand même, il n’est pas mauvais de souligner cette nécessité des relations horizontales, transversales, quand bien même elles sont parfois difficiles.

Deuxième remarque, pas sur le fond ; c’est pour aller à l’appui des propos de Michel Crémadez, sur la double perte que représente l’éjection du CHU d’un chef de clinique. J’ai été ces deux dernières journées enfermé dans un conclave de jury de praticiens hospitaliers pour le concours national, je vous jure que je ne caricature pas : j’ai vu entrer un garçon, chef de clinique de néphrologie d’une des meilleures boîtes parisiennes, s’asseoir tremblant devant l’aréopage que nous constituions avec mes trois acolytes et nous dire, après avoir décrit un cursus parfait et avant de nous dire qu’il allait intégrer une boutique de la couronne parisienne, autrement dit à un jet de pierre – sauf les jours de grèves générales – de l’alma mater, nous dire la corde au cou et repentant que bien entendu, il abandonnait toute idée de recherche, alors que ce mec n’avait fait que ça en dehors des soins aux malades pendant quatre ans. Heureusement, l’universitaire avec qui je faisais le team a été le premier à lui dire:

« Je vous en supplie, repartez vite dans votre nouvelle affectation en disant : quoiqu’il arrive, je ferais de la recherche ».

Moi, je me suis noblement contenté de lui dire:

« Je vous donne mission de faire de la recherche, sans quoi je vous colle ! »

C’est exactement ce que vous avez dénoncé : cet homme avait perdu ses propres motivations dès lors qu’il sortait du CHU. Je vous donne acte d’avoir vu la chose à la perfection.

 

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3 – Émile Papiernik, Paris.

C’est toujours difficile de se faire entendre. Je voudrais dire à M. Diard qu’il peut être rassuré : je n’ai pas prononcé le mot de « hiérarchie ». J’ai vraiment dit : « niveau de moyens ». « Hiérarchisation de problèmes » : analyse de la gravité, analyse de ce que les réanimateurs ont fait depuis vingt ou trente ans, analyse de la gravité des problèmes ; ce qui permet de discuter de choses complètement différentes et pour chacun des praticiens de gérer au meilleur de ce qu’il sait faire à l’intérieur d’un projet collectif clairement formulé. Là encore, chacun peut avoir, dans tel hôpital régional ou dans telle clinique privée, la récompense professionnelle de l’impression de participer à un enjeu collectif parfaitement bien décrit et parfaitement organisé. Dans ce qui se passe en Seine-Saint-Denis, la participation collective à l’analyse des dossiers et à l’analyse de tous les cas de difficultés, de pertes d’enfants, dans le département, qui continuent en ce moment, montre des valeurs qui n’étaient pas celles de la hiérarchie acceptée.

 

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4 – Philippe Oberlin, Villeneuve-Saint-Georges.

Je voudrais réagir à ce qu’a dit M. Crémadez et lui poser une question.

Vous dites que le réseau est pour les médecins une contrainte. Je suis désolé : je pense être un praticien hospitalier de base, mais je n’ai pas tout à fait l’impression de travailler sous contrainte. En revanche, il m’est impossible de faire correctement mon métier si je ne vis pas dans un réseau, qui est totalement informel. Cela fait cinq ans que je suis à Villeneuve-Saint-Georges, je l’ai construit petit à petit, je travaille toujours avec les mêmes personnes, qu’elles soient libérales ou hospitalières, médecins ou non-médecins. En particulier, par exemple dans le cas très précis des moyens séjours et des longs séjours, il s’est construit spontanément une association avec un service voisin et nous fonctionnons vraiment en réseau : je lui rends des services et elle me rend des services.

La question que je voulais vous poser, c’est la formalisation d’un réseau. Le passage d’un réseau informel à un réseau formel est facilement perverti par sa consolidation et l’évolution vers la mort de ce réseau, qui devient une espèce de carcan conventionnel. Je pense qu’à ce moment-là, on perd ce côté réseau de résistance. Le mot est le même : quand on travaille en réseau, on a parfois vraiment l’impression de faire de la résistance. Quand le réseau est reconnu, structuré, etc. , on a l’impression d’être prisonnier – un peu comme un résistant. Comment faire pour que cela ne se passe pas comme ça?

 

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5 – Étienne Weill, Paris.

L’histoire est assez comique, parce que si l’on regarde la dernière loi hospitalière, il n’y a plus qu’une seule catégorie d’hôpitaux, c’est à dire des centres hospitaliers, dont certains peuvent être CHU ; alors que par le passé, il y avait les hôpitaux locaux, les hôpitaux généraux, les centres hospitaliers, les CHR dont certains étaient CHU. Cela prouvait bien qu’on estimait qu’il y avait des niveaux différents. Si j’ai bien compris M. Papiernik, si on veut construire des réseaux, il est évident qu’on ne fait pas partout la même chose et qu’il faut différents niveaux.

La difficulté à l’heure actuelle est essentiellement psychologique, car notre formation médicale est telle que tout le monde se croit propriétaire de son territoire. Quand on veut aller travailler ailleurs, on a l’impression que quelqu’un vient chez vous qui porte atteinte à ce territoire. Je ne vois pas très bien comment on va mettre fin à ces barrières psychologiques, car les difficultés de restructuration sont là : quand un chirurgien de tel hôpital serait tout prêt à aller travailler dans un hôpital à vingt kilomètres, plus important, pour faire une complémentarité ou un réseau, il rencontre soit l’hostilité du maire, ou du conseil d’administration, ou de la CME, ou de tout le monde réuni.

Je vois là l’obstacle majeur : il est presque plus psychologique que matériel.

 

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6 – Dominique Buronfosse, Lorient.

Je suis complètement d’accord avec ce qu’a dit notre collègue de Villeneuve-Saint-Georges sur le réseau et ses difficultés de fonctionnement et de pérennisation, une fois qu’on a commencé à fonctionner de cette façon. Comment maintenir la dynamique en réseau ? C’est un équilibre extrêmement précaire. On en a une petite expérience à Lorient.

Peut-être un élément de réponse se trouve-t-il dans la gestion des effets induits. Je crois que quand on veut essayer de mettre en place un réseau, il faut en même temps garder des moyens en réserve pour gérer tous les effets induits que ce nouveau type de fonctionnement ne va pas manquer de générer et qui vont constituer autant de blocages, ou autant de risques de blocage, pouvant mettre en péril son avenir.

 

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7 – Lucien Vicenzutti, Autun.

J’ai envie de répondre à la question : « quel est le risque quand on commence à formaliser un réseau ? »

Formaliser un réseau à travers une structure juridique, ce n’est pas le but. C’est à un moment donné le moyen que l’on se donne. Il faut voir les choses le plus simplement possible, parce qu’un réseau ne repose au bout du compte que sur la confiance ; techniquement, on a très souvent tous les moyens pour réussir.

Je vais vous donner l’expérience d’Autun.

Autun, petit hôpital de proximité, 20 000 h, zone d’attraction de 40 000 h, zone rurale, éloignée de tout. On vient de fermer notre service de chirurgie. À côté, se trouve une clinique privée, à but lucratif, qui a gardé la chirurgie. Nous avons une maternité à la limite de la fermeture : 320 accouchements. Nous avons un chef de clinique, qui a accepté d’y venir et qui a la fibre « aménagement du territoire ». Il veut faire un réseau ; je lui ai dit « tope-là, on reste ensemble ». Il y a des dangers : notre maternité est à 35 km d’une maternité en expansion, au Creusot, qui vient de fusionner avec une clinique privée, elles vont donc se regrouper autour de 800 accouchements et nous nous retrouvons avec une organisation très fragile sur le plan médical. Nos anesthésistes, qui n’ont plus de chirurgie, ont le sentiment de perdre leur métier. Si j’en perds un, je n’ai aucune chance d’en attirer un autre.

Il faut mettre en place des solutions. Soit je raisonne en me disant : « je veux garder mon centre hospitalier et je vais encore en faire un CHU », et je reste dans le mythe du grand centre hospitalier. Soit je me dis : « je vais essayer de remplir mon rôle en redistribuant les cartes, en acceptant de faire des concessions, mais en acceptant aussi de travailler avec d’autres ».

Quelles sont les solutions ? Je me bats (mais je ne suis pas compris, vous ne le répéterez pas à Autun si vous y passez, je vous demande toute la discrétion, parce que l’idée n’est encore pas passée) : il faut un regroupement de l’hôpital avec la clinique. C’est clair. Le bloc opératoire est à la clinique, à 1 km. Il faut faire un investissement sur le même plateau, mais les cultures ne sont pas prêtes : « Comment ? Travailler avec la clinique ? On se rencontre sur le golf, d’accord, mais de là à travailler ensemble ! » Les esprits ne sont pas préparés. Travailler avec le Creusot ? C’est possible. C’est surtout le SAU de référence. Peut-être y a-t-il moyen de mettre des équipes en commun. Pourquoi faut-il que j’aie mon équipe d’anesthésistes ? Je préfère travailler sur un réseau avec une équipe inter-établissements d’anesthésistes pour organiser la permanence chez moi, mais permettre aussi à des praticiens hospitaliers d’avoir une base professionnelle dans laquelle ils s’épanouissent. Je veux des médecins épanouis et motivés, qui aient le sentiment de progresser dans leur métier ! Qu’est-ce qui attire un médecin dans l’hôpital ? Le statut, certes, la rémunération, c’est statutaire, c’est réglé, pour les médecins hospitaliers. Mais le fond du problème n’est pas là. Ils veulent des perspectives professionnelles – une pratique professionnelle qui les gratifie – et des conditions de travail. Je ne peux pas apporter ça à Autun tout seul. Il me faudrait en permanence trois anesthésistes qui se tourneraient les pouces toute l’année. Je préfère travailler en réseau avec eux. Il en est de même pour les sages-femmes, parce qu’à 300 accouchements, on perd son métier aussi. Il en est de même pour les médecins assistants des urgences, parce qu’avec 15 passages par jour, au bout de deux ans, on perd aussi son métier. Travailler en réseau, c’est accepter de sortir du cadre de la structure juridique, mais cela suppose que l’on travaille en confiance. Le principal obstacle que je rencontre aujourd’hui n’est pas un obstacle juridique, n’est pas un obstacle technique, c’est d’abord un obstacle culturel. Tant qu’on n’a pas progressé là-dessus, on n’avancera pas. Mais il faut faire vite, car sinon d’autres décideront à notre place.

Je pense qu’aujourd’hui, la confiance, c’est de maîtriser les choses et de proposer des choix.

 

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8 – Michel Crémadez, Paris.

En réponse à Philippe Oberlin, je crois que vous évoquiez ce que j’ai dit sur le réseau vu comme contrainte.

Quand je disais que le réseau était une contrainte pour le praticien, c’est qu’il est dans un réseau de relations et qu’il existe d’autres réseaux de relations. Un système concurrentiel s’établit entre différents types de maillage, ce qui se fonde essentiellement sur la notion de confiance ; c’est à dire qu’on se comprend, à demi-mot, voire sans échanger. La différence avec un réseau construit, c’est qu’un réseau construit ne peut reposer uniquement sur la contrainte ; il faut construire autre chose, c’est à dire qu’il faut que le réseau soit producteur non pas d’immédiat seulement, mais producteur de quelque chose qui va consolider, solidifier, permettre de travailler sur d’autres bases. C’est pour cela que je faisais référence à tout le problème de la formalisation, etc.

Faut-il penser pérennisation ? « Pérennisation », c’est pour moi un peu comme « hiérarchie », cela me pose de gros problèmes. Problèmes par rapport à la notion que nous avons tous du changement organisationnel. « Pérennisation », cela veut dire qu’une situation n’était pas bonne, mais qu’on va enfin trouver le Paradis, et que quand on l’aura trouvé, il faudra surtout y rester. C’est ennuyeux, car dans un monde évolutif, le Paradis n’est jamais atteint ; ce qui est intéressant, c’est la dynamique, ce n’est pas de passer d’une statique à une autre.

Il faut donc accepter que le réseau soit par définition un concept non pérenne. Cela nous choque profondément, car nous voulons des structures pérennes.

Pourquoi avions-nous une classification CHU, CHR, CHG et CHL?

Cela aurait été très bien de dire que c’étaient des niveaux de moyens. Sauf qu’être CHU me donne seul le droit à certains moyens. C’est totalement antinomique avec la notion de réseau : je peux très bien trouver, au centre hospitalier d’Autun, tombé par hasard d’une unité de je ne sais quel CHU, un chef de clinique extrêmement brillant ; faut-il le rapatrier, ou faut-il qu’il continue à exercer sur place ? Cela dépend d’un certain nombre de choses. Il est évident que s’il ne peut bénéficier que des moyens d’Autun, il va régresser. Mais il peut très bien continuer à vivre à Autun, créer quelque chose, et en même temps être ailleurs.

La notion de réseau veut dire que les noyaux ne sont pas forcément systématiquement identifiés. C’est le problème qui était évoqué ce matin sur les différentes cartographies, avec la notion de réseau centré sur le CHU. Le réseau n’est centré sur le CHU que si l’on donne au CHU l’apanage d’avoir un certain degré de sophistication. Faudrait-il pour autant que toute la sophistication du monde médical soit concentrée dans un CHU ? C’est aberrant en soi.

Il faut donc avoir une vision qui permette à des noyaux de se développer, sinon on se trouve devant des problèmes du type de ceux de certains CHU qui, avant l’heure, avaient fait un peu d’essaimage et se trouvaient avec des équipes beaucoup plus performantes qu’au CHU dans des hôpitaux environnants, comme je l’ai vu sur le domaine de gynéco-obstétrique à Lille, où le problème qui se pose est : on crée un « mère-enfant » à Lille, comment rapatrie-t-on l’équipe qui est à Roubaix ? Faut-il la rapatrier ? C’est donc cette problématique qu’il faut savoir gérer.

Qu’est-ce qui entraîne une certaine capitalisation et non pas pérennisation?

La capitalisation vient du fait que l’on n’a pas simplement géré des relations éphémères implicites entre des individus, mais que l’on a construit un patrimoine commun, formé de projets communs et d’instruments communs. C’est là l’évolution à apporter à votre inclination naturelle – vous savez que vous ne pouvez pas travailler seuls – , mais qui s’oppose aussi à une des caractéristiques fondamentale de votre culture, qui est qu’en même temps, vous aimeriez rester dans un univers pas trop flou.

 

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9 – Vincent Leroux, Paris.

Après l’expression des exemples très stimulants et l’expression des finalités et des objectifs que nous avons pu voir ce matin, je me pose trois questions à type de mise en œuvre.

La satisfaction des patients est-elle prise en compte et comment peut-elle l’être?

En terme d’incitatif vers les médecins, si l’optimum social ou l’intérêt collectif n’est pas directement évident, comment faire pour les inciter, c’est à dire comment passer d’un système efficace à efficient?

Enfin, sur cette formalisation ou l’évaluation : si formaliser, parfois, passe par un contrat – un GIP, ou différentes choses – , quels sont, et quels ont été pour vous, les critères d’évaluation ? L’objectif de ces contrats ? Comment éviter une pérennisation, améliorer une capitalisation, ou tout du moins faire évoluer un réseau?

 

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10 – François Diard, Bordeaux.

Je pense que pour l’initialisation des réseaux, il faut mouiller la chemise. Il faut que les responsables de disciplines dans les collèges s’engagent dans cette politique, que les responsables institutionnels s’engagent. C’est de l’énergie, de la capacité de conviction, que le mouvement va s’engager. Il faut mouiller sa chemise, il faut y passer du temps, il faut se déplacer ; je crois que c’est comme ça que ça démarre. Après, on voit.

Pour répondre à la question de la formalisation des réseaux, qui est excessivement importante, il faut séparer deux choses parmi ce qu’il vous a été proposé ce matin.

Tout d’abord, il y a des outils, qui vous sont donnés. M. Dusserre a présenté un outil et moi-même un autre, où l’on voit un maillage complet. C’est un outil qu’on donne à une collectivité ; elle s’en sert ou ne s’en sert pas, mais ceux qui s’en servent peuvent y trouver un enrichissement. C’est donc un outil et il faut inciter les gens à l’utiliser.

Par contre, les réseaux construits autour des filières de soins, ceux qu’on a montrés en hématologie ou en obstétrique, sont beaucoup plus subtils : on part du pragmatique – les réseaux de correspondance que vous avez évoqués au départ – pour essayer de construire une organisation et on veut l’élargir à une région, en apportant l’aide institutionnelle au maximum pour que cela puisse se faire, pour essayer de donner des moyens, pour essayer d’avoir une organisation symbolique qui soit séduisante et qui fasse participer l’ensemble des praticiens au travail de la collectivité. Je rejoins là parfaitement ce qu’a dit M. Crémadez, c’est une structure dynamique qui ne doit absolument pas être fixée. Dans notre réseau d’hématologie en Aquitaine, Bayonne n’a pas voulu participer : il n’est pas rentré encore dans le réseau. C’est pourtant l’unité la plus accomplie à côté du CHU. C’est peut-être pour des raisons de concurrence, mais il n’a pas voulu y rentrer. Il y rentrera un jour sûrement, mais c’est son affaire ; il faut que ce soit dynamique. D’autres pourront ressortir, si le coût est supérieur ou autre chose. Ce n’est pas fixé. Je crois que si on veut absolument obliger à la pérennité, on n’y arrivera pas.

Et je n’ai pas de réponse à votre question. On est un peu apprenti sorcier, on ne sait pas trop où l’on va, mais pourvu que ce soit le bon chemin!

 

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11 – Émile Papiernik, Paris.

La question était posée de savoir ce que voyaient les patients et ce que voyaient les médecins, quel est l’objectif?

Le projet commun, le projet collectif, est parfaitement perçu par les patients, quand ils perçoivent l’égalisation de la qualité des soins. C’est clair et net. Dans le système de Seine-Saint-Denis, sans qu’on en fasse de propagande, la clientèle a parfaitement perçu qu’il y avait des discussions communes. Sur les cas compliqués – j’en ai discuté au staff inter-maternités – , cela passe, pour égaliser la qualité des soins qui sont proposés. Je suppose que les réseaux d’hématologie ont cet effet aussi. Le point crucial de l’évaluation, c’est de démontrer ceci : grâce au système de réseau, tout le monde a accès à des soins de bonne qualité. Je crois que c’est perçu.

Les médecins de même : ils ont accès à la discussion de niveau supérieur. Ils passent d’un niveau d’isolement, de difficultés de relation d’un réseau informel, où ils peuvent prendre l’avis de quelqu’un, à un réseau où ils sont à égalité. L’avantage aussi du réseau, c’est que chacun des membres est à égalité. Là, ils peuvent discuter. Dans le staff inter-maternité, par exemple, on est en rang : il n’y a pas de hiérarchie de position, mais une hiérarchie des problèmes qui se posent ; qui peut répondre répond. Chacun des médecins y participe. (Et c’est très étonnant de voir ces gens qui ne sont pas payés, ni remboursés de leurs frais, qui viennent vraiment sur leur temps libre).

Le troisième point, c’est le projet commun qui se marque par l’outil d’évaluation. Si on le loupe, si on n’est pas capable de démontrer que ce que l’on fait est correct, que ça apporte plus d’égalité et plus de qualité des soins, alors le réseau se casse la figure. En Seine-Saint-Denis, on peut parfaitement se casser la figure en ce moment, parce que quelqu’un dans l’administration du département est contre la mise en place de l’outil d’évaluation, qui lui prend un peu de pouvoir – tout bêtement les choses sont comme ça –, et ça peut donc parfaitement se casser la gueule parce qu’ils n’auront pas compris à quel point la définition, la continuation du projet sur « on a fait bien » ou « on n’a pas fait bien » est essentiel pour la suite.

 

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12 – Françoise Jungfer-Bouvier, Villeneuve-Saint-Georges.

Philippe Oberlin pose bien le problème de « réseaux prisons, réseaux morts ».

Bien entendu, on a beaucoup parlé des réseaux extra-hospitaliers. Je crois que nous sommes tous d’accord : l’évolution de nos cultures fait que les structures sont non pérennes. On peut peut-être se pencher sur la non-pérennisation des structures intra-hospitalières. À mon sens, c’est une occasion, quand on fait une réflexion sur les réseaux, de deux choses:

La première, c’est de constater que nous sommes tous d’accord pour dire que les choses évoluent, mais qu’elles sont dans notre culture et dans nos moyens la façon de mettre en place dans notre monde hospitalier une démarche permanente, une réflexion permanente, une perception permanente de la dynamique, de l’évolution de l’hôpital. Pour l’instant, nous avons peu de culture en ce sens et en tout cas pas de cellule de réflexion bien planifiée sur cette dynamique.

Par ailleurs, je ne sais pas si à l’ordre du jour de la discussion, il va être évoqué aussi les réseaux hospitaliers. Nous avons un grand gain possible, dans notre façon de fonctionner en intra-hospitalier de même façon qu’en extra-hospitalier qui, dans beaucoup d’établissements, peut être développée avec beaucoup de bénéfices.

 

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13 – Louis Lebrun, Orsay.

On en revient ici à la question cruciale de l’évaluation. Je voulais faire, plutôt que poser des questions, une réflexion.

Je confonds réseaux et filières : c’est une réponse organisationnelle fonctionnelle à un moment donné à un problème ou à une question. Il faut savoir si la question est toujours pertinente au fur et à mesure que le dispositif évolue : non seulement, on évalue en se demandant si les objectifs sont atteints, mais aussi en se demandant si les objectifs sont toujours pertinents. Le monde n’a-t-il pas tourné pendant que nous mettions en place notre dispositif ? L’évaluation ne doit pas être uniquement statique, une image à un instant donné, mais doit être un processus dynamique d’évolution des personnes et des institutions ; le dispositif d’évaluation que l’on met en place et qui est fondamental, comme le disait M. Papiernik, doit prévoir de mesurer tous les effets induits, il doit prévoir d’ajuster complètement le dispositif, car la formalisation ne doit pas être la rigidité. Ce qui nous convient à un moment donné, c’est ce dont nous nous servons et si un dispositif, une structuration est devenue inutilisée, il ne faut pas hésiter à la faire évoluer de façon pluri-professionnelle, ce dont le Gerhnu a bien l’habitude.

 

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14 – Philippe Oberlin, Villeneuve-Saint-Georges.

Désolé de reprendre la parole, mais je voulais faire une remarque à M. Diard à propos du réseau hémato de Bordeaux.

J’étais un peu étonné, dans son exposé, de savoir que dans le réseau hémato d’Aquitaine, les essais de phase II et de phase III sont réservés au CHU. Je ne suis pas sûr que l’on puisse créer des réseaux de filières de soins qui impliquent un centre hospitalo-universitaire en limitant les CHG à des essais de phase IV. J’en ai la preuve dans l’Association de Recherche en Chirurgie, qui est une association nationale dont je fais partie, qui regroupe essentiellement des non hospitalo-universitaires, et où nous avons à notre actif des publications dans des revues aussi peu connues que Lancet ou Annals of Surgery, puisque je suis chirurgien. Je crois que, sans vouloir taxer M. Diard d’hospitalo-universito-centrisme, je pense que l’on est là dans la culture habituelle et le raisonnement habituel. Je vous dis ça en toute gentillesse, d’autant que j’ai appris que vous étiez radiologue.

 

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15 – François Diard, Bordeaux.

Les réseaux, on les fait avec les gens que l’on a. C’est pourquoi ce n’est pas toujours facile et quand institutionnellement, on veut prendre le relais des collèges, qu’on veut élargir les réseaux de correspondance – ce qui a été évoqué –, ce n’est pas facile. Il faut donc faire avec les personnalités, avec tout ce qui nous entoure. Ce n’est pas le responsable de l’hématologie bordelaise, mais celui qui est juste en dessous, qui est quelqu’un un peu raide. Voilà. Alors, nous l’assouplissons, nous essayons de lui faire passer tout ça. Qu’il accepte déjà que certains essais cliniques soient partagés, ou soient fait en communauté, autour des protocoles qui sont engagés, c’est déjà un progrès. Je n’arrive pas à lui faire franchir un pas de plus dans ce qu’il doit transférer ou ce qu’il doit donner, mais il a sûrement tort. Je suis d’accord avec vous sur le fond.

 

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16 – Jean Arnautou, Gerhnu.

Si vous voulez une petite réflexion sémantique sur le mot « réseau », mais comme je suis arrivé très en retard, il est vraisemblable que des talents supérieurs au mien l’ont déjà faite en début de matinée.

On pense tous au réseau vertueusement, le réseau routier, le réseau qui va permettre d’irriguer, d’apporter le savoir, etc. Parfait.

Pensons un instant – c’est tellement implicite – au réseau de La Fontaine, le rets, le réseau qui est le filet. Ç’a déjà été dit ? OK.

Alors, je dis : « d’accord aussi pour le réseau filet, à condition que l’Oiseleur ait bonne gueule... »

On est bien au Gerhnu, on est là-haut ! Alors, glissons dans les soutes.

Il faut du fric, pour que le réseau fonctionne ; c’est pour moi une position de principe. C’est une position qui rejoint une grande théorie, que certains connaissent certainement, car Marie-Thérèse Chapalain la prône depuis au moins quinze ans dans le désert : c’est l’idée de financer la santé, ou plutôt la maladie, comme on a proposé et réalisé le financement de tout un tas d’autres secteurs de l’activité économique, par branche. On peut décider demain de ne pas financer par structure. Je renvoie à M. Crémadez et à la rigidité de l’organisation du système de santé en structures, notamment liée aux prérogatives que donne le financement par structure. On peut décider, non pas d’abandonner le financement par structure, mais de croiser le financement par structure avec un financement par branche. À ce moment-là, on dira que dans le réseau néphrologique d’Aquitaine – pour ce qui m’intéresse –, une partie du fric ira à la transplantation, qui est chez mes bons amis du CHU et exclusivement chez eux, une autre partie ira à la dialyse, qui est ailleurs, dans le public comme dans le privé, dans le CHU comme hors CHU, une autre partie ira, pourquoi pas et même certainement, à la médecine, mais également aux infirmières libérales qui ont à gérer des malades dialysés en ville, etc. Cela se passe bien un peu comme ça actuellement, mais d’une façon totalement inorganisée, je dirais même inorganique, et si l’on implante un réseau et qu’on le formalise à un degré suffisant, car pour moi il n’y a de réseau que formalisé, on peut envisager de coupler, en partie au moins, le financement au réseau.

Alors, un certain nombre de gens n’auront plus peur du réseau « oiseleur-Net » – et non pas network – et iront collaborer au network, tout en allant évidemment se plonger dans le Net, et zut oui, j’ai fini !

 

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17 – Pierre Dusserre, Dijon.

Mouiller sa chemise, OK; et le combat va être long.

La hiérarchie, on en parle beaucoup. Pour moi, le réseau nous donne une égalité de savoirs. La hiérarchie, je le pense, existera toujours, c’est un montage CHU/non CHU.

Je vais répondre au problème des hôpitaux, que vous avez soulevé, Madame Jungfer. Nous sommes tous des médecins. Il faut aller dans le sens où un réseau est non pas un réseau intra-hospitalier, intra-CHU, etc. , mais un réseau est ouvert à tout le monde, à la clinique comme aux autres ; ce sont des gens qui travaillent ensemble et qui ont un accord.

Je voudrais préciser aussi qu’en anatomie pathologique, la formalisation dont vous avez parlé permet à un médecin pathologiste de travailler dans le monde entier, étant donné que ce sont la même organisation et la même méthodologie. Cela répond à la sédentarité : on n’est pas nommé à vie dans un coin et il faudra bien qu’on s’y habitue, qu’il y a une exportation de l’intelligence.

Sur le plan local, je réponds à mon ami d’Autun et d’ailleurs : l’hôpital, la clinique, il faut un gentleman agreement, il faut que les pouvoirs publics donnent l’autorisation pour faire des ensembles de traitement où chacun apporte sa compétence.

 

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18 – Jean-François Noury, Villeneuve-Saint-Georges.

Je voudrais insister sur un point qui est celui du système d’informations. Il est apparu à plusieurs reprises, mais me semble-t-il avec trop de discrétion.

Le système d’informations est, comme à bien d’autres choses, étroitement lié au réseau, et il ne semble pas que l’on puisse penser « réseau » sans penser également et de façon très prenante, « système d’informations ». Il en a été question dans l’intervention de M. Vicenzutti qui, rapidement, nous a fait savoir que cela posait quelques problèmes, que le système d’informations n’avait pas été mis en place, dont on pouvait déjà comprendre qu’il était nécessaire, indispensable. M. Dusserre en a parlé de façon beaucoup plus détaillée, beaucoup plus technique : il est allé jusqu’au codage. Il m’a semblé aussi particulièrement présent dans les interventions de M. Dusehu et de M. Crémadez.

Ce système d’informations, il faut lui donner toute son importance à tous les moments de la vie d’un réseau. C’est d’abord en matière d’élaboration de ce réseau. Il était question tout à l’heure de pertinence des objectifs ; déterminer la pertinence des objectifs, construire le réseau, cela suppose des informations sur les besoins, sur ce qui existe, sur quelquefois ce que l’on appelle les lignes de produits. Il faut un système d’informations qui soit solide à ce niveau.

Un réseau a des objectifs et il a été dit qu’il fallait en suivre la réalisation. Cela suppose des indicateurs, cela suppose des informations encore qui permettent de suivre la réalisation de ces objectifs. On en arrive là à l’évaluation, à la pérennisation, à la survie du réseau et M. Papiernik l’a dit, la vie, la survie de ce réseau étaient étroitement liées à cette évaluation. On ne se passera pas d’un système d’informations.

Je terminerai en disant que cela va beaucoup plus loin. Il a été question également de l’économique, très largement en particulier dans l’intervention de M. Crémadez. En matière médicale, l’économique, cela fait partie du système d’informations et les médecins sont aujourd’hui interpellés et pas seulement dans le cadre du PMSI qu’a cité M. Dusserre, par cet « économique ».

Enfin, j’en reviens à votre intervention. « Il n’y a pas de réseau sans environnement », avez-vous dit. Donc, le système d’informations concerne ce qui se passe, ce qui se fait à l’intérieur du réseau, mais il doit aussi informer sur ce qui est autour ; non seulement au début pour savoir ce que l’on doit faire, quel est le besoin, mais également en permanence pour suivre cet environnement dans ses multiples aspects.

C’est quelque chose de fondamental que le système d’informations et il me semblait qu’une courte synthèse, que j’espère avoir faite, était nécessaire.

 

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19 – Étienne Dusehu, Gerhnu.

J’ai été frappé par les observations sur l’élargissement de la contrainte.

Si on part en pensant que le réseau, c’est le Nirvana et qu’il n’y a pas de contraintes, alors on a toute les chances que le réseau se plante. C’est légitime de chercher à ne pas avoir de contraintes, dans la mesure où le professionnel de santé passe son temps au quotidien à gérer, à vivre et à supporter l’incertitude de la pathologie de ses patients, et du bénéfice qu’il espère leur en faire retirer. Mais c’est une erreur de penser, comme on le fait trop souvent et comme on a passé notre temps à le faire jusqu’à maintenant, que la certitude de la trame de fonctionnement est une réponse à ce problème. Il est vrai qu’actuellement on fonctionne de la manière suivante : « ça ne va pas, j’ai l’impression d’avoir dépassé mes compétences, je passe le patient à un niveau supérieur qui, lui, se débrouillera ». Or, dans gestion du réseau, ce n’est pas ça, c’est : « je n’arrive pas à faire face, quelle structure va me permettre de répondre ? »

Et je suis à la limite responsable de l’orientation que je vais donner à la prise en charge de mon patient. On ne peut pas admettre de dire qu’il y ait de réseau sans contrainte : le réseau, c’est une nouvelle forme de contrainte, c’est une nouvelle incertitude à gérer, mais c’est un préalable à mon avis incontournable. C’est un premier point.

Le deuxième, c’est quand on parle de réseau et de hiérarchie. Dans un réseau, il peut y avoir une hiérarchie, mais un réseau ne peut pas vivre et être pérenne sans que chacun puisse y trouver son compte. C’est en cela que la hiérarchie est fonctionnelle et non plus autoritaire.

La troisième observation est de dire que le réseau ne peut partir que du terrain. La première fois où on monte un mur, on commence par prendre des briques et du ciment. Certes, il faut avoir fait des plans. Par contre, on peut faire les plans qu’on veut, sans ciment et sans briques on ne fera pas le mur. De même, on ne fait pas de réseau si on n’a pas les compétences sur le terrain pour le débuter. C’est vrai qu’ensuite, on espère qu’en retirant les briques, la trame sera suffisamment solide et qu’on aura le temps d’en remettre une autre. Mais si on n’en remet pas une autre, le réseau s’effondrera comme le reste. On en revient aux évocations sur la pérennisation du réseau.

Le quatrième point, ce sont des éléments qui me sont chers et qui m’avaient rapproché de Michel Crémadez, provient de l’observation de l’hôpital : l’hôpital, la santé, ont longtemps vécu complètement hors du champ de la société, tant qu’on vivait de la charité et que la rémunération était seulement le temps des hommes. À présent, quand on considère les dernières découvertes, que ce soient le laser, la RMN, ou l’informatique appliquée à la médecine, on s’aperçoit que la médecine n’est plus qu’une discipline d’application de découvertes qui lui sont extérieures et étrangères.

Il faut que nous retournions au sein de la société et que nous acceptions les contraintes de la société, notamment, comme mon prédécesseur vient de le rappeler, les contraintes de l’économique. On ne peut plus faire sans les contraintes de l’économique.

Quand on regarde comment la société fonctionne actuellement, elle fonctionne constamment sur l’éphémère. Il y a dix ans, on avait de grandes multinationales, on savait où tout se trouvait ; à présent, essayez de me dire exactement le capital de toutes les sociétés, je crois que bon nombre de financiers passent leur temps à chercher cela. Il faudrait peut-être nous aussi prendre en compte cette évolution, qui est une réalité et qu’on cesse de s’y opposer. Je me souviens, au moment des inondations de l’année dernière, d’avoir su de source très sûre, que deux coups de téléphone avaient été donnés à la mairie de Compiègne : le premier émanait du directeur général d’Unilever qui disait «si jamais l’usine de Compiègne – qui produit toutes les poudres à laver de France et de Navarre pour les marques d’Unilever – perd une journée de production, l’année prochaine, elle a quitté Compiègn ; et la même chose de la part de la direction générale de Roussel.

Il faut que nous acceptions cette évolution qui fait qu’à présent nous sommes dans la gestion de l’éphémère, y compris dans la distribution des soins.

Le dernier point, que je n’ai pas entendu, mais qui a peut-être été évoqué à mon insu, c’est que le réseau est un élément qui tire la qualité des soins vers le haut.

C’est, je crois, le plus important.

 

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20 – Jean-Marie Farnos, Senlis.

L’apparition des réseaux, leur mise en place, n’est-elle pas en train de modifier la mentalité médicale, dans la mesure où d’un micro-hospitalisme, on passe à ce qui devrait être constamment l’obsession des médecins, la santé publique au sens large du terme?

D’autre part, est-ce que le fait de pouvoir mettre – je pense notamment au groupe en gynéco – une évaluation sur place, faire des démonstrations qui peuvent être contestées par rapport aux statistiques, va déboucher sur des évaluations, est-ce que ce sera à nous de le faire par rapport aux réseaux et quelle aide peut-on en attendre?

 

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21 – François Diard, Bordeaux.

Je voudrais réintervenir une dernière fois sur l’évaluation.

Pour le réseau d’hématologie, c’est évident qu’il faut savoir que le mieux-être des patients en qualité de soins et en bénéfice de survie vaut que ça coûte plus cher, c’est évident. Il faut donc évaluer.

Mais, quand on est un responsable institutionnel comme moi, avec des projets régionaux, je demande avec quel outil et qui me donne l’outil pour conduire l’évaluation d’une action régionale ? Il faut que, si c’est réseau urbain ce soit la mairie, si c’est départemental le conseil général et la DAS, si c’est régional ce soient le conseil régional et la DRASS. Quel outil pour l’évaluation?

À l’heure actuelle, les évaluations ne sont pas faites, même si on en a l’ambition, parce qu’on n’a pas les moyens pour le faire. On n’a pas de lignes budgétaires et on rejoint ce que disait Arnautou, « si on veut avoir des ambitions, il faut en avoir les moyens », et on n’a pas d’outil réel d’évaluation. Les CREME qui ont été mis en place sont des structures qui réfléchissent, mais qui n’ont pas d’outil pour travailler et nous n’en avons pas. Il faut donc qu’on en mette un nous-mêmes en place et à mon avis, ce devrait être un outil complètement managé par les DRASS. Il n’est pas possible que les DRASS n’aient pas les moyens pour évaluer les actions mises en place!

Vous nous dites : « évaluez, évaluez ! » La question que je poserai à Mme Baubeau cette après-midi sera : « avec quel outil et quand ? »

 

 

 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Préambule.

 

Jean Arnautou, coordinateur.

Nous demanderons à cinq grands témoins de réagir à ce qui a été présenté ce matin, c’est à dire d’une part des expériences déjà en cours d’organisation médicale en réseau et d’autre part, une réflexion théorique de haut niveau, je crois qu’on peut le dire, sur le réseau dans la stratégie médicale.

Je commencerai par Dominique Baubeau, que chacun connaît au Gerhnu depuis heureusement bien des années et son comparse Philippe Marrel, que peut-être tout le monde ne connaît pas, c’est l’éternel petit nouveau du Gerhnu chez qui, je le rappelle, nous nous retrouverons tous à Freyming-Merlbach, puisqu’il a la gentillesse, lui et toute la tribu des gens du Gerhnu de Freyming – car il n’y a pas que lui –, de nous accueillir.

Ensuite, il y a deux grands témoins, qu’on a jugé utile de séparer par l’Administration Hospitalière, avec un grand A et un grand H, puisqu’ils sont le Président de la Conférence des Directeurs et des Présidents de Commission Médicale, Bernard Grandjean et Olivier Joyeux, d’Hôpitaux Généraux s’entend, nous sommes au Gerhnu!

Enfin, grand par la taille et longtemps témoin des activités gerhnuesques et de l’ensemble du champ de la santé en France, notre vieil ami Robert Fonteneau, qui est toujours si je ne me trompe, car je n’ai pas eu le temps de vérifier, un des modestes sous-marins de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, sans lesquels cette pauvre institution vivrait complètement coupée du monde de la santé ; grâce à des gens comme lui, elle garde le contact et il nous fait le plaisir d’être là.

Tant pis pour Paillé qui n’est pas là, nous aurions été contents de l’accueillir. Il est à la fois, vous le savez, un type charmant, un directeur d’hôpital, un élu du peuple, un organisateur de grandes réunions fort intéressantes, mais c’est toujours pareil, le politique se débine dès qu’on aborde des sujets difficiles. Il ne faudrait pas dire ça, mais vous avez l’habitude de mes libres propos et je regrette que Paillé n’ait pas trouvé le moyen d’être là aujourd’hui, car ce serait resté entre nous, tout ce qu’il nous aurait dit...

 

Nous allons attaquer par un tout petit mot d’introduction. Je jure qu’on va faire court. Je vais laisser la parole à Étienne Dusehu, je la reprendrai ensuite pour pouvoir poser à nos collègues et amis un certain nombre de questions, sur lesquelles on leur demandera de se positionner de manière rapide de façon à laisser la possibilité, à tous ceux d’entre vous qui voudront prendre la parole, de répondre.

Je pense que nous allons essayer de faire sur chaque question un tour de la table, de telle manière qu’ensuite et avant de passer à la question suivante, il puisse y avoir discussion avec ceux qui voudront interpeller, la table pouvant bien sûr s’auto-interpeller


 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Introduction 1.

 

Étienne Dusehu, coordinateur.

Quand on parle réseau, on ne peut pas s’empêcher de circonscrire le lieu dans lequel il est censé s’intégrer : c’est le territoire environnant du patient et c’est pour cela qu’on a parlé d’aménagement du territoire. C’est donc l’élément structurant de la distribution des soins dans notre pays, pour deux motifs principaux : le premier, c’est d’abord l’environnement naturel de la population ; le second, c’est bien une de nos caractéristiques et il faut les prendre en compte, c’est que nos contemporains sont des casaniers ; peu mobiles, peu voyageurs, aussi bien les patients que les professionnels de santé qui, c’est bien connu et on l’a dit ce matin, arrivent à dix-huit ans dans la ville de faculté et cinquante ans plus tard, on les retrouvera en général dans l’environnement de la ville de la faculté dans laquelle ils ont été formés et ils se seront souvent bien gardés même d’aller dans une ville de faculté voisine.

Nous ne sommes pas un pays de grands aventuriers et les limites de notre village nous suffisent souvent. C’est un constat et il serait inutile de vouloir aller contre.

La contrainte, le changement radical, doivent-ils s’appliquer aux populations les plus fragiles, à celles qui sont les plus dépendantes de notre société, c’est à dire cette population des malades, dès lors que celle des bien-portants ne prétend pas s’appliquer les règles qu’elle voudrait infliger à d’autres ? Pour notre part, nous pensons que non.

 

Si le principe d’acheter les soins sur le marché de l’offre ne s’est pas imposé en France, comme ce fut le cas aux États-Unis, c’est notamment à cause de constantes structurelles dont on vient de parler, peut-être aussi au fait que nous n’aurions su prendre dans les HMO – pour ne pas les citer – que les aspects probablement les plus mauvais sans en garder les bons qu’ils auraient pu avoir et cela reviendra dans le débat, du moins on peut l’espérer.

On voit donc mal nos concitoyens aller pour leur valve à Toulouse, pour la neurochirurgie à Lille et éventuellement, pour l’hémochromatose à Rennes. Ce système optimisé pourrait-il se concevoir en dehors des réalités de terrain ? Sûrement pas là non plus : il existe des officines dans lesquelles la soif du pouvoir et l’excitation intellectuelle ont cours, et elles ont parfois pouvoir de décision ; mais il faut se rappeler le livre de Michel Crozier qui dit qu’on ne change pas la société par décret.

Il importe donc aux professionnels de santé que nous sommes de l’affirmer haut et clair, car nous sommes les représentants de ces populations, qu’au quotidien c’est avec elles que nous travaillons et qu’à défaut de se faire entendre par elles-mêmes, il n’est peut-être pas inutile que nous les fassions entendre.

 

Peut-être aussi pouvons-nous nous interroger sur notre rôle ? Ne nous incombe-t-il pas d’essayer de changer, si l’on veut mettre en pratique autrement que dans les mots l’éthique répondant aux principes de la morale déontologique, qui fonde l’organisation de la société française dans notre domaine professionnel ?

C’est dans ce sens que nous avions fait l’article écrit avec Michel Crémadez et l’intervention de ce matin, en disant qu’à présent les ressources existent, que ce sont plus les conditions de leur utilisation qui sont souvent en cause et que les frottements durs du système de santé sont certainement les plus grandes sources de gaspillage des moyens dont nous disposons.

À nous maintenant d’en débattre et trouver ce qu’il faut faire.

 

*

 


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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Introduction 2.

 

Jean Arnautou, coordinateur.

Merci Étienne. Je vais essayer de faire aussi court que toi.

 

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Je vais citer des noms qui me paraissent importants avant que d’aborder notre discussion.

• Marshall Mc Luhan : Comprendre les Médias.

• Lewis Thomas : le Bal des Cellules. Je regrette que Dusserre soit parti, car c’est un ana-path américain, et le titre américain des papiers qu’il a passés pendant dix ans au New England Journal of Medicine, c’est Memory of a Cell Watcher. Il a observé, vue à travers son œil d’anatomo-pathologiste, toute notre société.

• Bruno Lussato : c’est l’homme du Défi Informatique d’il y a une quinzaine d’années, qui a osé dire que l’informatique servirait à libérer et non pas à asservir.

• Werner Schneider : professeur à Uppsala, organisateur du système d’informations médicales de la Suède.

Je commence par Schneider, qui dit : «un hôpital, ou un ensemble d’hôpitaux, c’est une organisation polycentrique asynchrone».

Polycentrique, cela veut dire qu’il y a plusieurs centres, et non pas un seul centre.

Asynchrone, cela veut évidemment dire qu’ils ne marchent pas à la même vitesse.

Organisation, cela veut dire qu’ils essayent de marcher ensemble.

Si on a ça en tête, on peut concevoir un réseau. Le reste ne tient pas la route.

Mc Luhan dit : «à la vitesse de l’électricité ...» – car il écrivait dans les années cinquante, à présent c’est à la vitesse de la lumière, parce que la fibre optique permet d’aller nettement plus vite – «À la vitesse de l’électricité, nous vivons dans un village global et la réflexion ne peut plus être la même quand nous étions dans un village tout court», avec le char à bœufs pour aller au village voisin ou, éventuellement une fois par vie, à la grande ville.

Lewis Thomas, c’est un peu ce qu’on dirait avec Changeux, l’Homme Neuronal : nous avons un prolongement axonal prodigieux, si nous voulons bien utiliser les outils à notre disposition, qui nous permet d’être infiniment plus efficaces – à condition, encore une fois, de trouver au bout, avec les dendrites, la cellule avec laquelle on se synapsera.

Si l’on veut garder les noms de ces phares en question, on comprend que la médecine ne peut pas rester en arrière. Premier point.

 

Deuxième point : étant personnellement un défenseur de l’individualisme médical, je pense que c’est une qualité et que la relation médecin/malade ne s’accordera jamais d’une perte de l’individualisme médical. Le défi du vingtième siècle finissant est de conjuguer cet individualisme « qualité » avec l’efficacité médicale, qui a toujours été au moins ce vers quoi nous tendions et qui là, évidemment, se heurte aujourd’hui à l’incapacité à embrasser le champ complet de la connaissance, d’une part, mais le champ complet des outils, des effecteurs, d’autre part.

Il y a donc défi à maintenir notre sens de l’individualité, notre individualisme et notre souci d’efficacité. Là encore, le réseau peut-il être l’un des moyens de conjuguer tout ça?

Bien sûr, en présentant les choses comme ça, vous avez compris que je suis convaincu. Rien ne prouve que ceux qui vont parler dans quelques minutes le sont, encore moins ceux qui vont poser des questions, mais il fallait introduire la balle.

 

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Pour finir mon introduction en mêlée, le seul exemple à ma connaissance – en dehors de ceux, remarquables, qu’on a entendus ce matin –, d’organisation médicale en réseau cohérent, en réseau structuré, c’est le HMO américain.

Un mot là-dessus : pour ceux qui le connaissent mal (s’il en reste encore après tous les efforts de Robert Launois pour nous faire rentrer le HMO dans la cervelle), le Health Maintenance Organisation est une organisation complète, qui prend le malade à l’entrée par le biais d’un médecin traitant, d’un médecin généraliste – qui porte un très joli nom que je dirais à la fin –, qui ensuite le fait passer selon les besoins, seulement selon les besoins, par toutes les étapes de la médecine de plus en plus sophistiquée, de plus en plus complexifiée et éventuellement jusqu’à l’hospitalisation. Ce médecin à l’entrée, on l’appelle aux États-Unis le gate-keeper. C’est le gardien qui est à la porte ; il lève, ou non, la barrière qui permet d’accéder aux autres niveaux.

La médecine entrepreneuriale, comme l’appelle Arnold Relman, l’éditeur en chef du New England Journal of Medicine, à la retraite, la médecine entrepreneuriale américaine a sauté comme la vérole sur le bas-clergé sur les HMO, en devenant non seulement adhérente aux HMO, mais – et c’est fondamental – actionnaire des HMO. Donc, un médecin dans un HMO a d’autant plus intérêt à ne pas soigner un malade que les économies qu’il fera pour le HMO lui retomberont dans la poche sous forme de salaires et sous forme de dividendes d’actionnaire du système. Le New England, depuis cinq ou six ans, mène une véritable croisade pour que la morale médicale ne sombre pas corps et biens – ou corps et âme, car pour les biens, ça marche assez – dans la prolifération des HMO aux États-Unis, et fort heureusement, l’éditeur en chef du New England actuellement s’appelle Marcia Angel et je compte sur Marcia, surtout par son côté Angel, pour tenir bon aux États-Unis ; mais je suis très inquiet, car Clinton, pas plus que ses opposants républicains, n’a élevé un moindre mot de protestation contre le HMO : tout viendra grâce au HMO et au management care, qui sont les deux mamelles auxquelles le système de sécurité sociale complètement déshydraté va puiser quelques forces aux États-Unis puisqu’ils sont complètement sur la paille comme nous. La phrase est un peu longue, mais ce sont mes réminiscences de M. le maire de Champignac dans Spirou quand j’étais jeune.

 

Or donc, la balle est en mêlée. Un seul exemple de réseau à vous fournir, et je le crois absolument pernicieux : le HMO américain. Pourtant, bêtement, je suis là aujourd’hui avec vous pour dire que le réseau me paraît porteur, et qu’il y a sans doute quelque chose à faire de ce côté-là. Je ne suis pas le seul, et je finis.

« Ne tirez pas sur l’ambulance ! », le sous-titre étant : « nous sommes tous dedans ».

Il y a quinze jours, André Bercoff vient de publier un pavé de l’ours de 500 pages (je vois qu’au ministère, cher Fonteneau, on l’a reçu ; alors à la CNAM, renseignez-vous, mais Dominique connaît) où le réseau apparaît vraisemblablement comme un moyen de sortir, et Bercoff révèle, mais ça a peut-être été dit ce matin à huit heures, que la promotion actuelle de l’ENA a publié au mois de septembre son rapport sur les systèmes de santé, sur le sujet des réseaux.

Dans ce livre-là, Bercoff, parmi un certain nombre d’autres solutions pour éviter le grand plongeon à notre système de protection sanitaire et sociale, mise manifestement à fond sur le réseau. L’ENA aussi, avec une promotion au nom charmant, « René Char » (qu’allait-il faire dans cette galère et sur ce réseau?), ainsi que Dominique Baubeau, sont sur le thème du réseau.

Voyez que nous surfons sur la vague.

 

*

 

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Plusieurs questions pour vous, chers amis:

Premièrement, pouvez-vous nous convaincre en une petite demi-heure de la raison pour laquelle vous pensez qu’il faut travailler en réseau, ou au contraire, pensez-vous que ce soit la pire des choses ? Le réseau, pourquoi ou pourquoi pas ?

Avec ce qui restera de temps, vraisemblablement un petit peu plus, trois quarts d’heure peut-être, une heure éventuellement, vous nous direz comment ou comment ne pas ? Si tant est qu’avant, on ait répondu correctement à la première question.

Dans les manières de faire les réseaux, et ce sont des questions que je vous demande de retenir, non exhaustives, on vous propose plusieurs interrogations:

• Si on fait un réseau – c’est donc dans le « comment ? » –, faut-il privilégier le réseau naturel comme on en a parlé ce matin, ou bien le réseau formalisé?

• Deuxième question : faut-il favoriser un réseau généraliste ou un réseau spécialiste, si tant est qu’il faille un seul réseau ? Ne faut-il pas un réseau généraliste et des réseaux spécialistes?

• Troisième question : faut-il des réseaux qui intègrent un maximum de dimensions, ou bien des réseaux parcellaires, comme par exemple le GROG qui ne fait que de l’épidémiologie ? (Ou un réseau qui ne ferait que de la thérapeutique, ou un réseau qui ne ferait que du diagnostic, comme ce matin Dusserre nous l’a présenté, du moins au départ.) Ou donc un réseau intégré, qui fait tout?

• Quatrième supposition : un réseau local, versus un réseau d’autre dimension, régionale, nationale, internationale ou autre?

• Cinquième proposition : un réseau connecté ou déconnecté du financement – on a un petit peu abordé ça ce matin –, donc à connotation financière ou à connotation exclusivement intellectuelle?

Il peut y avoir X autres façons d’aborder la question, mais on vous livre celles-là pour essayer d’éviter les redondances dans les réponses et pour savoir qu’on pourra répondre, si le temps ne nous est pas trop compté, à chacune de ces questions.

J’ai terminé mon introduction.

Parce que cela a déjà été largement abordé ce matin, je vous propose d’embrayer sans plus tarder sur la question : pourquoi travailler en réseau, ou ne pas travailler en réseau?

 

*

 

Commence-t-on, ce qui serait logique si on était ici en face du représentant du ministère de la santé, par le haut ? Cela présente le désavantage – quand le représentant du Ministre est parmi nous – de gêner la parole.

Ou finit-on par le représentant du Ministre, chère Dominique?

 

Dominique Baubeau.

Cela m’est égal, d’autant plus que je ne suis pas là en tant que représentant du Ministre.

 

Jean Arnautou.

Ouf!

Je propose donc de donner d’abord la parole aux professionnels : nous sommes au Gerhnu.

Amstramgram, pic et pic et colégram : je donne la parole à Olivier Joyeux, et ce sont donc les Présidents qui démarrent.

 

 

 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Premier témoin.

 

Dr Olivier Joyeux, président de la Conférence des Présidents de CME des Hôpitaux Généraux.

 

Merci d’ouvrir ce débat en donnant la parole aux professionnels médicaux.

Je voudrais rappeler que notre conférence s’est appelée à un moment « des Hôpitaux Non Universitaires », et que le Gerhnu a contribué à son existence.

La raison que je donnerais au réseau n’est pas exactement celle que vous attendez.

Tout d’abord, beaucoup de personnes, voire même quelques lobbies, ont intérêt à développer la notion de réseau. Il vaut mieux tenir compte de ce qui, historiquement, a été fait : dans notre conférence, nous avons développé une autre notion, celle de maillage du territoire. Ainsi, nous échappons au rets et à la résille pour parler de cette chose vraie qui est l’aménagement du territoire, sans toutefois dire exactement quelle est la taille de la maille. Le réseau est vu sous un angle un peu différent de ce qui vient d’être dit.

Il ne nous a pas échappés – on nous l’a dit souvent – que beaucoup d’hôpitaux posent un problème parce qu’ils n’atteignent pas la masse critique suffisante pour délivrer une quantité suffisante d’actes, ou de prises en charges, qui entraîneraient la qualité. Ceci est d’ailleurs tout à fait contestable. Je voudrais, à l’inverse, dire qu’il y a aussi des masses critiques supérieures extrêmement dangereuses des grands hôpitaux. On devrait aussi se pencher sur ce problème, et ne pas déterminer les réseaux pour la raison que des hôpitaux sont trop petits et qu’il faut qu’ils s’associent. Il faut voir aussi ce que les grands ensembles peuvent sécréter comme difficultés de communication, de cloisonnement, de perte d’efficacité.

Nous avons eu l’impression que certains hôpitaux étaient bien organisés pour l’avenir, lorsqu’ils avaient de 300 à 500 lits – bien que ce ne soit pas exactement ce dont il faut parler maintenant, mais plutôt de l’activité –, et que les plus petits hôpitaux gagneraient à une mise en commun de moyens et personnel. Le réseau se définit pour nous par les hommes et on a vu combien c’était fragile. Si on pouvait avoir une mise en commun de médecins, on pourrait avoir un réseau efficace. On ne peut pas dissocier la notion de réseau d’une part des hommes, d’autre part du territoire.

On a dit ce matin qu’il fallait rompre l’isolement d’un certain nombre de médecins. Il n’y a pas que la télécommunication : la mobilité des praticiens hospitaliers est à présent nécessaire. Nous avons fait des propositions au haut conseil de la réforme hospitalière pour la mobilité des médecins, entraînant une nouvelle façon de travailler dans les hôpitaux généraux.

Lorsqu’on veut faire un réseau, on parle de hiérarchie. Je ne connais qu’une hiérarchie, c’est la hiérarchie de gravité du malade, qui nécessite des moyens adaptés. Les hiérarchies de type organisationnel ou de type médical ont peu droit de cité dans nos hôpitaux généraux. On doit parler d’égal à égal et le maître mot n’est pas celui de « hiérarchie », mais celui de « coordination ».

Il faut coordonner pour être cohérent et pour être efficace, et commencer – on l’a dit ce matin – par la base. Un réseau qui serait, ou décrété, ou nettement orienté, à partir des grandes structures ou d’une région, ce serait faire une pyramide en commençant par le sommet. Peter a assez condamné le principe de construire les pyramides à partir du sommet.

J’en arrive au point le plus important, la dimension naturelle, géographique, organisationnelle, où tous les médecins ont appris à se connaître au travers des nombreuses réunions : les secteurs sanitaires. C’est pour nous la première étape à franchir que d’organiser à partir du secteur sanitaire ce que l’on convient d’appeler le réseau.

Cette notion suppose aussi – dans la définition, je n’en suis pas au « comment »– qu’il y ait des structures de coordination et aussi, qu’on réfléchisse sur une identité nouvelle, juridique : « l’hôpital public de secteur sanitaire », avec des commissions à la fois de type médical et de type gestion et administration.

Dans ces conditions-là, et surtout si on s’appuie sur les hommes et leur mobilité, nous pensons que le réseau est possible.

Surtout, je voudrais terminer en faisant l’apologie de l’ordinaire. Que fait-on dans nos hôpitaux généraux ? On traite deux tiers du MCO de l’hospitalisation publique. Je pense qu’on le traite avec une bonne rationalité économique : c’est 36,84% des budgets hospitaliers pour traiter deux tiers d’hospitalisations publiques. L’apologie de l’ordinaire, c’est simplement 90% à 95% de l’ensemble des pathologies. Il y a sûrement ensuite, selon les besoins des malades, une hiérarchie qui fait que des cas doivent être traités en dehors du secteur sanitaire, au niveau de la région ou au plan national ; là, il y a des réseaux spécifiques. Dans l’ordinaire, le réseau doit être constitué à partir de sa base, à partir du secteur sanitaire.

En a-t-on une expérience ? Oui. Les hôpitaux non universitaires peuvent à l’heure actuelle, en dehors d’expériences régionales dont on a eu ce matin des exemples, afficher de façon systématique des réseaux qui sont tout à fait formalisés, qui fonctionnent et dont on ne parle pas, ou pas assez : les hôpitaux locaux, selon les conventions qui doivent nécessairement être établies avec les hôpitaux généraux les plus proches, démontrent la possibilité pour nous de réaliser des réseaux qui sont tissés à partir des hommes, qui sont ensuite formalisés par une convention, et qui fonctionnent – et même très bien – avec des échanges dans les deux sens. De très nombreuses régions peuvent le montrer.

N’oublions pas qu’en dehors des hôpitaux généraux, pour les hôpitaux non universitaires, il y a les hôpitaux spécialisés – ex-hôpitaux psychiatriques – qui nous donnent la preuve d’une organisation par secteur qui fonctionne. On ne part donc pas de zéro, on part d’une riche expérience, méconnue de nos collègues universitaires... C’est une réalité de terrain qu’il faut rappeler.

Enfin, la raison donnée initialement de voir des petits hôpitaux se regrouper pour être plus fonctionnels doit aussi être généralisée aux très grands ensembles, qui ont eux-mêmes et en intra-hospitalier des problèmes de fonctionnement dont on ne parle pas assez. Peut-être auraient-ils besoin de s’organiser en réseaux intra-hospitaliers ? Cela vaut bien entendu aussi pour quelques-uns de nos grands ensembles hospitaliers généraux.

 

Jean Arnautou.

Merci. Ne m’en veux pas, car j’ai un rôle obligatoirement latéral ainsi qu’Étienne Dusehu, avant de passer la parole à Bernard Grandjean, de résumer d’une façon un peu lapidaire : l’Oiseleur, en hôpital général, relance le filet vers les hôpitaux locaux et leur propose de se mettre en réseaux, d’autant plus qu’il a peur que l’Oiseleur de l’hôpital universitaire et régional ne le prenne dans son propre filet. Mais ceci me paraît de bonne guerre. J’ai bien retenu que cela rendrait service à l’hôpital universitaire, en lui évitant de sombrer dans un gigantisme qui est, dans le domaine médical, aussi pernicieux que dans d’autres.

Tu pourras répondre, c’est uniquement une phrase pour provoquer!

 

Olivier Joyeux.

On a oublié de dire ce qu’est la fonction « hôpital général ».

Je crois que le Gerhnu le sait très bien : c’est quand même d’avoir une vision globale du malade, d’être dans une situation où l’on est très proche de la population et très proche du médecin traitant. Cela constitue une partie du réseau.

La question que je me pose : cette fonction « hôpital général », fondamentale pour les urgences, existe-t-elle dans nos grandes métropoles ? N’y aurait-il pas intérêt à ce qu’elle existe?

 

Jean Arnautou.

On y viendra. À présent, Bernard Grandjean.

 

*

 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Deuxième témoin.

 

Bernard Grandjean, président de la Conférence des Directeurs des Hôpitaux Généraux.

 

À la demande de Jean Arnautou, je vais être très bref et répondre précisément à la question : pourquoi un réseau?

Pourquoi faut-il un réseau dans notre organisation sanitaire?

Je répondrais : « sur deux points : efficacité et efficience. »

Efficacité, c’est tout d’abord d’essayer de concilier la couverture spatiale, c’est à dire l’aménagement du territoire, la sécurité et la qualité des soins.

En effet, pour qu’il y ait l’utilité d’un réseau, il faut tout d’abord qu’il y ait un avantage humain, c’est à dire que le malade trouve un avantage dans la nouvelle organisation qu’on va lui proposer (par exemple, éviter de le transférer systématiquement lorsque sur place on peut répondre à son besoin de santé), qu’il soit pris en charge beaucoup plus simplement au niveau local, qu’ensuite il soit transféré selon des circuits jusqu’au moment où la réponse adéquate pourra lui être fournie. Cela me paraît être le point fondamental que la réponse au malade.

Le deuxième point, c’est l’intérêt médical du réseau. Il faut que les différents praticiens qui fonctionnent à l’intérieur de ce réseau trouvent une amélioration dans les conditions de fonctionnement, c’est à dire qu’il y ait une pratique professionnelle plus adéquate, plus en rapport avec ce que souhaite le malade. C’est le deuxième point.

Premier point humain, deuxième point : la pratique professionnelle du médecin, donc l’amélioration de ce fait de la qualité des soins apportés au malade.

Ça, c’est l’efficacité, c’est à dire essayer de concilier la sécurité et la qualité des soins avec l’aménagement du territoire.

Le troisième point, j’allais dire « malheureusement », c’est l’efficience. Il faut pondérer tout cela par un coût. Il est bien évident qu’on ne peut pas déconnecter les réseaux du problème financier. L’efficience, c’est comment organiser cela de telle façon que le coût soit optimisé. Une petite parenthèse par rapport à la problématique qui nous a été proposée ce matin par exemple par Michel Crémadez, qui est d’opposer la sécurité au coût : ce n’est pas à mon avis la problématique qui convient ; elle se situe entre la sécurité et l’aménagement du territoire. Si l’on veut assurer une protection maximale partout, les coûts deviennent exponentiels. Je dirais que c’est une conséquence et que ce n’est pas un des éléments de la problématique.

Voilà comment je répondrais à cette question simple : « pourquoi un réseau ? »

 

Jean Arnautou.

C’est Philippe qui répond ? Entendu.

Au titre de la Direction de l’Évaluation?

 

*

 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Troisième témoin.

 

Philippe Marrel, Gerhnu.

 

Non, justement. Parmi quelques petites particularités, je suis en plus médecin dans un réseau de soins, ce que Jean tu as oublié, puisque je suis médecin du réseau de soins minier, ce qu’on pourrait appeler un réseau avec médecine de base, médecine hospitalière, etc. , et donc ce que je vais en dire est fortement teinté d’une expérience de presque deux décennies dans un véritable réseau de soins.

Je n’ai rien à vendre – la médecine minière n’est plus à vendre, sauf dans les musées. Par contre, j’ai un conseil à donner à ceux qui ont encore quelque argent avant que la CSG ne s’abatte : investissez dans l’Oréal et des choses équivalentes, tout ce qui permet de se teindre les cheveux et la barbe.

Je m’explique : toute la matinée, j’ai bu du petit lait, parce que j’avais vingt ans en 68 et que j’avais l’impression de revivre une AG, c’est à dire « tout le monde est beau, tout le monde est gentil ». Qu’est-ce que ce réseau idéal dont on nous a parlé ? (Et Dieu sait que j’y crois et que les gens de ma Lorraine profonde qui m’entendraient dire ce que je dis maintenant seraient vraiment déçus, de voir l’évangéliste du réseau dire des choses critiques.)

Quand même, ce réseau qui est souple, global, égalitaire, temporaire, ouvert, confiant, paradisiaque, oublie beaucoup de choses. Il oublie par exemple que toute institution a pour but, même si elle ne le dit pas, de figer un état, qui est un certain état d’équilibre et que cet état d’équilibre bénéficie forcément à quelqu’un ou à quelques-uns. Toute institution, c’est impossible autrement, se définit par un « dedans » et un « dehors » : il y a les gens « avec », et les gens « pas avec ». Comment choisit-on ceux qui sont « avec » et ceux qui ne seront pas « avec » ? Est-ce vraiment ouvert à tout le monde ? Même si c’est ouvert à tout le monde, n’y a-t-il pas quelque part un pouvoir ? Quand il y a un pouvoir, ne commence-t-on pas à se battre pour ce pouvoir ? Toute institution – ce n’est pas moi qui le dit, c’est le vieux Marx – génère une superstructure, c’est à dire quelque chose qui sert à son fonctionnement interne. Elle ne peut pas fonctionner sans cela. Et toute superstructure – ça, c’est une loi biologique – se prend à la fin pour la structure, va générer sa propre superstructure et surtout ne veut plus disparaître. On ne peut pas faire autrement.

On oublie que les humains, tout en étant mortels, ne veulent pas l’être : ils construisent des choses dont ils espèrent qu’elles vont vivre plus longtemps qu’eux. Construire, pour un humain, quelque chose qui soit fragile, ce n’est pas naturel.

On oublie aussi que la responsabilité, obligatoirement, repose sur un découpage : pour que quelqu’un soit responsable, il faut qu’on sache où il est responsable, à quel moment il est responsable. C’est à dire qu’on est obligé de découper le temps, on est obligé de découper l’espace ; on ne peut pas donner à quelqu’un une responsabilité qui n’a pas de limite, parce que ce flou sera forcément de l’irresponsabilité.

On aurait tendance à oublier – je vais paraître cynique en disant cela – que la confiance repose sur un partage d’intérêts : la confiance règne quand on a un intérêt en commun, donc qu’il faut savoir admettre qu’il y a de l’intérêt et que tout cela n’est pas exclusivement généreux.

Il n’empêche que je suis fanatiquement pour la solution « réseaux » aux problèmes qui se posent, parce que ces problèmes sont – les mots sont revenus à maintes reprises et ils nous faisaient plaisir à Dominique et à moi – la complexité et le fonctionnement en système.

Que veut dire cette complexité ? Tout simplement que le vieux rêve de la machine avec des engrenages qui, quand on avance l’engrenage A de tant de dents, va obligatoirement avancer l’engrenage B de tant de dents, c’est à dire où il peut y avoir une commande directe, ça ne marche tout simplement pas à partir d’un certain degré de complication (et Dieu sait que la réalité est compliquée et que la médecine, reflétant la réalité, est compliquée).

À cause de ça, on est obligé, comme un moindre mal, de réfléchir en réseaux, parce qu’on ne peut pas donner d’ordre direct.

 

Maintenant, je reprends plutôt la casquette, ou si ce n’est une casquette, le petit bonnet « Ministère de la Santé », c’est à dire les réflexions que nous menons ensemble avec Dominique.

Ce système qu’on ne peut donc pas diriger (par définition même, car si on peut le diriger, c’est une machinerie, ce n’est plus un réseau ; ça devient une entreprise comme une autre), il faut quand même l’obliger à aller quelque peu dans le sens où l’on aimerait qu’il aille. On a un objectif. C’est pour ça qu’on fait un réseau, et on voudrait quand même que d’avoir fabriqué ce réseau, ça aide à avancer vers cet objectif.

Il faut donc – j’ai piqué ça à Darwin – une pression évolutive : il faut quelque chose qui empêche d’en rester là où on en est confortablement pour avancer toujours vers cet objectif. La pression évolutive, dans un réseau, c’est l’information.

De nouveau, un peu de cynisme. L’information a deux aspects, je le crois, en médecine :

• L’un, c’est tout ce qu’on sait, ce qu’on sait sur le patient, ce que le patient sait, ce qu’on apprend dans les universités, le contenu du dossier médical – qui ne me paraît pas si démodé que cela en tant que préoccupation d’un réseau.

• L’autre volet de l’information, c’est l’argent. Je ne crois pas que l’on puisse faire un réseau sans parler de temps en temps d’argent.

Cette information, il faut forcément pour la faire circuler une forte activité d’évaluation, et on en revient donc au rôle clé de l’évaluation.

 

Pour ce qui est de la pérennité des réseaux, je pense qu’il y a des réseaux qui durent longtemps. J’en veux pour preuve le réseau minier qui dure depuis pas mal de dizaines d’années. Il va mourir un jour, mais on pourrait imaginer que, pour des raisons industrielles, il puisse quand même continuer, se muer en HMO, ou en Dieu sait quoi.

Ce temps délibérément clos, dont on rêve quand on dit qu’un réseau doit se faire sur une temporalité limitée, ça me fait penser à autre chose de biologique qui est la mutation d’une chenille en papillon. Une chenille a une certaine forme, un certain métabolisme, une certaine manière de vivre et pour pouvoir se reproduire, donc passer à un autre état de stabilité – le papillon –, elle va passer par un stade informe où les cellules se décollent les unes des autres, vont migrer ; le métabolisme semble ralenti et pendant ce temps-là, se reforme un nouvel individu.

Au fond, une partie des raisons pour lesquelles on fait des réseaux (et je ne parle pas des réseaux qui sont destinés à devenir des entreprises, mais des réseaux qui résultent de la perception de problèmes qu’on ne sait pas comment résoudre de manière rationnelle), c’est la nécessité de gérer une mutation. Gérer cette mutation, c’est muer de la chenille au papillon, en passant par une phase qui sera intermédiaire par définition (elle ne peut pas être éternelle), pendant laquelle on rebat les cartes pour les redistribuer de manière différente.

Il s’agit alors de gérer un changement, en sachant que pour que ça change, il ne faut pas que les gens soient trop en sécurité : quand on a trouvé la sécurité, on ne veut plus que ça change. Il faut que les gens ou les institutions y trouvent une récompense, que probablement, plutôt que le grand filet qui attrape tout le monde dans ses mailles qui est une vision totalitaire, il faudrait réfléchir au maillon du réseau, parce qu’on peut très bien imaginer que le réseau est la somme de chacun des maillons, et donc réfléchir au rôle des conventions qui lient les individus entre eux, plutôt qu’à une espèce de constitution globale qui aura obligatoirement un effet de rigidification.

Voilà ce que je voulais dire.

 

Jean Arnautou.

Merci, Philippe. J’allais t’arrêter, car tu es largement entré dans le « comment », mais au fond, tu nous as peut-être déjà fait gagner un peu de temps. À Dominique.

 

*

 

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Quatrième témoin.

 

Dominique Baubeau, Direction des Hôpitaux.

 

Je voulais dire d’abord que la casquette « réseau = aménagement du territoire », je n’y crois pas.

Ce n’est pas anodin : le réseau n’est apparu dans les circulaires que quand Pasqua a commencé à faire la loi sur l’aménagement du territoire et qu’il a fallu mettre ensemble le problème de la restructuration du tissu hospitalier et ce qui était écrit par le ministère de l’Intérieur. C’est à ce moment que l’on a découvert l’histoire du réseau. En fait, derrière, très nettement, se dessinait la conservation des acquis ; en particulier, les acquis dans toutes les régions où l’on a pléthore.

Je ne crois pas non plus au réseau « aménagement du territoire » dans la mesure où dans le monde industriel, le réseau est apparu dans un contexte de pénurie.

Et on n’est pas dans un contexte de pénurie, loin s’en faut, en offre de soins et en particulier, dans les régions du Sud. Je ressens ça comme étant une machinerie, dans certains cas, destinée à conserver les acquis dans des régions qui ont la chance d’attirer les médecins et de pouvoir avoir des structures un peu partout, parce que pendant ce temps là, on ne parle surtout pas du désert du Nord, du désert de l’Est dans certains cas, et ça arrange bien tout le monde qu’on parle de réseaux de soins coordonnés dans des régions où l’on peut, tout les 15 km à peu près, trouver un établissement. On ne parlera donc pas du tout d’aménagement du territoire au niveau national.

J’avoue que ce réseau-là, qui a pour but de conserver les acquis, me paraît être comme une fausse barbe.

Par contre, il est clair qu’on est en train, comme le disait Philippe, de passer d’un paradigme de la maladie aiguë, qui réclame un traitement ponctuel, au problème des pathologies chroniques. À partir du moment où les pathologies chroniques commencent à prendre le pas largement sur le problème des pathologies aiguës, on est obligé de considérer le malade dans la durée, on est obligé de considérer le malade dans l’espace, donc de passer la main et de tenir compte tout du moins du contexte social.

Les réseaux apparaissent plus pour un problème de changement de la clientèle et d’obligation de regarder, en dehors du champ sanitaire, les réponses aux besoins de la population, plutôt que pour l’aménagement du territoire.

Enfin, l’usager décide de rentrer dans le système là où il le veut, non pas là où on le veut. Le problème devient de s’organiser pour qu’il ait, quel que soit l’endroit où il est rentré dans le système, la réponse qu’il faut lui donner. C’est aussi une des caractéristiques du réseau : permettre, quand un patient n’est pas rentré là où il le fallait, compte tenu de la complexité du cas, de trouver la réponse à son problème.

En tout état de cause, il est clair que le problème du réseau va être l’évaluation des résultats. Là, il y a une bascule : dans un cas, quand on travaille avec des structures, on peut essayer de s’occuper de l’évaluation des moyens qui mettent en œuvre des procédures. Quand on va parler de réseaux, on va être obligé de changer l’optique de l’évaluation et s’occuper cette fois-ci des résultats, puisqu’après tout, la première raison du réseau, c’est : que va-t-il advenir du patient, de l’amélioration de son état de santé dans un autre mode de prise en charge que l’actuel?

 

*

 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Cinquième témoin.

 

Robert Fonteneau, CNAM.

 

Je partage assez ce que dit madame Baubeau, parce que je crois qu’on est à la veille d’un changement de système sur le plan de l’ensemble des systèmes organisationnels.

Avant, on avait des systèmes un peu hiérarchiques, avec des systèmes statistiques qui se voulaient exhaustifs, qui voulaient tout prendre, des normes très nombreuses – qu’on ne contrôlait pas, d’ailleurs. Je crois que ce système est en train de changer, car ce qu’on voit dans toute l’organisation, ce sont des systèmes croisés qui d’une part, conservent bien entendu ces parties de normes et de ratios, mais qui d’un autre côté, essaient de les rapporter à des activités, à des finalités. On trouve cela partout, et le secteur « santé » y passera comme les autres. Il est même à la veille d’y passer.

Par contre, ce qui m’inquiète un peu, comme Mme Baubeau, dans l’idée du réseau, c’est que j’y vois assez souvent un argument défensif pour maintenir l’existant. Je crois qu’on est à un niveau d’offre de soins pratiquement impossible uniquement de cette manière-là. C’est clair.

Dès qu’on parle d’organisation spatiale, il ne faut pas oublier qu’on peut y mettre des bornes. Dans toute organisation spatiale, il y a des bornes. Les bornes sur lesquelles les deux tutelles sont parfaitement légitimes, ce sont les bornes qui touchent aux dysfonctionnements, aux redondances d’activité, à la localisation des soins particulièrement coûteux – le dérapage va là un peu trop vite – et qui touchent à l’inutilité des soins : il est remarquable que, dans le cadre de la convention, les RMO – quoiqu’on puisse en penser par ailleurs – aient pris en priorité le balayage de l’inutilité des soins. Je suis de ceux qui pensent que les références médicales, pour ce qui est de l’inutilité des soins, concernent aussi l’hôpital. Quand on a une offre de soins excessive, il faut se préoccuper non seulement des redondances globales, mais aussi des redondances locales ou particulières.

Les tutelles sont parfaitement légitimées à déterminer les bornes, en terme de masse critique, même si ce n’est pas un argumentaire complet et que la masse critique peut se définir comme étant « ni trop, ni trop peu ». Je suis d’accord, il ne faut pas les exprimer en termes de chiffres absolus, cela n’a pas de sens. Je suis d’accord aussi sur le fait que toutes les analyses d’entreprises valent pour l’hôpital : certaines études montrent qu’à partir de 600 lits, on va vers des pertes d’économie d’échelle qui, au bout de quelques années, font qu’on a « déséconomisé » ce qu’on avait économisé dans le premier regroupement qu’on avait voulu faire.

Ce qui navre un peu, c’est qu’à l’heure actuelle, la planification hospitalière ne soit pas suffisamment avancée dans son niveau de détail pour trouver le véritable maillage du territoire (et je ne souhaite pas pour autant que ce soit un niveau de détail qui supprime la dissymétrie de l’information entre les hôpitaux et les tutelles ; qu’on ne vienne pas me faire un procès là-dessus : il dure depuis trop longtemps).  À l’intérieur de cela, parallèlement à cela, je pense que les réseaux ont une raison d’être particulière : comme on est dans un système qui est sur le point de changer, ce changement est extrêmement difficile et je crois que le réseau fait partie des droits à l’initiative. C’est le droit à l’initiative des acteurs, je vois mal comment on peut s’opposer à ce droit ; je crois même qu’on doit l’encourager.

Nous avions défini des contrats d’objectifs, qui vont en complément de tout ce qu’on a dit antérieurement, qui peuvent s’y associer et qui comportent une partie dure : c’est la référence aux bornes, qu’on ne doit pas trop dépasser, aussi bien en coûts qu’en qualité, mais qui sont limitées dans leur contenu, pour ne pas nuire à l’autonomie des acteurs. Il y a donc une partie dure dans les contrats d’objectifs – qu’on a toujours souhaités depuis 1980 : le rapport Renou 1980, Gestion par Objectifs des Hôpitaux, on en est toujours là ;  il serait donc temps de passer à l’acte. Les contrats d’objectifs souhaitent donc tenir compte de ces réseaux, avec une partie un peu plus dure, mais une partie plus molle, destinée aux acteurs : cette partie des acteurs, ce sont eux qui la définissent.

Par contre, il me semble que le malade, par l’intermédiaire des autorités publiques, a droit à une forme accréditive, dont j’ai peut-être une définition un peu particulière : on a le droit de savoir si, à un moment donné, l’hôpital a les moyens de se gérer correctement, a une instrumentation de gestion suffisante. Cela ne veut pas dire l’externaliser forcément, mais avoir la garantie, s’il se passe quelque chose, de pouvoir vérifier qui est le responsable de l’affaire si on y a mis les responsabilités suffisantes.

Nous sommes dans un pays très juridique, très latin. C’est la grosse difficulté de la gestion des réseaux dans le système français : dès qu’on est dans un pays latin, on s’envoie des responsabilités à la figure. Il est vraisemblable que la formalisation des réseaux devra être faite d’une manière ou d’une autre, qu’elle n’a pas besoin d’être exhaustive – elle doit être très parcellaire –, mais qu’elle doit tenir compte de la gravité des malades et de la définition des bornes internes aux réseaux, c’est à dire de la gestion des responsabilités.

Je crois que dans un pays très juridique comme la France, si on veut formaliser les réseaux (ou alors on les laisse courir, ça c’est de l’autodéfense), on ne peut pas éviter de définir les responsabilités par rapport à la gravité du malade.

 

Jean Arnautou.

Merci.

On a mis une demi-heure et donc, la parole est à la salle.

Je suis heureux d’avoir entendu à peu près tous les vocables importants de l’actualité hospitalière : « contrat d’objectifs », « accréditation », « RMO à l’hôpital », etc. Ça va.

 

 


 

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ANALYSE CRITIQUE DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS

 

Questions.

 

Étienne Dusehu.

On a terminé la partie la plus courte. Si on veut terminer l’ensemble sans que la salle s’égrène ou qu’on rate les avions, il serait bon que les questions soient courtes, pertinentes, percutantes et rapides.

 

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1 – Philippe Oberlin, Villeneuve-Saint-Georges.

Madame Baubeau, vous avez dit que dans la pathologie aiguë, vous ne voyiez pas qu’il y ait urgence à fonctionner en réseaux, ou quelque chose comme ça ; en tout cas, vous avez insisté sur le fait que les pathologies chroniques, elles, nécessitent qu’il y ait des fonctionnements en réseaux.

Une petite remarque : je suis un peu étonné qu’il y ait ici des directeurs d’hôpitaux, des médecins hospitaliers, mais qu’il n’y ait personne du secteur extra-hospitalier alors qu’on sait combien, dans la pathologie chronique, ce sont eux qui sont importants et pas nous.

À ce propos, je n’aimerais pas être à la place des tutelles, qu’elles soient de la CNAM ou du ministère, parce que je pense que pour faire un réseau de prise en charge de maladies chroniques, la première des choses est de laisser les acteurs s’organiser et que vous, vous allez avoir le travail d’évaluer l’efficacité de cette organisation.

J’aimerais bien savoir comment vous allez vous y prendre.

 

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2 – Dominique Baubeau, direction des hôpitaux.

On a déjà un exercice à faire, c’est l’évaluation des réseaux ville/hôpital, qui se sont construits autour du sida ; cela va dans le sens de ce que j’ai dit.

Justement, on n’arrive pas à les évaluer pour plusieurs raisons:

D’abord, leurs typologies sont complètement différentes ; ils ont des objectifs chacun différents, des manières de fonctionner différentes et ils n’ont jamais réussi à formaliser un objectif commun. Jamais. Ce qui fait qu’on ne peut pas mesurer l’atteinte des objectifs ou pas. Ce sont plutôt des réseaux d’intérêts, au sens où les généralistes trouvent un intérêt à garder leurs patients, à recevoir une formation continue, etc. , toutes choses effectivement mesurables, mais non mesurables par rapport au patient. La seule évaluation qu’on puisse effectuer, c’est la satisfaction du patient. C’est un aspect, certes, mais un aspect subjectif.

 

           ×           Ø             Ù

3 – François Diard, Bordeaux.

Monsieur Marrel, j’ai été très triste en vous écoutant. Très triste.

Face à votre cynisme et votre morosité, je n’ai à opposer que ma naïveté et mon enthousiasme. Peut-être suis-je soixante-huitard et « baba cool », mais je redirai les choses classiques, vous savez : « l’utopie, c’est la réalité de demain ». Donc il faut continuer à y croire et continuer à y travailler.

Quand vous opposez à notre dynamique soixante-huitarde votre expérience des mines, je dirai : « très bien, les mines, ça a été exemplaire, parce que ça a été un service donné à des ouvriers qui souffraient ». Me le donner maintenant comme la persistance d’un réseau exemplaire, non. C’est un régime particulier qui se poursuit abusivement et dont les moyens devraient être redéployés vers d’autres secteurs.

Je ne peux pas accepter que vous me fassiez la morale avec le service des mines.

C’est une première chose, c’est un peu agressif, mais je voulais le dire.

Pour monsieur Joyeux : monsieur Joyeux, je crois qu’il faut qu’on aille au-delà des polémiques corporatistes. Il faut qu’on se retrouve. On ne peut pas dire que vous faites 2/3 de l’activité publique pour 1/3 du prix ; il ne faut pas dire ces choses-là. Il faut savoir qu’un hôpital CHU comme celui de Bordeaux est dans une agglomération de 800 000 h, dans un secteur sanitaire de 1 300 000 h et il a 80% de recrutement d’hôpital de proximité ; il fait 20% de recrutement régional. Il a 20% d’activités de pointe qui lui coûtent extrêmement cher, des charges qui sont pour le moment non évaluées et qu’il faudra évaluer – personne ne peut en apprécier le coût –, qui sont l’enseignement et la recherche. Alors, arrêtons de nous jeter ces chiffres à la figure. C’est à mon avis désuet ; il faut être prospectif et aller au-delà.

 

           ×           Ø             Ù

4 – Olivier Joyeux, conférence des présidents.

Je suis désolé, les chiffres sont là ; mais ce que je voulais simplement dire, c’est qu’il y a une fonction « hôpital général » et qu’il y a autre chose. Je n’ai pas porté de jugement sur l’autre chose qui coûte très cher. Je crois que quand on parle d’un réseau, il faut voir son efficacité et nous devrions commencer par mettre en réseau ce qui est peut-être très mal connu, mais qui se passe au niveau d’un secteur géographique, et ensuite on verra.

Ce n’est pas du tout une agression contre les universitaires, ce n’est pas ça. Si vous l’avez pris ainsi, c’est que je l’ai mal exprimé.

Je crois d’autre part qu’en ce qui concerne la fonction « hôpital général », on peut y réfléchir, et voir les masses de malades traités, la hiérarchie de soins ; je suis d’accord pour qu’on discute de ça.

 

           ×           Ø             Ù

5 – Philippe Marrel, Gerhnu.

Ce n’est pas la tradition du Gerhnu de polémiquer, donc je ne vais pas polémiquer. Mais quand même ! Quand même !

Je suis médecin praticien, je soigne des gens. La préoccupation, c’est quand même, disons, la qualité des soins – c’est un vocable tellement gonflé qu’on peut facilement se cacher derrière.

Quand j’ai dit que le réseau auquel j’appartiens est destiné à disparaître, je partage presque votre avis, sinon pour le redéploiement : il y a toujours des gens qui en bénéficient et je ne vois pas pourquoi on les priverait abusivement du recours à leur médecine.

Quand on pouvait faire des comparaisons, il se trouvait que nous avions la possibilité, grâce à ce réseau qui est intégré, d’offrir en même temps une prise en charge à 100%, qui est l’aspect le plus visible, et un coût par ressortissant qui était moindre que celui du régime général – je vous parle d’il y a dix ans et plus, bien sûr –, avec une qualité des soins qui devait servir un petit peu à quelque chose puisque paradoxalement, dans une population qui était soumise à des risques particuliers – c’est pourquoi on avait créé ses réseaux de soins –, la moyenne d’âge était supérieure à la population du même territoire n’appartenant pas à ce réseau.

Je crois donc, je le répète, à la possibilité d’organiser la médecine en réseau.

Simplement, ce contre quoi je réagissais, c’était contre l’impression de « y’a qu’à ». C’est à dire qu’au fond, il suffit de mettre « réseau » sur quelque chose pour que ça devienne moderne, à la mode... Mais je ne me souviens pas de vous avoir agressé en tant que personne, c’était la tonalité générale de ce matin.

On a entendu : « le réseau transfert d’images ». Nous sommes branchés sur un transfert d’images, donc je sais – je suis neurologue de surcroît – la nécessité de faire ce genre de choses : je partage absolument tout ce que vous avez dit.

Mais on a eu, quand même, des pubs. Pas tout le monde, allez. Mais on a eu des pubs : il suffit que ça s’appelle « réseau » pour qu’automatiquement ça améliore les choses.

Et la question, c’est la question que posait Dominique : comment peut-on mesurer si la situation s’améliore à partir du moment où l’on fait un réseau ? C’est à dire qu’on améliore sûrement à chaque fois le, si je suis cynique je dis « confort intellectuel », si je ne suis pas cynique je dis « plaisir à travailler », des gens qui, au départ, contractent pour faire ce réseau. Au fond, on lutte contre la parcellisation, contre l’isolement du médecin ou l’isolement de l’établissement. De toute façon, ça, c’est positif. C’est sûr.

Est-ce qu’après, en terme de résultats au-delà, c’est à dire de résultats vus du côté du patient « individu », ou du côté de la santé publique, est-on en mesure... ?

Voilà, exactement. C’est pour cela que le concept central des réseaux, c’est:

• l’objectif, c’est à dire qu’il faut faire un réseau avec un objectif,

• une fois qu’on a cet objectif, on peut évaluer si, ou pas, on a bien ciblé et si on s’avance vers cet objectif.

Voilà le cœur de ce que je voulais dire. Je vous ai paru cynique, j’étais réaliste.

 

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6 – Vincent Leroux, Paris.

Je suis dans une expérience pragmatique : nous passons d’une filière de soins qui allait du court vers le moyen séjour, à la tentative d’un réseau et nous désirons trouver des indicateurs d’évaluation de résultats pour les mettre dans un contrat, qui doit être écrit.

Ma question est simple : existe-t-il dans vos expériences, dans votre savoir, des indicateurs que nous pourrions prendre pour tenter d’évaluer le contrat et notre réseau ? C’est à dire que je cherche des indicateurs pertinents, pragmatiques, pour évaluer une filière de soins et un réseau.

 

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7 – Dominique Baubeau, direction de hôpitaux.

Dans quel domaine et pourquoi faire ? Comment voulez-vous qu’on réponde comme ça !

Je vais dire que, par exemple, pour les réseaux périnataux, on va avoir des indicateurs du style de ceux que M. Papiernik décrivait ce matin, c’est à dire le pourcentage des enfants de moins de trente-trois semaines et de moins de 1500 grammes qui naissent dans une maternité de niveau III. Cela pourrait être aussi – ce que je préférerais, mais c’est complètement utopique, je suis d’accord –, le nombre d’enfants à six ans non handicapés par rapport au nombre total de grossesses qui ont été entamées ; à ce moment-là, on voit tous les enfants qui ont été perdus entretemps.

Ça dépend donc tout à fait de la dimension, de l’objectif, etc.

Au niveau des réseaux de transfert d’images : en région Lorraine, on l’a évalué avec les neurochirurgiens, les neurologues, les radiologues. On a mesuré exactement les transferts des patients – avant et après – entre les différents établissements, pour savoir si, effectivement, le fait d’avoir une consultation à distance diminuait ou non le transfert, puisque c’était ce que tout le monde disait.

Donc je pense qu’on ne peut pas donner comme ça des indicateurs sortis de notre poche.

 

Jean Arnautou.

Désolé, je vous interromps autoritairement, car on met en ce moment un peu la charrue avant les bœufs : on est déjà à l’évaluation, alors qu’on n’a pas abordé le « comment ».

On a dit le « pourquoi », on voudrait entendre le « comment ».

Étienne Dusehu.

On est dans le « pourquoi », et on a dérapé. D’autres questions sur le « pourquoi »?

 

Étienne Weill, Paris.

Philippe Marrel a dit avec raison ce matin : « le réseau, ça a l’air de résoudre l’aménagement du territoire, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».

En réalité, comment faire un réseau, comment inciter les médecins à sortir de leur territoire, en dehors des contraintes obligatoires, comme à Autun, parce qu’il s’agit d’une question de survie de tel ou tel service ? Quand on regarde les SROSS, qui proposent des complémentarités public/privé...

Étienne Dusehu.

Stop!

On revient dans le « comment ». On donne d’abord la parole aux experts, puis, Étienne, tu pourras intervenir dessus.

D’autres questions sur le « pourquoi » ? Non ? Alors on passe au « comment ».

Jean Arnautou.

On avait dit « formalisé ? », « pas formalisé ? ». J’ai cru entendre dans chacune de vos cinq réponses que ce serait formalisé. Il n’y a sans doute pas accord, mais j’ai cru entendre que ce serait formalisé.

Puisque Dominique Baubeau illico fait « non », à elle la parole pour répondre « formalisé, pas formalisé ». Court, Dominique, impérativement.

 

           ×           Ø             Ù

8 – Dominique Baubeau, direction des hôpitaux.

Je suis d’accord sur ce qu’on a dit ce matin : ce qui doit être éventuellement lisible dans le réseau, c’est la compétence médicale partagée, le temps médical partagé, cette circulation des hommes et des compétences dans un dispositif. Cela ne peut pas ne pas être formalisé, ne serait-ce qu’à cause des statuts, des responsabilités, etc.

Pour le reste, j’ai très peur. Vous aviez parlé ce matin des classements des hôpitaux. Pourquoi a-t-on abandonné ce classement ? Parce que tout le monde veut être au classement supérieur. Dès qu’on commence à formaliser en disant : « il va y avoir un niveau A, un niveau B, un niveau C, il va falloir passer comme ça ... », il est clair que tout le monde voudra le niveau III ou le niveau II.

 

Jean Arnautou.

C’est donc la seule formalisation absolument indispensable : la responsabilité médicale.

 

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9 – Olivier Joyeux, conférence des présidents.

Comment faire?

D’abord, il faut être pragmatique et voir ce qui peut se faire rapidement, et qui pourra ensuite être évalué.

Il y a les aussi questions de faisabilité et d’acceptabilité.

Dans notre conférence, nous ne proposons que ce que l’on a vérifié comme faisable et acceptable. Les constructions brillantes et intellectuelles ne s’adaptent que rarement sur le terrain. En revanche, des choses simples peuvent être faites.

Nous avons un problème qui nous réunit tous, dans les hôpitaux généraux : les urgences. Quelque chose qui fédère les hôpitaux généraux, c’est bien cette mission de santé publique : l’accueil des urgences. Dans la mesure où il n’y aurait pas un décret, tel qu’il existe actuellement, scindant et classifiant les hôpitaux en deux catégories, on pourrait admettre qu’il y ait les SAU, des hôpitaux qui aient un accueil d’un type d’urgences qu’ils sont capables d’assurer du début à la fin, 24 heures sur 24 et les « Anacors » ; c’est à dire trois niveaux. Je crois qu’il serait possible, dans un secteur qui est relativement limité – le secteur sanitaire, qui a le mérite d’exister, on ne va pas revenir là-dessus –, d’organiser les urgences de façon cohérente en réseau et avec une coordination toute simple : le conseil des urgences de secteur sanitaire.

Dans une ancienne circulaire, madame Veil conseillait qu’il y ait un conseil des urgences dans chaque hôpital. Cela existe dans la plupart. On peut très bien, dans un but de cohérence, avoir le même conseil de secteur sanitaire : c’est l’ébauche d’un premier réseau, c’est le premier pas. Il ne faut pas de nombreux mois pour faire cela, il faut simplement que l’arrêté d’application du décret modifie un peu la teneur du décret des urgences, ou qu’il y ait un nouveau décret.

 

Jean Arnautou.

Je vais t’arrêter sur une notion qui serait donc l’émergence au niveau du secteur sanitaire d’une sorte commission médicale de secteur et qui traiterait d’un problème ...

 

Olivier Joyeux.

Non, ce n’est pas tout à fait comme cela. On va y arriver dans un deuxième temps.

Oui, un conseil des urgences, avec tous les professionnels des urgences.

Je crois que j’ai oublié de dire le « comment ». Quel est le ciment d’un réseau?

C’est d’abord d’avoir les mêmes objectifs. C’est ensuite d’avoir le même système d’information. C’est enfin d’avoir, au travers de modes de financement identiques, le même système d’évaluation.

On peut le faire dans un secteur précis qui est les urgences. Une fois qu’on a fait ses preuves, on peut envisager à ce moment-là de formaliser autant que nécessaire – mais tout ne doit pas être formalisé – un certain nombre d’activités qui dépendent des hommes, dans telle ou telle spécialité. Là il faut répertorier, là il faut analyser, là il faut peut-être formaliser certaines pratiques dans des secteurs qui peuvent être de spécialités ou qui peuvent être plus larges que des spécialités, et nous aboutissons tout naturellement à la nécessité d’une coordination.

C’est pour cela que nous avons une deuxième proposition, quand la première aura fait ses preuves, qui est d’avoir l’équivalent d’un « hôpital public de secteur », nouvelle entité juridique où il peut y avoir une commission médicale de secteur sanitaire, et aussi un organisme de gestion qui serait l’équivalent d’un conseil d’administration.

C’est le modèle hospitalier transposé à plus grande échelle dans un secteur sanitaire, lesquels font de 200 000 à 400 000 h. Je pense que c’est déjà très difficile à gérer à ce niveau-là. Je dis cela parce que les régions risquent de sécréter une organisation ingérable si l’on ne se soucie pas de ce qu’il y aura au niveau de la base. À partir du moment où certains secteurs sont organisés, on peut voir un peu plus haut. Mais je suis entièrement d’accord pour dire que le secteur sanitaire ne permet pas de faire tous les réseaux : il permet de faire l’essentiel de l’activité des hôpitaux généraux. Il doit y avoir, que ce soit pour la néonatalogie, la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque, des réseaux qui sont véritablement régionaux, voire nationaux.

Mais commençons par faire ce que nous pouvons faire et ce que nous savons faire déjà, mais qui n’a pas toujours été formalisé – qui ne doit pas toujours être formalisé. Je crois qu’il y a là une acceptabilité et une faisabilité.

 

Jean Arnautou.

Monsieur le Directeur, on a et c’est délibérément que je l’ai mis tout de suite bien en avant, une organisation médicale de secteur. À la fin, mon ami Joyeux a rajouté une organisation administrative, vous l’avez entendu, mais elle est venue à la rescousse. Qu’en dites-vous?

 

*

 

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10 – Bernard Grandjean, conférence des directeurs.

Comme M. Joyeux, je pense qu’il faut être pragmatique.

Il est bien évident qu’on ne peut pas bâtir une organisation sanitaire sur des liens uniquement personnels, on ne peut pas créer des plateaux techniques sur des liens uniquement personnels : il faut une organisation. Dire le contraire, à mon avis, – je vais être provocateur pour animer la somnolence postprandiale – serait irresponsable. Il faut absolument qu’il y ait une structure.

Actuellement, les réseaux sont contrariés par les structures. Si on ne change pas les structures, il n’y aura pas de réseau.

D’une façon peut-être étonnante, je suis entièrement de l’avis de M. Joyeux sur l’utilité, je dirai même la nécessité, d’une structure – qu’on va appeler EPS– de secteur, qui va un petit peu gommer les effets de clocher, les effets de réélection municipale, de conseillers généraux qui veulent pour la troisième fois revenir à leur siège, parce que finalement les banquets de fin de mandat sont très agréables, etc...

Tout cela n’est pas tolérable dans une organisation sanitaire. Il faut absolument que nous ayons une organisation cadre, parce que d’un autre côté, s’il faut une organisation, on ne peut pas légiférer ou réglementer dans le détail : il est nécessaire que ce soit « cadre ».

C’est à dire qu’il y ait une organisation de filières de soins et qu’au sein de ces filières, ce soient les professionnels qui organisent – évidemment en cohérence avec les SROSS_– les soins. Si on ne veut pas parler de hiérarchie (tout cela est de la logomachie, ce n’est pas très intéressant), il y aura des niveaux de soins, des organisations, il y aura suppression des doublons – car je regrette, « réseau » signifie planification, donc signifie aménagement du territoire – ; toute autre conception ne me paraît pas réaliste. S’il n’y a pas planification et aménagement du territoire avec les réseaux, alors les réseaux ne remplissent pas leur office et deviennent parasites.

Ils ne sont alors pas intéressants. Un réseau qui ne règle pas le problème de l’aménagement du territoire ne m’intéresse pas, il n’a aucune légitimité. Il faut qu’il ait cette double qualification : qualité des soins, aménagement du territoire, sans quoi il n’est pas intéressant.

 

*

 

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11 – Robert Fonteneau, CNAM.

Je partage la vision des deux dangers qu’il y a dans cette affaire:

• Le premier, que j’énonçais tout à l’heure, c’est de voir la planification, n’avançant pas assez vite, ne donner comme seule issue que la fusion d’établissements et la répartition de pôles (c’est à dire qu’avec deux établissements de 600, on en fait un de 1200, puis dans deux ans on en fera 2400 ; puis on arrive à L’AP régionale chère à certains). Le système, à l’heure actuelle, est construit pour aboutir presque mécaniquement à cela. Je ne trouve pas que ce soit une seule issue raisonnable.

• Le deuxième danger que je crains, c’est une formalisation qui serait trop outrancière de ses conventions de filières de soins, qui ferait ressortir le juridisme à la française.

Ce sont les deux tendances de l’administration française : celle de gérer les structures et celle de faire du juridisme institutionnel.

Or, j’avais fait une intervention qui laissait entendre qu’il y avait peut-être une tierce voie qui correspondait davantage aux changements qu’on constate un peu partout.

L’idée d’avoir des centres de régulation inter-hospitaliers axés sur le secteur, à peut-être faire cadrer avec une organisation inter-hospitalière administrative – qui a d’ailleurs beaucoup de fonctions à jouer dans le cadre des redéploiements d’activité –, m’apparaît une issue tout à fait raisonnable, pour ma part.

 

*

 

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12 – Philippe Renou, Gerhnu.

On n’a pas du tout parlé de partenariat.

Dans mon esprit, le réseau peut sous-tendre – pas obligatoirement– un partenariat public/public ou public/privé. Je trouve que c’est là une façon importante de réaliser une planification sanitaire.

Il y a des problèmes juridiques et financiers qui sont énormes, car vous connaissez comme moi la rapidité du privé par rapport au public, en termes de personnel, en termes de charge de travail, etc. , mais cependant, je crois que c’est une voie intéressante.

Philippe va peut-être me dire soixante-huitard attardé – je le suis un peu – : je dis que c’est très français, et c’est la quadrature du cercle, que d’associer d’une part une planification et d’autre part ce qui est notre tissu actuellement, un pluralisme de la santé. C’est en fait la quadrature du cercle : nous sommes tous là, médecins hospitaliers, avec des médecins libéraux à nos portes avec lesquels nous devons travailler et l’association du pluralisme et de la planification sanitaire, je prie le Ciel pour que ce soit compris et que ce soit une réalité.

Mais je crois que ce partenariat pourrait dépasser les querelles byzantines.

Autre chose, pour répondre à la question de tout à l’heure « peut-on faire venir des intervenants extra-hospitaliers », des libéraux par exemple. À la dernière réunion, Pierre Gallois nous a reprochés de ne pas avoir suffisamment fait de place à des médecins libéraux. C’est pour cette raison qu’avec le bureau, nous avons préféré faire d’abord la réunion d’aujourd’hui, pour, à Freyming-Merlebach – vous avez vu que Freyming est dans le prolongement de la réunion d’aujourd’hui –, faire à ce moment-là intervenir les extra-hospitaliers. Je pense que ces deux réunions, celle d’aujourd’hui et celle de Freyming, permettront d’avoir une idée plus exacte sur les phénomènes de réseaux, et sur la coopération inter-hospitalière public/privé et public/public.

Voilà la raison de l’architecture.

Je voudrais que Dominique me réponde sur le partenariat.

 

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13 – Dominique Baubeau, direction des hôpitaux.

Je vais encore une fois être un peu pessimiste.

Là où je suis, je sens que le partenariat, c’est le partage de clientèle. C’est seulement dans ce cas là que ça marche et qu’on parle de partenariat.

J’ai vraiment l’impression qu’on a du mal à gérer. C’est peut-être possible dans certains cas, mais, aussi bien en région Lorraine où je suis, je sens que le vrai partenariat, au sens où « on fait les uns avec les autres », « on se complète », aboutit en fait quand ça marche à ce qu’on a correctement séparé les territoires.

 

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14 – Robert Fonteneau, CNAM.

Ce que je voudrais dire va tout à fait dans le même sens.

Quand on a fait l’OQN – l’Objectif Quantifié National des cliniques –, on a évidemment satisfait les pouvoirs publics et également l’Assurance Maladie, puisque les cliniques privées nous ont donné une garantie de non-dépassement de dépenses. Ce faisant, la machine intensive des cliniques privées, loin de se refroidir, va s’accélérer, puisque les petits établissements vont être mis sous tension par les grands à l’intérieur de ce système là. C’est à dire qu’aujourd’hui, quand on dit qu’on fait les deux tiers des MCO, on fait 50% du « O », un peu moins de 50% du « C » et le reste, c’est du « M », dans les hôpitaux généraux.

Donc ce processus de recherche de complémentarité, c’est aujourd’hui le mariage de la carpe et du lapin, car les systèmes de financements sont différents. Pour qu’ils s’améliorent, il faut absolument que les hôpitaux publics nous aident à refroidir le système du privé, par l’accréditation.

Je m’excuse, mais il faut que vous participiez aux comparaisons hospitalières qu’on a l’intention de faire, aussi bien pour le public que pour le privé, avec des critères simples. Il faut également que vous participiez aux références médicales, parce que les références médicales, ça veut dire que dans les cliniques privées, on ne pourra plus faire autant qu’avant de l’activité qui n’est pas forcément utile. À ce moment-là, le système s’équilibrant, il sera peut-être davantage possible de faire des partenariats.

Je dis que, quand un système est aussi déséquilibré et va s’accélérer dans le déséquilibre, forcément, les bonnes volontés qu’on trouve sur le terrain ne sont pas foule.

 

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15 – Jean Arnautou.

Je ne veux pas apparaître comme étant sectaire et défendre à tous crins l’hôpital public, mais je suis aujourd’hui très pessimiste quant aux possibilités même de coopération entre le public et le privé. Ce serait faire preuve d’angélisme et de naïveté, et ce serait donner des verges pour se faire battre. Il n’est pas possible de dire autre chose quand nous avons en face de nous des hommes d’affaire et il faut bien avouer que nous sommes assez désarmés pour discuter sur ce terrain.

D’autre part, nous avons en face de nous des gens qui ont un processus de financement qui n’est pas du tout le même que le nôtre : on parle d’OQN et pas d’honoraires, les règles fiscales ne sont pas les mêmes, les statuts ne sont pas les mêmes.

Je dirai, pour simplement régler la question du partenariat à mes yeux : « nous avons sur un terrain de jeu en face l’équipe du privé qui joue du rugby, alors que nous, le public, nous jouons avec les règles du football ».

Devinez qui va gagner le match.

 

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16 – Étienne Weill, Paris.

Je crois qu’on a complètement dévié. Si j’entends M. Grandjean et M. Joyeux, on parle de planification et d’aménagement du territoire, ce qui dépasse de beaucoup la notion de réseau.

C’est peut-être la nécessité absolue, mais c’est alors la contrainte : quand on voit les SROSS qui vous disent « il faut marier deux hôpitaux », « il ne faut pas qu’ils aient la même activité », que l’on voit qu’il est nécessaire de regrouper l’activité du privé et du public, et quand on prend le SROSS Île-de-France qui est quand même très important et qu’on parle tout le temps mariage public/privé, il est clair qu’on n’a absolument pas les moyens à l’heure actuelle – aussi bien juridiques que psychologiques – pour amener les gens à travailler ensemble.

Que ce soit partenariat public/public ou public/privé, je voudrais savoir quelle peut être l’incitation, en dehors de la contrainte, qui puisse amener les gens à travailler en réseau par partenariat ? Ce serait évidemment l’idéal, en dehors de la contrainte. Ça paraît indispensable si l’on veut aménager.

Le danger de la contrainte, c’est de tomber dans un juridisme étroit, d’autant que le secteur sanitaire n’est pas toujours l’idéal : quand on prend l’hétérogénéité des régions françaises, on trouve des départements où il n’y a qu’un seul hôpital, où ils sont tellement loin les uns des autres – à 70 km – que la complémentarité et le partenariat sont extrêmement difficiles.

La structure que propose Joyeux est sans doute réalisable dans beaucoup d’endroits, mais sûrement pas partout, compte tenu de la désertification de certaines régions.

Je voudrais savoir ici si quelqu’un a d’autres propositions et des incitations psychologiques en dehors de la contrainte?

 

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17 – Jean Arnautou.

On peut poser la question des incitations.

Des incitations financières, ça a été énoncé par quelqu’un, pour répondre.

Excuse-moi, Dominique, mais Étienne Weill après tout n’a pas tort : c’est un chirurgien, il veut des choses tangibles.

Quelqu’un veut-il répondre sur l’incitation financière ? Cela a été évoqué par certains d’entre vous tout à l’heure.

 

Olivier Joyeux, conférence des présidents.

Si les contrats d’objectifs et de moyens avaient un intérêt qui puisse être facilement démontré, je pense que c’est dans la restructuration que l’on devrait pouvoir apporter cette première preuve.

C’est dans ce sens là que l’enquête que nous avons faite au niveau des hôpitaux généraux nous montre que, sur ce point là, il peut y avoir un accord.

 

Robert Fonteneau, CNAM.

Pour la restructuration, il faut d’abord faire la démonstration que le privé, qui fonctionne en général à 90,60%, a une activité qui ne correspond pas à l’utilité locale. On revient toujours à cela. Et en général, l’hôpital n’est pas dans la même situation de démonstration sur le plan des informations les plus immédiatement disponibles.

Si vous ne voulez pas rentrer dans un débat plus profond, on ne peut pas ouvrir ce débat.

 

Dominique Baubeau, direction des hôpitaux.

Pour entrer dans un débat quel qu’il soit, il faut avoir les mêmes outils de mesure. Or, le gros problème, à mon avis et c’est vraiment un souci permanent, c’est d’avoir au moins les mêmes outils de mesure. C’est pour cela qu’il faut qu’on fasse attention à ne pas développer, les uns et les autres, des outils qui soient exclusifs à un secteur, quel qu’il soit. En particulier, tous les problèmes d’analyse de moyens, mais aussi de la clientèle, nous manquent cruellement. Par exemple, au niveau du PMSI – je le sais bien parce que j’en ai déjà discuté plusieurs fois –_ : il n’est pas encore obligatoire dans le secteur privé et quand bien même il serait obligatoire, certains éléments de différenciation des clientèles, les problèmes sociaux par exemple, ne figurent pas dans le RSS, alors qu’ils vont expliquer une grande partie des DMS différentes et des coûts différents. En fait, actuellement, on va nous demander de comparer des secteurs non comparables parce qu’on n’a pas les outils nécessaires.

Je suis d’accord qu’il faut commencer, il faut y aller. Mais toutes les incitations seront obligatoirement accompagnées par un système de mesure ; si par essence, ce système ne peut pas mesurer ce qu’on compare, il est clair qu’on va vers les règles de rugby et les règles de football.

Le fait que les établissements publics traitent un éventail des cas beaucoup plus large, par rapport aux établissements privés, suffit déjà à cerner la différence entre privé et public.

 

Philippe Renou, Gerhnu.

Je voudrais quand même rappeler et tout le monde le sait ici, que la planification sanitaire, dans la loi du 31 juillet 1991, s’impose au secteur public comme au secteur privé.

 

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18 – Jean Arnautou.

On a été peut-être un peu confus. On n’a sûrement pas abordé tout ce qu’on pouvait aborder et Philippe Renou vient de le dire, tout cela va se poursuivre lors de la réunion de l’Ascension à Freyming-Merlebach.

Pour chacun de nos experts, un mot. Un mot pour finir.

 

Robert Fonteneau, CNAM.

Sur le plan des informations, il faut faire la part des informations qui sont utiles à la gestion transversale du système des informations qui sont utiles à l’initiative des médecins. Il faut faire la différence entre les deux.

 

Bernard Grandjean, conférence des directeurs.

Je dirai simplement, pour me permettre de faire une petite transition avec les travaux futurs du Gerhnu, que nous sommes en plein dans les problèmes de restructuration ; restructurer pour survivre. Je crois que le réseau, c’est un peu une réponse à la crise actuelle que connaît l’hôpital.

 

Olivier Joyeux, conférence des présidents.

Rien de plus à dire que : notre foi, c’est qu’il faut que le secteur sanitaire ait une âme. Il faut qu’il y ait une politique de santé au niveau du secteur sanitaire.

Nous avons parlé indirectement du réseau inter-hospitalier et nous avons oublié de parler aussi de réseaux intra-hospitaliers qui peuvent être nécessaires dans des grands ensembles hospitaliers.

 

 

*

 

Jean Arnautou.

Merci à tous. La parole à Bernard Schmitt, pour la synthèse de fin.

 

 


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SYNTHÈSE DE LA JOURNÉE — PROPOSITIONS

 

Bernard Schmitt.

 

Vous n’allez pas être déçus. Je dis non!

Je dis non, car c’est impossible de synthétiser tout ce qui a été dit. La richesse des débats, la richesse des exposés, la richesse des questions m’empêchent honnêtement d’avoir la prétention de faire une synthèse.

Je rappellerai simplement quelques points forts.

 

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1 – Planification – stratégie.

Premier point : l’hôpital est une institution de production et les résultats obtenus en fonction des moyens injectés mesurent son efficience. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça veut dire si cette efficience n’est pas mesurée, analysée dans le contexte socio-économique et culturel où cette production est faite et sur laquelle elle se légitime ? Autrement dit, cela ne sert à rien de dire : « je fournis des soins pour moins cher » si ces soins sont inadaptés à la population concernée.

Nous sommes donc dans un environnement et cet environnement bénéficie d’acteurs multiples, d’acteurs institutionnels et d’acteurs extra-institutionnels. Ces acteurs ont tous leur rôle à jouer et la mise en coordination de ces acteurs s’appelle effectivement « un réseau ». Ce réseau n’a de sens que si la volonté commune est d’apporter une réponse cohérente au besoin de santé publique. Ça, c’est la mise en place de filières.

Les problèmes qui se posent, tout le monde l’a souligné, ce sont des problèmes extrêmement pratiques : « que va-t-on faire ? »

Nous avons des systèmes très divers en termes d’organisations, de moyens financiers, de structures juridiques, etc.

Je ferai simplement deux remarques pour finir, mais que je laisserai sous forme d’interrogation, pour que vous partiez au moins avec cette petite épine dans la chair, qui va vous permettre de continuer la réflexion, pour vous-mêmes et pour en faire profiter le Gerhnu lors de notre prochaine rencontre.

Tout d’abord, on a parlé de la planification. Mot tabou, mot horrible, s’il en est. Et pourtant!

Et pourtant, la planification me semble devoir répondre à un double objectif:

D’abord, c’est une vision globalisante de la stratégie et cela, quels que soient les acteurs : on ne peut laisser des acteurs sur la touche. Il faut donc avoir une vision globalisante de la stratégie et cette stratégie planificatrice, à qui va-t-elle incomber ? Nous sommes à la veille d’un débat extrêmement important. On a parlé des agences régionales. Je pose la question : comment allons-nous, au niveau de nos responsabilités respectives, participer, collaborer, à la mise en place effectivement d’une stratégie qui soit globalisante?

Deuxièmement : une stratégie, si elle s’attache à l’aspect organisationnel, s’attache également à l’aspect humain. On a souligné ce matin dans des interventions, on l’a refait cet après-midi, que tout tourne autour de la qualité des hommes qui font les réseaux et qui travaillent ensemble, quel que soit leur statut, quelle que soit leur fonction. Je pense qu’il faut que dans notre réflexion à venir, nous soyons capables de valoriser cette fonction humaine essentielle, sans laquelle rien ne sera fait, ou sera fait sur le papier mais pas dans la réalité.

 

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2 – Questions en suspens.

Il reste quelques questions.

On a parlé de hiérarchisation. J’ai été le premier à lancer le mot dans l’arène, à la pâture de chacun d’entre vous. Il y aura hiérarchisation nécessairement dans le niveau de soins, en fonction des plateaux techniques, en fonction d’un certain nombre de critères qui sont incontournables : on ne peut pas en faire l’économie.

Si les réseaux que nous allons mettre en place, tels ceux que Joyeux par exemple suggère, tels qu’effectivement faits dans un certain nombre d’endroits, ou tels que réfléchis dans d’autres endroits, si ces réseaux se fissurent et se fissurent simplement parce que les hommes sont les hommes, alors je vous donne quelques tout petits éléments de réflexion : quel sentiment d’abandon ! Quel sentiment de désillusion ! Pour les moyens, qui peuvent encore vivre en autarcie, quel isolement stérilisateur ! Pour les plus gros, ceux qui estiment être les meilleurs, quel jeu « perso », et finalement quel gâchis!

Méfions-nous donc : tout élément capable de fissurer ces réseaux – et là, je rejoindrais je ne sais plus lequel des orateurs qui vient de le dire – en interne à nos établissements comme en externe et j’insiste bien sur l’aspect interne ; donc, toute fissure dans les réseaux internes est aussi redoutable que les fissures dans les réseaux externes.

Ce matin, en introduction, j’avais souligné l’aspect « coordination », l’aspect « accréditation », et, vous venez de le ressouligner, l’aspect « contractualisation », et enfin l’aspect « évaluation ». Quatre thèmes qui ont été repris très récemment par le Premier Ministre. Je pose quelques interrogations, tout ça pour la mise en place de filières, certes, mais qui va nous dire et sur quels critères, quelle filière est légitime?

Deuxièmement, par qui et sur quels critères va-t-on accréditer certains services, ou certains hôpitaux, ou certaines structures ? Par qui et sur quels critères va-t-on légitimer des contrats d’objectifs ? Quels engagements, ou quel engagement contractuel, les tutelles vont-elles pouvoir prendre à partir du moment où une filière a été jugée valide ? C’est beau de dire : « oui ! il faut une filière cardio-vasculaire », « oui ! il faut une filière cancérologique », « oui ! il faut une filière je-ne-sais-trop-quoi », mais à partir du moment où l’on dit que cette filière, dans ce secteur donné, dans cette région donnée, est valable, quelle va être l’engagement des tutelles?

Ça, ce sont des contrats d’objectifs.

 

*

 

Je vous laisse ces éléments en guise de conclusion, mais on voit bien que le débat ne fait que s’amorcer et j’espère qu’il va pouvoir continuer de façon fructueuse.

 

 


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LISTE DES CONGRESSISTES

 

Jean                    ARNAUTOU                           Médecin      C.H.– 47203 AGENCedex

Pierre                 BADINAND                           Médecin      Hôpital des Chanaux – 71018 MÂCON

Jacqueline         BALTAGI                                Médecin      M.I.R. DRASSIF – 58 rue de la Mouzaire

                                                                                                94800 VILLEJUIF

Yvonnick            BANNIER                              Directeur     C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Dominique         BAUBEAU                              Médecin      Sous-Direction de l'Évaluation

                                                                                                Direction des Hôpitaux – 75350 PARIS 07 SP

Nicole                 BURON                                 Médecin      141 bd Brune – 75014 PARIS

Dominique         BURONFOSSE                     Médecin      C.H. – 56322 LORIENT Cédex

Jean                    CHAPPELET                         D.R.A.S.S.    Région Auvergne – 48-50 bd La Fayette

                                                                                                63037 CLERMONT-FERRAND Cédex

Yves                    CHESTIER                             Médecin      Président C.M.E.

                                                                                                C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Georges             CLANCIER                             Directeur     C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Pascal                CLUZEL                                 Médecin      C.H. – 58020 NEVERSCédex

Philippe              CONDOMINAS                     Médecin      Maternité du Levant

                                                                                                C.H. – 56322 LORIENT Cédex

Pr Michel           CRÉMADEZ                          Médecin      S.A.P.C.S. – 13 avenue Morane Saulnier

                                                                                                78140 VÉLIZY-VILLACOUBLAY

Anne                   COURILLON-MALLET           Médecin      C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Pierre                 DELAUNAY                           Médecin      C.H. – 76140 PETIT QUEVILLY Cédex

Huguette            DELVAUX                              Médecin      C.H. – 60200 COMPIÈGNE

Pr François        DIARD                                   Médecin      Hôpital Pellegrin – 33076 BORDEAUX

Jean-François    DURR                                    Médecin      Hôpital SSM – 57804 FREYMING-MERLEBACH

Étienne               DUSEHU                               Médecin      C.H. –  60321 COMPIÈGNE Cédex

Pr Pierre            DUSSERRE                           Médecin      C.H. – 1 bd Jeanne d'Arc – 21034 DIJONCédex

Jean Marie         FARNOS                               Médecin      C.H. – 60300 SENLIS

Robert                FONTENEAU                         CNAMTS      PARIS

Pascal                FORTIER                               Médecin      C.H. – 53204 CHÂTEAU-GONTIER Cédex

Bernard              GRANDJEAN                         Directeur     C.H. – 47023 AGEN Cédex

François             IHUEL                                    Médecin      C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex

José                    JEANNERET                          Médecin      C.H. – 73011 CHAMBÉRY

Olivier                 JOYEUX                                 Médecin      C.H. – 26956 VALENCE Cédex

Françoise           JUNGFER-BOUVIER             Médecin      C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Claude                LABRAM                               Médecin      C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex

Bernard              LARDY                                   Médecin      C.H. – 72037 LE MANS Cédex

Gérard                LEBLANC                              Médecin      55 rue de l'Hermitage – 33200 BORDEAUX

Alain                    LELLOUCH                            Médecin      C.H. – 78105 ST-GERMAIN-EN-LAYE Cédex

Philippe              LEMANT                                Médecin      C.H. – 78120 RAMBOUILLET

Vincent               LEROUX                                Médecin      C.R.A.M.I.F. – PARIS

Benoît                 LIBEAU                                  Médecin      C.H. – 44606 ST-NAZAIRE Cédex

Glenn                  LIMIDO                                 D.R.A.S.S.    Région Île-de-France – 17-19 avenue de Flandres

                                                                                                75019 PARIS

Philippe              MARREL                               Médecin      C.H. – 57804 FREYMING-MERLEBACH

Jean-François    NOURY                                  Médecin      C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Philippe              OBERLIN                               Médecin      C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Fabienne            ORY                                       Directeur     C.H. – 56322 LORIENT Cédex

Pr Émile             PAPIERNIK                           Médecin      Maternité Port-Royal – 75679 PARISCédex 14

André                  PARENT                                Médecin      C.H. – 95101 ARGENTEUIL

Jean                    PASSELERGUE                                         Direction Service Médical – bd La Fayette

                                                                                                48050 CLERMONT-FERRAND

Jean-Jacques     PICARD                                 Médecin      C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex

Danièle               RAFAUST                              Médecin      Hôpital Font Pré – 83000 TOULON

Marie-Christine RAVAULT                               Médecin      D.R.A.S.S. – 69418 LYON Cédex 03

Philippe              RENOU                                  Médecin      C.H. – 72037 LE MANS Cédex

Jean-Pierre        RINALDI                                Médecin      C.H. – 83056 TOULON Cédex

Pr Jacques         ROUESSÉ                             Médecin      Centre René Huguenin –  rue Gaston Latouche

                                                                                                92100 ST-CLOUD

Guy                      SAMAILLE                             Médecin      C.H. – 59100 ROUBAIX

Annie              SALVANET-BOUCARRA            Médecin      C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Bernard              SCHMITT                              Médecin      C.H. – 56322 LORIENTCédex

Annie                  SOUDAN                               Directeur     C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES

Jean                    TOULOUSE                           Médecin      4 place de la République – 58000 NEVERS

Marie-Noëlle     VIBET                                    Médecin      Médecin-conseil CNAM – 66 avenue du Maine

                                                                                                75694 PARIS Cédex 14

Lucien                 VICENZUTTI                          Directeur     C.H. – 9 bd Frédéric Latouche – 71400 AUTUN

Étienne               WEILL                                    Médecin      21 rue Lasson – 75012 PARIS

 

 

 

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