47ème Journée du GERHNU
Villeneuve-Saint-Georges — 25 novembre 1995
Réseaux et filières de soins
DÉFINITIONS
– SÉMANTIQUE Dr Bernard Schmitt
et organisation de la journée.
CINQ EXPÉRIENCES
ACTUELLES DE RÉSEAUX
I — Réseau d’hématologie Pr François Diard
II — Réseaux et centre anti-cancéreux Pr Jacques Rouessé
III
— Réseaux obstétricaux hospitaliers Pr
Émile Papiernik
IV — Maisons de retraite, moyen et long séjour
M. Lucien Vicenzutti
V — Réseau privé-CHU-CHG Pr Pierre Dusserre
Réconcilier aménagement du territoire et
maîtrise des coûts de santé.
DISCUSSION
GÉNÉRALE AVEC LA SALLE
ANALYSE CRITIQUE
DE LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Introduction Étienne Dusehu
Premier
témoin Dr
Olivier Joyeux
Deuxième
témoin M. Bernard
Grandjean
Troisième
témoin Dr Philippe
Marrel
Quatrième
témoin Dr Dominique
Beaubau
Cinquième
témoin M. Robert
Fonteneau
SYNTHÈSE –
PROPOSITIONS Dr
Bernard Schmitt
1
– Françoise Jungfer-Bouvier, Gerhnu.
Cette
47ème journée du Gerhnu porte sur un thème tout à fait intéressant et
d’actualité : comment faire pour articuler au mieux nos moyens de santé
pour prévenir, pour prendre en charge nos malades dans le cadre du confort et
de la qualité, et peut-être aussi dans le cadre du meilleur coût ? Nous
sommes donc très contents de vous voir. Notre directeur, M. Clancier, et notre
président de CME Yves Chestier vont aussi dire leur contentement de vous avoir
ici. Je vous souhaite une très bonne journée.
2 – Georges Clancier, directeur du
Centre Hospitalier.
Je suis très heureux de vous accueillir
dans notre hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. Je dois tout d’abord excuser le
président du conseil d’administration, le Maire de Villeneuve-Saint-Georges,
qui semble avoir eu un problème de dernière minute. Peut-être pourra-t-il nous
rejoindre tout à l’heure. Je vois que, comme l’a dit tout à l’heure Mme
Jungfer, malgré les aléas de circulation, vous avez réussi à arriver nombreux
jusqu’en haut de notre colline. Je suis particulièrement heureux de pouvoir
vous accueillir dans ce centre hospitalier pour cette 47ème journée du Gerhnu.
Vous êtes ici dans les salles qui sont
habituellement dévolues au conseil d’administration et à l’audiovisuel, donc au
cœur même de l’hôpital. Nous avons tout fait pour vous rendre agréable et
confortable cette journée.
À la lecture du programme, on peut
apprécier la grande qualité des intervenants ainsi que la richesse des sujets
abordés. Le Gerhnu a su montrer la haute qualité de ses réflexions. Les
problèmes posés au monde hospitalier sont, aujourd’hui, particulièrement denses
et profonds pour que des sociétés savantes comme la vôtre s’en préoccupent.
Mettre en commun l’expérience et échanger ses idées pour déterminer de
nouvelles pistes de réflexion a toujours été le fait d’individus altruistes et
pénétrés d’humanisme. Je serai bref. La pensée de Buffon va m’y aider : «L’esprit
humain ne peut créer et ne produira qu’après avoir été fécondé par l’expérience
et la méditation. Ses connaissances sont les germes de ses productions.»
Aussi de Jean Giono : «Imaginer,
c’est choisir».
À tous, je souhaite une bonne et
enrichissante 47ème journée du Gerhnu. Merci d’être présents dans notre
établissement.
3
– Yves
Chestier, président de la Commission Médicale
d’Établissement.
Mesdames, messieurs, mes chers collègues, au
nom du corps médical de cet établissement, je suis très heureux de vous y
accueillir.
Lorsque
j’ai pris connaissance de l’ordre du jour, de la qualité des intervenants et de
l’importance des sujets traités, j’ai pris conscience qu’il s’agissait une fois
de plus, en ce qui concerne votre institution, d’une journée importante.
L’organisation de réseaux de soin est sûrement une démarche primordiale, et
peut-être la démarche primordiale actuellement en terme de réponses aux besoins
de santé publique sur le terrain. Ce n’est sans doute pas simple.
Si je
prends l’expérience du réseau de soins cardiologiques dans le département du
Val-de-Marne, qui somme toute fonctionne relativement bien, des embûches
peuvent survenir. Ces embûches tiennent entre autres à la nécessaire estime et
confiance que les différents acteurs doivent nourrir réciproquement pour
assurer la pérennisation et l’efficacité d’un réseau de soins. C’est sûrement
un des points les plus difficiles à traiter et à maintenir, et je pense que
ceci devrait faire partie des thèmes de votre journée.
Le deuxième point qui m’est apparu comme
obérant l’efficacité, c’est la juxtaposition, nécessaire en termes de
complémentarité et de mise à disposition de moyens, de structures de soins qui
sont hétérogènes quant à leurs statuts et parfois, sinon contradictoires, mais
concurrentes quant à leurs intérêts respectifs. C’est là un deuxième point qui
devrait alimenter vos réflexions.
Je ne doute pas qu’elles soient très
approfondies et qu’elles contribuent une fois de plus à faire avancer la
réponse aux besoins de santé dans notre pays.
Je vous
souhaite une très bonne journée, très efficace et très laborieuse.
4
– Philippe Renou, secrétaire du
Gerhnu.
Le petit mot du secrétaire est
traditionnel. Il est plus que traditionnel, puisque nous sommes très heureux
d’être accueillis par Villeneuve-Saint-Georges. M. le Directeur, je vous remercie
vraiment pour votre accueil.
Yves Chestier, nous sommes presque des amis
de trente ans, nous avons été dans les mêmes hôpitaux et aux mêmes endroits.
Merci à tous les deux et à la communauté médicale de nous accueillir.
Comme je le disais tout à l’heure, le
Gerhnu fait le tour de la Grande Couronne, depuis Eaubonne, Versailles, et
d’autres encore, Arpajon l’année dernière. Nous continuons à
« coloniser » les hôpitaux de la périphérie. Outre l’agrément d’être
reçus dans des structures différentes, il est important de pouvoir connaître et
nous faire connaître. C’est un problème pour le Gerhnu qui a maintenant plus de
vingt ans, qui est donc tout à fait adulte, que de trouver une relève, en
particulier auprès des jeunes collègues des hôpitaux généraux.
Non ! les hôpitaux généraux ne sont
pas inintéressants. Non ! les hôpitaux généraux ne font pas de la mauvaise
médecine. Il faut au contraire que des jeunes des hôpitaux généraux puissent
faire une bonne réflexion sur la bonne médecine. Justement, les réseaux sont là
pour inciter à cette interpénétration permanente. Bien sûr, comme l’a dit
Chestier à l’instant, ce n’est pas évident : s’il n’y avait pas de
problèmes, il n’y aurait pas cette réunion.
En tous les cas, c’est un peu la fierté du
Gerhnu que d’essayer de coller à l’actualité. La dernière fois, on avait eu Dax
avec « la Recherche Clinique » ; j’ai été très étonné de la
richesse de ce qui s’est passé à Dax, et je ne doute pas que ça va être aussi
riche ici.
Je voudrais remercier particulièrement
Françoise, qui a fait ce travail depuis des semaines, avec ses collaborateurs
et amis que je remercie globalement – je ne vais pas les citer les uns
après les autres – ; qu’ils soient tous remerciés pour cette préparation.
Et bien sûr, les conférenciers, de venir un jour de grève, de plus un samedi
matin, c’est vraiment particulièrement gentil de leur part, et donc du fond du
cœur je les remercie. Certains sont des amis des proches, d’autres plus
lointains, mais en tous les cas, leur démarche est particulièrement appréciée
par tous les membres du Gerhnu et par le bureau.
Nous
allons commencer sans plus tarder, car la journée est particulièrement dense et
très minutée.
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DÉFINITIONS –
SÉMANTIQUE
Organisation de la
journée
Docteur Bernard
Schmitt,
président de la Commission Médicale d’Établissement du Centre Hospitalier de
Lorient.
Au
plan de l’organisation, nous allons travailler de façon intensive ce matin.
Nous avons commencé avec un petit quart d’heure de retard, et les
communications qu’on va vous faire sont nombreuses.
1 – Je vais essayer, en introduction, de faire
deux choses :
• D’une part, un petit peu
d’explication de texte et de sémantique :
En effet, à la lecture du programme, avec
un peu de réflexion et de recul, après avoir préparé avec mes collègues du
bureau cet ordre du jour, je m’aperçois qu’il y a un certain nombre de
confusions, voire d’ambiguïtés sur le sens utilisé dans la présentation des
différentes communications de ce matin. Il me paraît donc important que nous
puissions savoir de quoi nous parlons quand nous utilisons les mots de
« réseau » et de « filière ».
• D’autre part, après la présentation
de ces différents exposés, nous aurons un débat plus philosophique qui va
remettre ce problème de réseaux et de filières dans un cadre d’organisation et
d’aménagement du territoire. Cela est-il justifié, cela a-t-il un sens ?
Je vais essayer de vous le montrer, et pourquoi nous avons fait ce choix là.
Cette après-midi, table ronde en quelque
sorte, avec la prise de parole de grands témoins, c’est-à-dire de personnes
ès-qualités qui ont à se « mouiller » au nom de ce qu’ils
représentent pour dire : « cela est justifié », « cela
n’est pas justifié », « voilà comment nous pensons »,
« voilà comment nous pourrions faire ». Cette discussion aura
d’autant plus d’intérêt que vous avez tous entendu parler très récemment des
grandes mesures à venir par notre premier ministre, et que ce sont des thèmes
qui ne sont pas du tout étrangers au Gerhnu, puisque nous avons déjà fait des
journées du Gerhnu sur quelques-uns de ces grands thèmes.
2 – Pour commencer, le premier point. Je me
suis amusé à lire dans le Robert la définition de « réseau » et de
« filière ». Réseau vient d’un vieux mot : le rets, c’est à dire
le filet, le piège. Est-ce un piège dans lequel nous allons nous
enfoncer ? C’est une question fondamentale et philosophique. Faut-il
s’engager dans une telle démarche, n’est-ce pas par hasard un piège ?
C’est aussi la notion de résille, de même
étymologie. La résille est une coquetterie, un tissu extrêmement lâche, une
dentelle. Nous verrons qu’il y a des dentelles dans l’organisation
territoriale. Pouvons-nous admettre ce modèle comme un modèle d’organisation de
nos systèmes de soins ? C’est également une question philosophique.
En allant plus loin dans cette définition,
on trouve un ensemble de lignes, de voies de communication, de conducteurs, de
canalisations qui desservent une même entité géographique. Cela devient
intéressant, car le réseau nous renvoie immanquablement à la notion d’entité
géographique. Autrement dit, chaque fois que nous parlons de réseau, il faudra
avoir en mémoire : « sur quelle entité géographique nous
positionnons-nous ? »
C’est là que la réflexion sur l’aménagement
du territoire a toute sa valeur.
Autre définition, la filière. Tout le monde
connaît le sens de filière : c’est cet outil qui réduit le métal en fils
de plus en plus fins. Toujours d’après le petit Robert, c’est aussi une
succession d’états traversés, de degrés à franchir, de formalités à accomplir
avant de parvenir à un résultat. Passer par une filière, et le mot est
important, c’est passer par tous les degrés d’une hiérarchie. Nous reprendrons
ce terme de hiérarchie, qui définit des choses plus petites ou plus importantes
que d’autres, et en tous cas différentes. C’est l’introduction de la différence
et il va falloir coordonner les différences pour arriver à ses fins. Problème
extrêmement important.
3 – Le réseau. Voyons à quoi cela peut
correspondre pour nous.
Je pense que le réseau est une entité
matérielle, structurelle et organisationnelle, qui est inscrite obligatoirement
dans un environnement géographique bien défini. Cette entité matérielle est
asservie à cet environnement, et l’épouse. C’est à dire qu’il ne peut pas y
avoir de réseau sans environnement, mais qu’il ne peut pas y avoir
d’environnement sans réseau : l’un et l’autre sont étroitement liés, car
l’un et l’autre se structurent mutuellement.
Un réseau de soins est par définition une
organisation matérielle et structurelle, en quelques sortes un système de voies
de communication préférentielles dont l’efficacité et la pertinence sont
éprouvées, permettant la prise en charge de chaque étape d’une filière, selon
des niveaux coordonnés et différenciés – réintroduction de la
hiérarchie –, en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils soient
institutionnels ou non.
L’utilisation de ce mot réseau n’est pas
neutre : il n’a de sens que dans un espace, un territoire et il contribue
fortement à l’organisation de ce territoire. Un réseau de soins, dont l’hôpital
n’est que l’un des éléments (certainement pas le seul et pas forcément le
principal), est donc bien un levier essentiel de l’aménagement du territoire.
C’est toute la signification de l’intervention que nous avons demandée à Michel
Crémadez et à Étienne Dusehu.
C’est pour cela que nous avons prévu dans
cette réflexion d’aujourd’hui cette réflexion philosophique sur l’aménagement
du territoire.
4 – La filière. C’est une notion fonctionnelle
et non pas matérielle. Elle traduit la manière de traiter dans sa totalité,
étapes par étapes – on retrouve la notion de hiérarchie –, un
problème donné. En matière de santé, il s’agit donc d’un cheminement
hiérarchisé des activités de santé à travers toutes les étapes identifiables
d’une pathologie ou d’un groupe de pathologies, depuis la prévention de la
maladie et de ses facteurs de risque, en passant par le dépistage, par le soin,
par le diagnostic, la thérapeutique, la rééducation, jusqu’à l’accompagnement à
la mort.
Ce cheminement va bien sûr se faire grâce à
un réseau de voies de communication. Filière et réseau sont étroitement liés.
Le réseau, c’est la route, le moyen matériel et la filière, c’est ce qui
chemine sur la route. Or une voie de communication, une route, n’a pas qu’un
seul usager. C’est là que nous trouvons une notion extrêmement précise :
le réseau va servir à de nombreuses filières, sachant que les réseaux ont des
nœuds de transversalités, des carrefours ; une filière donnée va pouvoir
emprunter le même réseau qu’une autre à un moment donné, puis bifurquer vers
des réseaux plus personnalisés, plus individualisés.
Deux définitions à ne pas confondre, donc.
Pour illustrer cela (et même pour les inciter
à faire une sorte d’autocritique des définitions qu’ils ont données eux-mêmes à
leurs propres communications), nous allons avoir cinq exemples qui vont vous
être exposés. Ces cinq exemples, pour quatre d’entre eux s’intitulent
« réseau », pour l’autre s’intitule « filière ». Je
laisserai à votre réflexion le soin de déterminer pour chaque titre s’il est
judicieux ou non et s’il ne faut pas dans une certaine mesure le corriger.
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CINQ EXPÉRIENCES
ACTUELLES DE RÉSEAUX
Professeur François
Diard,
président de la Commission Médicale d’Établissement du Centre Hospitalier
Universitaire de Bordeaux.
Je
crois que c’est à l’amitié de Jean Arnautou que je dois l’honneur de venir
rapporter notre expérience devant vous et je vous remercie de votre invitation.
Comme l’a dit le président de la commission médicale de l’établissement de
l’institution qui nous reçoit, la mise en place d’un réseau est une action
difficile et l’essentiel est qu’elle doit être basée sur la confiance et le
respect entre les différents acteurs.
Chez nous, cela a été possible grâce à deux
instances qui ont travaillé de façon très rapprochée : d’une part des
présidents de CME des hôpitaux publics d’Aquitaine, présidée par Claude
Frayssinhes et dans laquelle, fait assez rare, je siège avec un droit de vote.
D’autre part, un groupe de réflexion et d’action des hôpitaux publics
d’Aquitaine, qui est une association représentative des différents
établissements sans qu’ils y soient tous. Il associe de façon paritaire des
directeurs et des médecins, avec pour objectif de réfléchir sur les actions que
nous allons mener ensemble dans la région d’Aquitaine. Le président en est
Pierre Le Mauff qui est le directeur général du CHU de Bordeaux.
Nous avons pu ainsi construire plusieurs
actions en réseau et je vais vous en présenter deux qui sont assez différentes
l’une de l’autre.
La première action est un réseau
d’hématologie clinique qui est construite autour d’une filière de soins avec
une disposition en étoile, où le CHU pourra vous apparaître un peu hégémonique.
C’est une action qui a été relativement facile à mettre en place, car elle
s’est construite autour d’une filière de soins qui existait déjà.
Par contre, la deuxième organisation a été
beaucoup plus complexe à cause de la multiplicité des acteurs, puisqu’il y a eu
trois ans de réflexion avant son démarrage effectif. Là, c’est un réseau
constitué en un maillage complet de la région où le CHU n’est pas du tout
prépondérant.
*
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CINQ EXPÉRIENCES
ACTUELLES DE RÉSEAUX
Ia — Réseau d’hématologie clinique.
1
– Introduction
Pourquoi
avoir choisi l’hématologie ? Parce que c’est une spécialité très lourde et
très coûteuse dans les hôpitaux, parce qu’à l’heure actuelle de nouvelles possibilités
de diagnostic et de traitement, avec en particulier une protocolisation de tous
les soins qui rend plus facile une action globale, et parce que le nombre de
malades est en augmentation, non pas qu’il y ait plus d’hémopathies
qu’autrefois, mais à cause justement des nouvelles possibilités de diagnostic
et de traitement.
Pourquoi avons-nous été amené à réfléchir
sur la mise en place de ce réseau ? Le CHU, qui centralisait tous ces
malades, avait deux difficultés : la première, c’est que les malades qui
venaient consulter chez nous étaient éloignés très longtemps ou très souvent de
leur environnement socioculturel, et la deuxième, c’est que la concentration de
tous les patients sur notre service d’hématologie nous empêchait de vivre notre
vocation, qui est de développer les thérapeutiques innovantes, la recherche,
etc.
Les objectifs du réseau ont été les
suivants : c’est un transfert d’activités du service du CHU vers les
services des centres hospitaliers généraux.
2
– La répartition
des activités.
• Pour
le CHU, les activités de greffes, les activités thérapeutiques nécessitant des
capacités transfusionnelles particulières que n’avaient pas les centres
hospitaliers, les activités de diagnostic nécessitant des laboratoires de haute
technologie que n’avaient pas les centres hospitaliers, et enfin les essais
thérapeutiques, du moins les essais de phase II et III, les essais de phase IV
pouvant entraîner quelquefois la participation des centres hospitaliers.
• Pour
les centres hospitaliers, c’était toute l’hématologie quotidienne, diagnostique
et thérapeutique, c’était le suivi des protocoles thérapeutiques mis en commun
(vous le verrez tout à l’heure), et enfin la surveillance des pathologies
chroniques, qui n’ont plus besoin de venir ainsi au niveau du centre
hospitalier universitaire.
3 – Les participants.
Aux dix établissements initiaux en
Aquitaine sont venus se greffer naturellement trois établissements de notre
zone d’influence du sud Poitou-Charentes qui sont les deux Charentes.
La structure du réseau est une structure en
étoile, avec un CHU central qui peut paraître hégémonique – vous verrez à
la suite que la conception de l’autre réseau est complètement différente. Ceci
s’explique ici par la très haute technologie du service d’hématologie du Centre
Hospitalier Universitaire.
4 – Les conditions de
mise en place.
Nous avons eu une première difficulté au niveau
des centres hospitaliers, car nous avons souhaité qu’il y ait un secteur
géographique à l’intérieur de l’hôpital, et un médecin responsable. Nous nous
sommes heurtés là à certaines difficultés:
• Certains chefs de service de
médecine interne ne voulaient pas abandonner à un seul médecin à la fois des
lits et une responsabilité sur les patients qu’ils avaient l’habitude
d’assumer. Avec des discussions qui ont souvent été difficiles en interne dans
chaque établissement, la chose s’est faite, et ça fonctionne à présent à peu
près correctement.
• Pour le CHU, c’était mettre en place
la structure de coordination et surtout prendre une grosse responsabilité de
formation:
• élaboration
des protocoles de soin en commun.
• analyse
critique du suivi des patients en commun.
• conférences
sur des thèmes d’actualité par les membres de l’équipe d’hématologie du CHU ou par des conférenciers invités.
• séances de
bibliographies pour actualiser les connaissances.
• préparation des
réponses à des appels d’offres nationaux ou régionaux, et là nous regrettons
que les réseaux régionaux ne soient pas favorisés par les appels d’offres
nationaux, qui favorisent plutôt les réseaux inter-CHU et qui sont trop
élitistes à mon avis.
• enfin,
formation à la méthodologie de la recherche clinique en hématologie.
5 – Les résultats.
Il y a eu des points positifs et des points
négatifs.
Les points positifs : une amélioration
de la prise en charge des patients, une meilleure coordination des soins, des
protocoles thérapeutiques communs. Vous avez là la liste des protocoles qui
sont, à l’heure actuelle, mis en place et qui peuvent déboucher sur des actions
de recherche clinique associant les services des centres hospitaliers.
Par ailleurs, il y a, ce qui a été noté par
tous les acteurs, plus de convivialité, plus d’amitié entre les équipes et une
mise à jour des connaissances pour les praticiens isolés qui a été
indiscutable.
Les points négatifs sont assez nombreux.
Tout d’abord sur le fonctionnement. Nous
avions souhaité qu’il y ait une réunion de formation mensuelle. Nous n’y sommes
pas arrivés. À l’heure actuelle, la réunion de formation a lieu tous les deux
mois. À quoi cela est-il dû ? À l’impossibilité pour les praticiens de se
libérer de leur secteur de travail, car ils ne sont pas assez nombreux, et aux
déplacements dont le défraiement et l’assurance n’ont
pas été assuré par les centres hospitaliers.
Ensuite, les secrétariats sont apparus,
tant ceux du CHU que ceux des hôpitaux généraux, comme totalement surchargés
par le travail de courrier et de relation qui doit être établi à partir du
moment où l’on a des relations continues entre plusieurs centres hospitaliers.
Enfin, le coût est en cours d’évaluation
par la DRASS, qui ne m’a pas communiqué les résultats ; ce que je vous dis
est subjectif, mais basé sur l’analyse des budgets des hôpitaux généraux et du
centre hospitalier universitaire:
• Le
transfert d’activité du CHU vers les centres hospitaliers entraîne une charge
financière supplémentaire évidente pour les centres hospitaliers.
• D’autre part, le développement des techniques
innovantes dans les CHU, c’est à dire les nouvelles techniques de greffes, les
nouvelles greffes cellulaires, le développement de la thérapie génique qu’il va
falloir mettre en place, entraîne également une augmentation des coûts.
C’est donc un peu surprenant de voir qu’un
réseau, qui devrait être un système d’économie, entraîne en définitive des
coûts supplémentaires, mais je crois que ceci est dû à cette discipline-là, qui
est en pleine progression sur le plan des nouveaux protocoles thérapeutiques et
des nouvelles possibilités thérapeutiques.
6 – Conclusion.
Ce réseau d’hématologie est une réussite
pour le rapprochement des équipes, pour la qualité de prise en charge des
patients, pour une meilleure coordination CHU/centres
hospitaliers, mais l’effet secondaire est un coût global en augmentation à mon
avis, ce qui demande à être précisé, et qui s’explique par un nombre de malades
en augmentation dû aux progrès diagnostiques et thérapeutiques.
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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES
DE RÉSEAUX
Ib — Réseau inter-hospitalier.
Le
premier réseau était basé sur l’organisation autour d’une filière de soins,
avec une organisation en étoile autour d’un CHU possédant le plateau technique
le plus spécifique.
Le deuxième réseau est tout à fait
différent : c’est un réseau de télécommunication inter-hospitalier.
Pourquoi un réseau de communication ? Le but était simple : rompre
l’isolement des établissements, avec la possibilité de relations entre deux
établissements proches, par exemple Oloron et Pau, Dax et Bayonne et
l’établissement de relations entre un hôpital et un centre de référence
hospitalo-universitaire.
Il est utilisé pour l’aide au diagnostic,
pour l’aide à la prise en charge et à la conduite des soins. Ceci permet
d’économiser des transferts, surtout des transferts de malades, mais aussi de
dossiers, qui étaient envoyés par la poste, par ailleurs un suivi de
l’évolution – vous en verrez des exemples –, et enfin chaque
communication est un enseignement pour les praticiens qui rentrent dans cette
dynamique.
1 – Quelle a été la
démarche initiale?
La démarche initiale a été une démarche de
partenariat complet, avec une démarche régionale globale qui était ambitieuse,
c’est à dire l’équipement simultané de tous les établissements publics de la
région avec le même matériel, avec les mêmes règles de fonctionnement et au même
moment.
C’est pour ça que la démarche a été lourde
et longue : il y avait dix-sept établissements sur cinq départements, et
de multiples partenaires extérieurs, car on a dû faire appel aux municipalités,
aux conseils généraux, aux conseils régionaux, à tous les acteurs qui tournent
autour de l’informatique et de la transmission. Le projet a été initié au
printemps 1992 et l’acceptation du principe par tous les acteurs a été obtenue
en février 1994 : il a fallu
deux ans pour avoir un consensus autour du projet avant de pouvoir entrer dans
sa mise en place effective.
Une fois le consensus acquis, nous avons
mis en place un groupe de travail qui a été désigné par les membres du GRAHPA,
qui était composé des quatre directeurs, de quatre ingénieurs biomédicaux et de
quatre médecins.
Les missions du groupe de travail ont été
les suivantes:
• essai prospectif avec les
industriels pour choisir le produit,
• rédaction du cahier des charges pour
l’appel d’offre régional,
• préparer la réponse à l’appel
d’offre régional,
• proposer des règles de
fonctionnement.
Très vite, on s’est aperçu que ce groupe
n’était pas compétent pour fixer les règles de fonctionnement et on a composé
un groupe particulier constitué des utilisateurs médicaux du système pour
établir les règles de fonctionnement communes.
2 – Les objectifs du
réseau.
Les thèmes choisis étaient:
1°/ L’aide à la gestion des urgences.
Avis diagnostiques et thérapeutiques en
temps réels, décisions de transfert ou non-transfert – c’est très
important sur le plan de l’urgence régionale –, et enfin information sur
l’évolution des malades transférés. Un exemple : quand un malade est
transféré de Bayonne à Bordeaux, dans l’heure qui suit la réalisation des
examens spécifiques qui n’ont pas été faits à Bayonne, l’équipe de Bayonne peut
être tenue au courant des résultats de l’imagerie en résonance magnétique, par
exemple pour un problème neurologique, et vit presque en temps réel le suivi de
son patient, ce qui est important à la fois pour l’information et pour
l’enseignement.
2°/ L’aide au diagnostic et à la prise en
charge médicale.
Toute équipe de la région peut susciter un
avis complémentaire, diagnostique ou thérapeutique, avec toutes les
spécialités.
Ce réseau est basé sur un maillage, avec
comme notion fondamentale la gratuité des consultations, au titre de la
solidarité régionale : chaque établissement paie ses communications, mais
il n’est pas demandé d’honoraires par l’établissement qui donne le conseil.
Les établissements concernés sont au nombre
de dix-sept – le réseau est un maillage complet – avec vingt stations
de travail, le CHU en possédant lui-même quatre. J’insiste sur le fait que
chaque établissement peut communiquer avec l’établissement de son choix ;
il peut le faire avec le CHU s’il le souhaite, mais tous peuvent également
communiquer entre eux. Vous avez des relations très privilégiées qui se sont
instaurées dans le système du réseau linéaire, par exemple entre Oloron et Pau,
entre Dax et Bayonne, entre Libourne et Bordeaux, qui sont des liaisons
naturelles. Le CHU peut de la même façon demander des renseignements à
Périgueux, à Villeneuve-sur-Lot, etc. C’est un maillage complet, il n’y a
aucune hégémonie d’un établissement par rapport à un autre.
3 – La réalisation.
Il a été fait un appel d’offre régional
commun, qui a été lancé en juillet 94 et qui a été clos en septembre 1994. Il y
a eu seize réponses des industriels. Les premiers essais ont retenu six
sociétés. Les essais plus approfondis ont retenu deux sociétés, qui étaient TSI
et DDS, et le choix définitif s’est porté sur TSI car la station de travail
avait une meilleure ergonomie pour les gens peu formés à l’informatique ;
c’est enfin la compagnie qui a la plus grande expérience, la plus grande
diffusion sur le territoire français, ce qui résolvait beaucoup de problèmes de
compatibilité avec les réseaux extérieurs à celui de l’Aquitaine.
L’architecture matérielle retenue : un
micro-ordinateur PC, une connexion extérieure sur Numéris, un système
d’acquisition avec un numériseur de films, un scanner à papier pour pouvoir
envoyer des documents papier, tout ceci aux standards internationaux et un
téléphone pour pouvoir communiquer en même temps que l’analyse de l’image. Les
équipements complémentaires sont essentiellement un archivage sur disque
optique numérique et une connexion vidéo avec les reprographes laser sur film
des différents services, qui permettent d’imprimer l’information reçue si on
veut la conserver.
Le coût s’étage de 250 000 à 300 000 F. par
station de travail en fonction des options qui ont été prises. Nous avons eu
sur cet achat une subvention régionale de 20%. L’appel d’offre global nous a
permis un certain gain sur les prix et surtout, des gains sur la configuration
matérielle : on a pu avoir en particulier, au lieu de caméras pour
convertir le système analogique en système numérique, des scanners automatiques
de beaucoup plus grande qualité pour le même prix.
Je passerai très vite sur les
configurations logicielles, sur le dossier patient, sur les sessions qui sont
possibles de télétransmissions, de télédiscussions, de réponses, et sur les
règles de fonctionnement médical, parce que je les ai largement détaillées dans
le texte écrit et qu’il serait trop long de les exposer.
Pour terminer, il va falloir évaluer un tel
système. Nous avons répondu à un appel d’offre national du CNEH, avec un projet
d’évaluation basé sur la prise en charge des urgences traumatologiques et en
particulier, des traumatismes crâniens et rachidiens, sur l’aide à porter au
diagnostic radiologique et sur l’ergonomie et l’acceptabilité de l’outil. Nous
sommes dans l’attente de la réponse du CNEH, que nous espérons positive. Si
elle l’est, nous aurons un protocole d’évaluation prospective pour l’année
1996.
L’extension du réseau peut se faire sur des
sites compatibles hors région – en particulier les établissements privés
commencent à être demandeurs pour s’intégrer dans le réseau.
Sur l’extension des thèmes, la
neurochirurgie est apparue comme la discipline qui était la plus fréquemment
demandeuse de ce type de communications, et les prochaines stations de travail
seront affectées systématiquement aux services qui auront eu le plus de demande
de consultations initialement. En outre, on est en train de réfléchir à une
utilisation du réseau pour l’aide au diagnostic anténatal, c’est à dire avoir
des téléconférences hebdomadaires sur lesquelles les échographistes ou les
gynécologues obstétriciens pourraient s’appuyer sans avoir à se déplacer.
Enfin, on aura des connexions à des réseaux
internes des établissements, ce qui me paraît très important pour vos
réflexions : quand vous développez un réseau externe, il faut
parallèlement avoir une réflexion sur les réseaux internes pour que les deux
soient parfaitement compatibles.
Ce réseau va être utilisé pour une
connexion au réseau Internet, et par l’intermédiaire de l’abonnement Internet
du CHU, les hôpitaux généraux, par la station de travail, pourront avoir accès
au réseau Internet sans avoir à payer l’abonnement.
4 – Aspects pratiques.
Peut-être pourrais-je vous projeter
quelques diapositives pour vous montrer les aspects pratiques:
• La station de travail, où vous avez
le PC au milieu, le scanner pour transformer les films, c’est à dire passer
d’un signal analogique à un signal numérique, et le reprographe papier pour
transmission des documents sur papier.
• Le micro-ordinateur, le PC de base.
• Le dossier patient avec les demandes
d’examen, l’histoire de la maladie, et ici la question posée.
• Le scanner à film, transformation du
signal analogique en signal numérique.
• La commande pour imprimer le film
sur les lasers de services de radiologie si vous voulez conserver le document.
• Le reprographe papier. Quand on veut
renvoyer une information avec une référence bibliographique, on peut
photocopier l’article, le faire passer par Numéris et le correspondant le reçoit
à l’appui du conseil diagnostique ou du conseil thérapeutique.
À présent, deux exemples qui viennent de
l’hôpital de Pau:
Un petit enfant souffrait de l’hypocondre
droit.
• L’échographie de l’abdomen :
voyez une vésicule avec de multiples septa
qui avaient beaucoup intrigué les praticiens.
• Un agrandissement de l’image, dont
vous pouvez apprécier la résolution. C’est une simple vésicule cloisonnée
normale chez un enfant, et on a renvoyé notre avis diagnostique en s’appuyant
sur un avis bibliographique, avec un article.
• L’hôpital de Pau reçoit l’avis
diagnostique, et l’article sur lequel s’appuie cet avis diagnostique.
L’autre exemple : une jeune femme avec
une fracture pathologique de l’humérus, qui était un cas superbe
d’hyperparathyroïdie primitif secondaire à un cancer de la parathyroïde.
• Ils nous ont envoyé ces premiers
documents, et on leur a demandé un complément...
• Le complément de document. Tout cela
est mis sur un seul film.
• Le document original pour la jambe
avec deux tumeurs brunes, une sur l’extrémité supérieure, l’autre sur la
corticale.
• Le document vu sur la console de
télétransmission. Vous voyez, la qualité est bonne.
• Les mains. On ne voit pas très bien
à cause de la lumière. Je voulais vous montrer la résorption des houppes
phalangiennes qu’on voit très bien dans les deux cas. Donc une résolution
partielle qui est très correcte.
La plus grande difficulté de ce réseau est
de faire entrer les équipes dans la dynamique : elles ont l’outil, mais
elles n’arrivent pas à rentrer dedans. Il faut les pousser, ce qui demande
beaucoup de travail de conviction.
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CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES
DE RÉSEAUX
II —
Réseaux et centre anti-cancéreux.
Professeur
Jacques Rouessé,
directeur du centre René Huguenin.
Je remercie les organisateurs du Gerhnu et
en particulier, mon ami Philippe Renou qui m’a demandé de participer à cette
journée et de vous parler des centres de lutte contre le cancer dans les
réseaux de soins, mais après avoir entendu notre collègue Schmitt, je me
demande en fait s’il ne serait pas plus exact de parler de filières de soin que
de réseaux de soin.
1 – Multidisciplinarité.
Complémentarité.
Je rappelle que la multidisciplinarité est
l’élément de base de la cancérologie. Si la cancérologie existe (j’allais dire
je l’ai rencontrée et elle existe donc, car elle est quelquefois contestée),
elle repose en fait sur la notion de multidisciplinarité, puisqu’elle doit
faire intervenir plusieurs spécialistes autour de la maladie et du malade. Ce
n’est pas une spécialité verticale d’organe, ou transversale comme la
radiologie ou la chirurgie, mais c’est plus une spécialité comme la pédiatrie,
en diagonale, qui traverse plusieurs domaines de spécialisation.
Cette multidisciplinarité doit s’exercer au
chevet du malade pour la prise en charge thérapeutique et il est indispensable
qu’interviennent basiquement le chirurgien, l’oncologue médical et le
radiothérapeute.
Il est bien évident que l’intérêt des
centres de lutte contre le cancer est de réunir tous ces gens autour du malade
et il faut que ces spécialistes voient, sinon le malade, tout au moins son
dossier.
Dans les centres de lutte contre le cancer
sont rassemblées aussi, outre les thérapeutes, d’autres spécialités : anatomie,
pathologie, biologie, imagerie.
Les buts des centres de lutte contre le
cancer, tels qu’ils ont été définis par l’ordonnance de 1945, sont le
dépistage, l’examen, l’hospitalisation et le traitement des malades, la
surveillance prolongée des résultats thérapeutiques, l’établissement et la
tenue à jour des dossiers médicaux, l’organisation d’une action médico-sociale.
Tout cela date de 1945 et est un peu démodé et les recherches sur l’étiologie,
la prophylaxie et surtout la thérapeutique du cancer, avec l’élaboration de
protocoles thérapeutiques, font également partie de nos buts.
Il est bien évident que les centres de
lutte contre le cancer n’ont pas pour mission de traiter tous les cancéreux et
en pratique, ils n’en traitent environ que 20%. D’où la nécessité, dans la
cancérologie, de la recherche de complémentarité, d’où la nécessité absolue de
la création de filières de soin, afin qu’à chaque fois, autour du malade, on
retrouve cette complémentarité.
Pendant longtemps, cette complémentarité
n’était pas nécessaire : dans les cancers digestifs, par exemple, la place
de la radiothérapie pendant très longtemps était tout à fait discutable et la
place de sa chimiothérapie jusqu’à il y a dix ans pouvait être considérée comme
nulle. Il est bien évident que la place des centres de lutte contre le cancer,
dans ce type de pathologie, était tout naturellement modeste. En revanche, dans
des tumeurs ou des cancers, qui font intervenir d’emblée une
pluridisciplinarité – je pense par exemple au cancer du col de l’utérus où
la radiothérapie a tout de suite eu sa place –, cette nécessité de
complémentarité s’imposait. C’était, et c’est encore, très net aussi dans le
domaine du cancer du sein, où il y a forcément association
chirurgie-radiothérapie et depuis longtemps, des traitements médicaux. De même
pour les tumeurs ORL.
Cette complémentarité dépend en fait du
type du cancer , mais il faut dire que de plus en plus, du fait du progrès des
thérapeutiques – en particulier médicales –, cette complémentarité
devient une nécessité.
2 – Mission.
La mission des centres de lutte contre le cancer
est de se réserver, si j’ose dire, les malades dont les soins demandent la mise
en œuvre de techniques variées et complexes. C’est ce que disait notre collègue
hématologiste tout à l’heure. Dans d’autres disciplines aussi, telles la
cardiologie, les structures de soin plus lourdes doivent mettre en œuvre autour
du malade des techniques variées et complexes. La nécessité de suivi
post-thérapeutique est requise par la loi – élément indispensable –,
mais il y avait aussi la nécessité de mettre en place des protocoles
thérapeutiques. C’est une des missions des centres de lutte contre le cancer,
mais ils n’en ont pas l’apanage, loin de là, et on peut imaginer qu’ils
participent à des protocoles mis en place par d’autres structures, dans des CHU
ou des hôpitaux généraux. Ils ont, comme les CHU, une mission d’innovation en
terme de diagnostics et thérapeutiques, ce qui rejoint la nécessité des
protocoles thérapeutiques. Ils participent enfin à l’enseignement de la
cancérologie.
3 – Filières de
soins.
Ces centres ont été promoteurs de la
création de filières de soins par ces consultations dites avancées, qui ont eu
quelquefois des vertus allergisantes dans les villes où elles ont été
implantées, et dont l’activité d’ailleurs diminue, ce qui est une bonne chose.
C’est une bonne chose parce que cela veut dire que petit à petit les structures
de cancérologie se sont installé à travers tout le pays, en même temps que la
pluridisciplinarité.
Voici à présent la carte de France, avec
les différentes consultations avancées des vingt centres de lutte contre le
cancer et aussi, la représentation d’un CD-Rom sur lequel il y a des standards
options et recommandations de bonnes pratiques en cancérologie qui ont été mis
au point par les centres de lutte contre le cancer en collaboration avec des
collègues cancérologues des CHU. Cette image pour montrer les réseaux de soins,
certes, mais plus important, la mission d’établir ces standards options et
recommandations et de les diffuser, plutôt qu’envoyer quelqu’un dans une ville
sans centre de lutte contre le cancer ou sans CHU, dont la mission n’est pas du
tout d’être un rabatteur vers le centre de lutte contre le cancer, mais au
contraire, d’aider à cette pluridisciplinarité et d’apporter l’expérience, le
vécu et les protocoles de centre de lutte contre le cancer. Je pense que c’est
une évolution de ces filières de soins qui doivent être beaucoup plus paritaires
qu’hégémoniques.
4 – Conventions.
Actuellement, je pense que cette mission
est bien comprise par l’ensemble des centres, et qu’ils se doivent de
rechercher des conventions dans tous les domaines : utilisation de
plateaux techniques, diagnostics et thérapeutiques, en évitant les doublons
avec les voisins. La notion géographique est évidemment extrêmement importante :
éviter les doublons avec le CHRU, avec les hôpitaux généraux, avec les autres
structures PS/PH et voir aussi quelle
collaboration peut s’établir avec les établissements privés à but lucratif,
tout en sachant que ceci pose de difficiles problèmes.
À titre d’exemple, je vais vous montrer ce
que nous avons fait au centre René Huguenin, qui se trouve dans un de ces
maillages montrés par M. Schmitt. Ce n’est pas au nord de Paris, mais à
l’ouest, où il se trouve une concentration record de structures de cancérologie,
en particulier de radiothérapie – je crois qu’avec Nice, nous détenons
indiscutablement le record.
Nous avons des consultations avancées, qui
marchent de moins en moins bien. On en a même supprimé : nous en avions
une à Étampes, où un radiothérapeute, élève du centre, formé par le centre, a
fait disparaître la raison d’être de cette consultation avancée en prenant tout
en charge, et venait juste de temps en temps discuter de cas compliqués. Dans
un sens, c’est une perte pour notre établissement, mais c’est mission accomplie
dans la lutte contre le cancer : l’implantation de la cancérologie a été
réussie.
Nous avons des consultations dans des
hôpitaux publics, non universitaires, dont je vous ai mis la liste ici. À
Saint-Germain-en-Laye, nous en avons deux : une en cancérologie et l’autre
en cancéro-hématologie. À Nanterre, nous avons une consultation, mais c’est une
consultation de réciprocité – j’en parlerai tout à l’heure –, en ce
sens qu’un pneumologue de Nanterre vient chez nous donner des avis de pneumologie ;
nous annulons ainsi le coût de chacune des consultations. Nous avons aussi des
collaborations avec des PSPH et nous sommes en train d’envisager une convention
avec une clinique privée à Trappes, qui fait de la cancérologie ; ceci
nous pose quelques problèmes, mais la DRASS nous encourage vivement dans ce
sens malgré les difficultés que cela peut présenter. L’échange de bons procédés
serait, avec cette clinique (pour l’instant, à titre expérimental, nous avons
un radiothérapeute qui vient de chez eux, et donc nous avons les malades de
radiothérapie), qu’à titre de réciprocité, les gens qui habitent près de
Trappes puissent avoir leur chimiothérapie faite dans cet établissement.
Évidemment, cela pose des problèmes déontologiques : on ne peut pas forcer
les gens à aller dans un établissement privé à but lucratif. Ceci nous pose
quelques problèmes ; ce serait une convention tripartite avec la DRASS,
l’établissement privé à but lucratif et nous-même. Mais c’est un peu ce vers
quoi nous nous orientons.
5 – Collaborations.
Une collaboration en réseau est en train de
se mettre sur pied avec l’hôpital Foch, qui me paraît fort intéressante:
• D’une part, nous partageons depuis
longtemps une IRM avec l’hôpital Foch et l’hôpital de Saint-Cloud, basée à
Foch, où nos radiologistes vont faire leurs IRM, et nous avons un projet de
console qui enverra l’image de Foch à René Huguenin pour que les radiologues
puissent travailler ensuite sur l’image et les comptes-rendus sont
immédiatement intégrés dans notre dossier-patient du centre René Huguenin.
• D’autre part, en radiothérapie, une convention
s’est traduite par le transfert d’un appareil isolé de radiothérapie de Foch
vers le centre René Huguenin. Ceci a été fait à la demande de la tutelle et en
termes de coûts, c’est une bonne chose : l’équipe de radiophysiciens
derrière la radiothérapie est donc unique et nous n’avons pas augmenté les
effectifs de radiophysique pour prendre en charge cet appareil supplémentaire,
ce qui évidemment diminue les coûts à Foch et a entraîné le transfert de
l’enveloppe d’un établissement vers l’autre. Nous assurons gracieusement la
radiothérapie des malades hospitalisés à Foch (c’est une collaboration qui
marche extrêmement bien) et à l’inverse, nous avons demandé à l’équipe de Foch
d’assurer la pneumologie de notre établissement, en collaboration avec Nanterre,
mais c’est surtout l’équipe de Foch qui vient faire les endoscopies, et les
protocoles de cancers bronchiques mis en commun. Bien entendu, la
chimiothérapie est faite à Foch, mais pour une chimiothérapie lourde, les
autogreffes de moelle nécessaires – nous avons des chambres
stériles – seront faites à René Huguenin. Les équipes se rencontrent
régulièrement pour les protocoles et l’évaluation de ces protocoles. Ça vient
de démarrer, mais c’est quelque chose qui marche bien.
Petit à petit, notre but est de rechercher
ce type de complémentarité. Je pense que c’est essentiellement de la filière de
soins, mais qui se concrétisera par un réseau et des conventions.
Autre collaboration en cours, nous avons
avec l’AP un orthopédiste qui vient faire la consultation d’orthopédie lourde
une fois par semaine. Nous avons une collaboration très étroite avec l’hôpital
de Courbevoie, où la cancérologie est assurée par un de nos médecins, mais les
soins – sauf la radiothérapie – sont réalisés à Courbevoie. Même
chose pour l’hôpital du Vésinet. Je dois dire que la collaboration avec
l’hôpital de Saint-Cloud, notre voisin immédiat, au contraire de ce qu’on
pourrait attendre, est moins intense qu’avec des établissements plus éloignés,
mais ça reste quand même dans le domaine de l’humain.
Je vous remercie de
votre attention.
×
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CINQ EXPÉRIENCES
ACTUELLES DE RÉSEAUX
III — Réseaux obstétricaux hospitaliers.
Professeur
Émile Papiernik,
gynécologue des hôpitaux de Paris.
1 – Introduction Ce que je vais
vous présenter est le résultat d’une évaluation, faite à la demande d’une
autorité politique : le département de la Seine-Saint-Denis se demandait
pourquoi les taux de mortalité périnatale n’avaient pas baissé depuis les cinq
dernières années d’observation.
Question typique d’évaluation intéressante,
que d’ailleurs très peu de départements se sont posée depuis 1983 qu’ils sont
en charge de la sécurité à la naissance et que le bureau du ministère a
disparu.
2 – L'établissement du
réseau.
La réponse de ma part a été de dire :
on étudie chaque cas de mort et on fait une enquête méticuleuse sur les 1005
morts qu’on a observées pendant trois ans, plus des témoignages, à l’intérieur
d’une cohorte qui a inclus toutes les 67 819 naissances reconnues par le
certificat de santé du 8ème jour.
Cela a abouti à un réseau physique, qui est
en train de marcher : tous les deux mois, tous les praticiens privés et
publics du département se réunissent en un staff inter-maternités, ce qui
paraît invraisemblable, incroyable, mais qui marche effectivement grâce à
l’investissement que le département a fait pour payer un fœto-pathologiste.
Personne ne veut payer pour faire une autopsie d’un fœtus ; à l’hôpital
public, c’est fait dans le cadre habituel de l’ana-path, mais dans les autres,
il n’y a pas de moyen – la sécurité sociale ne peut pas payer. De plus, il
y a de très grandes difficultés de transport des corps.
Grâce à deux conventions, constitution d’un
réseau ; l’analyse méticuleuse a été faite, car le département paie un PH
à l’hôpital de Bondy pour faire la fœto-pathologie de l’ensemble du
département. Ce PH rend compte et ce compte-rendu se fait – le département
de la Seine-Saint-Denis étant tout petit, bien que plein de monde –
physiquement tous les deux mois. J’y suis comme observateur extérieur pour
faire tourner la machine et donner des avis qui permettent aux antagonismes
locaux de s’atténuer sous mon autorité bienveillante (je les mets d’accord,
parce que je n’ai pas de problèmes d’autorité dans le département, en
disant : « c’est plus comme ça, la science ... »).
À l’intérieur de ce système qui s’est posé
à partir d’une question d’évaluation de responsabilité politique d’un état de
santé, ce qui est très bien et qui a abouti à ce staff inter-maternités qui
marche effectivement, on a mis en évidence un problème d’organisation des soins
énorme et complètement méconnu par nous : y a-t-il un effet de la
structure sur la sécurité à la naissance ? Est-ce que toutes les
maternités se valent ? Est-ce que toutes les maternités se valent pour
prendre en charge toutes les naissances?
La réponse est non. Elle est claire et
nette.
Elle est connue dans la littérature depuis
trente ans, mais on ne s’en est pas servi.
Dans la littérature, il est dit que pour la
naissance d’un enfant de moins de trente-trois semaines – trente-deux
semaines, c’est sept mois – ou de moins de 1500 grammes, il vaudrait mieux
avoir sur place un pédiatre capable d’effectuer les gestes de réanimation et
capable de mettre en place immédiatement les outils de la réanimation
néonatale. Cela paraît simple. Cela a été proposé par le pédiatre qui, dans les
années soixante-dix, a organisé pour la première fois aux États-Unis le
transport de nouveau-nés – ce qui est devenu dans le monde entier des SMUR
pédiatriques. Lui a dit qu’il serait bien d’organiser le transport des
nouveau-nés, mais il a ajouté que ce serait idiot dans la même phrase. On a
oublié de la citer. Il a dit qu’il vaudrait mieux transporter la mère la veille
de l’accouchement, parce qu’on peut utiliser un taxi ou une ambulance
ordinaire ; or, les circonstances de transport d’un moutard de 1100
grammes en détresse vitale sont de l’idiotie absolument parfaite.
C’est pourtant la politique qu’on applique.
3 – Le niveau
d’activité des maternités.
L’organisation a permis, à l’époque, de
décrire trois niveaux de maternité en fonction de la structure. L’intérêt est
de ne pas donner de valeur aux personnes, mais aux structures :
• soit avec une réanimation néonatale
(niveau III)
• soit avec un service de pédiatrie
capable de soigner un moutard de 1200 grammes non en détresse vitale. C’est un
service de médecine néonatale (niveau II)
• soit ni l’un ni l’autre. Il peut y
avoir un pédiatre dans la maternité, mais s’il n’y a pas de service de
pédiatrie, c’est niveau I.
Dans un département comme la
Seine-Saint-Denis, vous voyez là le niveau d’activité des maternités classées
en nombre d’accouchements par an. Ce qui est frappant dans ce système de
Seine-Saint-Denis, c’est qu’il existe de très grosses maternités très mal
équipées. D’un point de vue épidémiologique, c’est un outil parfait – pour
le scientifique, pas pour le cynique – parce qu’il permet de distinguer
clairement deux notions habituellement confondues, qui sont l’activité et la
qualité des soins. Une maternité, qui n’est d’ailleurs pas la plus grande, a un
service de réanimation néonatale (niveau III) sur les vingt-trois
établissements, et tous ont participé à l’enquête méticuleuse.
Comment se répartissent les
naissances ? Sur 67 819 naissances, la plus grande proportion a lieu en
niveau I, très peu en niveau III (il n’y a qu’un seul service sur les
vingt-trois) et quelques naissances à domicile ou pendant le transport, de
l’ordre de 1 ou 2‰, comme d’habitude
en région parisienne.
4 – La question du
transfert.
L’ensemble de ces naissances de moins de trente-trois
semaines représente de l’ordre de 1% de l’ensemble des naissances. C’est
pourtant un point majeur, puisque ce 1% explique un peu plus de la moitié de la
mortalité néonatale et une partie non négligeable des handicaps qui sont liés
au moment de la naissance. Beaucoup de handicaps ne sont pas liés au mécanisme
de la naissance, qui sont les maladies génétiques, ou des choses que l’on ne
connaît pas et qui arrivent sur des enfants à terme. Par contre, un enfant de
1200 grammes qui saigne, qui fait par exemple une hémorragie
intra-ventriculaire, va être conduit à un handicap tout à fait sévère que, s’il
était né deux semaines plus tard, il n’aurait pas eu parce qu’il était normal
de constitution. C’est juste cette circonstance de la naissance, où il naît
trop tôt et pas pris en charge de sorte qu’on puisse éviter cette hémorragie
intra-ventriculaire, qui fait qu’il va être handicapé. Dans le registre des
handicaps évitables, c’est un point d’une extraordinaire acuité.
Certains pays ont décidé de faire naître
ces enfants où il le fallait.
Y arrivent-ils ? Oui. Le référentiel
de qualité standard est de 80% .
Nous, nous sommes à 13%.
Pourtant, tous ces enfants sont
singulièrement malades : ils sont tous transférés. On a fait une analyse
méticuleuse du transfert en fonction du lieu de leur naissance:
• Transfert interne quand il s’agit de
maternités de niveau II, car il y a des prises en charge, plus ou moins bonnes
d’ailleurs, et c’est l’un des points les plus dramatiques qu’on ait mis en
évidence : dans les maternités qui possède un service de néonatalité, ce
n’est pas forcément là qu’on était le mieux soigné, car:
• Dans les maternités de niveau I qui
n’ont pas de service de pédiatrie, on transfère tout de suite ; on appelle
le SMUR, et le SMUR vient.
• Dans la maternité de niveau III, ils
sont transférés immédiatement en réanimation ; il n’y a pas de problèmes.
• Dans les maternités de niveau II, on
s’aperçoit que le SMUR vient en retard. Il fait confiance aux gens du lieu,
puis on s’aperçoit qu’il faut faire un transfert secondaire. Ce n’est pas
forcément le meilleur sort offert à cet enfant.
5 – L'évaluation.
L’évaluation demande un travail méticuleux
pour savoir pourquoi cet enfant meurt ou ne meurt pas. C’est ce qu’on a fait.
Pour les enfants qui meurent après être nés
dans la période de prématurité – vingt-huit à trente-six semaines –,
on met en évidence des facteurs de risques qui sont classiques, en comparant
les cas et les témoins. C’est de l’épidémiologie descriptive standard qui met
en évidence que le fait pour la mère d’avoir de l’hypertension artérielle grave
ou que l’enfant soit hypotrophe sont des facteurs de risque tout à fait
considérables. Cela, on n’y peut rien, au sens où c’est de la pathologie ;
la maladie vasculaire chez la mère va empêcher l’enfant de pousser correctement
in utero. Nos capacités
d’intervention sont assez modestes.
Par contre, sur le lieu de la naissance,
ces interventions résultent d’une décision de nous-autres. Quand on prend
l’ensemble de la régression logistique, ça donne un tableau, illisible bien
sûr, mais où tous les facteurs de risque sont pris en compte pour pouvoir demander :
à l’intérieur de cette analyse, toutes choses égales par des méthodologies
statistiques adaptées, quel est l’effet de la structure ? Y a-t-il un
effet de l’activité ? Y a-t-il un effet de la structure de soins?
À regarder l’ensemble des naissances de
vingt-huit à trente-six semaines, c’est à dire la définition habituelle de la
prématurité, on constate effectivement un effet de la structure de soin, et non
pas du nombre d’accouchements.
Les petites maternités sont-elles bonnes,
ou certaines grandes sont-elles mauvaises ? Nous n’avons pas de réponses
là-dessus. Il n’y a pas de mise en évidence de risque de mort per partum ou néonatale en fonction de
la quantité d’accouchements qui se font par an.
Cela veut dire que la discussion sur la
taille des maternités est sans base, scientifique, disons.
Par contre, la qualité du soin offert a une
base scientifique, puisque sur l’ensemble des enfants qui naissent à terme
– trente-sept semaines ou plus –, il n’y a pas d’effet de la
structure de soins, ou un effet non significatif. Il y a 40% de différence,
mais ce n’est pas significatif sur cet objet-là : on n’a peut-être pas été
assez spécifique. Les publications internationales, dans les endroits où l’on
surveille très bien les grossesses et les accouchements, montrent 30 à 40% de
mortalité périnatale en moins, mais là on n’a pas pu le démontrer.
Par contre, quand un enfant naît avant
terme, le lieu de sa naissance a un effet de risque relatif de 5,7 : il
meurt 5 fois plus pendant l’accouchement ou en période néonatale s’il naît dans
un niveau I par rapport à un niveau III, et 4,7 fois plus s’il naît dans un
niveau II par rapport à un niveau III. Très peu de facteurs de risque ont cette
énorme puissance de 5 fois.
L’objet du consensus international
est : il serait mieux que les enfants naissent où il le faut quand il est
possible de prévoir que leur naissance sera avant trente-trois semaines ou à
moins de 1500 grammes. Quand on regarde l’analyse de facteurs de risque, c’est
absolument renversant : quand un enfant naît en niveau I par rapport à un
niveau III, le risque de mort per-partum ou néonatale est 11,8 fois plus. C’est
hautement significatif. Le niveau II par rapport au niveau III est 8,8 et c’est
significatif.
Est-ce une surprise ? Pas du tout.
C’était dans la littérature.
Voilà les chiffres en plus gros pour que
vous n’ayez pas l’impression que je vous raconte n’importe quoi:
On retrouve les facteurs de risque
traditionnels, l’hypotrophie en dessous du troisième percentile, le risque de
mort per-partum ou néonatale est 12 à 13 fois plus. Si la mère a une
hypertension avec protéinurie et qu’elle accouche entre vingt-huit et
trente-deux semaines, le risque de mort est 10 fois plus. D’accord. Cela, on le
sait, et c’est ce que nous devons gérer.
Par contre, dans les outils utilisables
pour la gestion, la décision du lieu de la naissance est accessible à notre
organisation. Si on naît à domicile ou dans l’ambulance, c’est 32 fois
plus ; on fait ce qu’on peut pour éviter ça. Pour la maternité non
associée à un service de médecine néonatale, ou la maternité associée à un
service de médecine néonatale sans réanimation, les facteurs de risques sont
augmentés de façon significative.
6 – Conclusion.
Je posais la question : est-ce une
surprise ? La réponse est non.
Beaucoup de pays du monde ont proposé
d’organiser un réseau régional pour qu’une filière de soins hiérarchisée soit
mise en place, la hiérarchie venant de la gravité du cas, ce qui n’est pas
accepté en France : chacun veut démontrer avec clarté qu’il est capable de
traiter les cas de toute gravité confondus. Ce qui est absolument faux.
Dans les pays modestes et attentifs, comme
la Hollande où ce réseau de soins s’est mis en place en 1976 – on a
honte –, on a démontré entre 1976 et 1982, sur l’ensemble des naissances,
que le fait que l’enfant naisse au bon endroit, avec les mêmes définitions,
réduit sa mortalité de 60%, et cela réduit aussi les détresses respiratoires
parce qu’on applique mieux les bonnes pratiques techniques avant la naissance.
Par exemple, les corticothérapies, pour faire maturer le poumon fœtal en
donnant des médicaments à la mère, sont très diversement appliquées selon les
maternités, alors qu’à l’évidence, elles diminuent de 20% à 30% le risque de
mortalité néonatale ; mais elles ne sont pas correctement appliquées. (Et
ça réduit les hémorragies intra-ventriculaires et les convulsions.)
Est-ce seulement vrai à l’étranger ?
En Allemagne, on a beaucoup fait ça, et on se rend compte que les enfants qui
sont in born – ceux qui naissent
au bon endroit –, par rapport aux out
born – ceux qu’on est obligé de transporter – ont un risque
d’hémorragie intra-ventriculaire de type III ou de type IV (c’est à dire grave,
entraînant hydrocéphalie, destruction du tissu cérébral, altération du
développement et handicaps possibles). D’énormes différences hautement
significatives : voyez là pour les enfants de moins de 1500 grammes.
Il y a un effet sur le long terme :
les gens qui ont analysé avec soin disent qu’il y a aussi une réduction des
handicaps mesurés à cinq ans à Denver Colorado du simple au double. En Italie,
on trouve une différence de 3% à 23% pour la région qui a organisé ce système.
En France, on a une évaluation disponible aussi, puisque dans la région
parisienne l’équipe d’épidémiologie de Gérard Bruhat et l’ensemble du groupe
d’études néonatales des médecins de médecine néonatale ont organisé une étude
de toutes les naissances de la même définition – avant trente-trois
semaines – avant 1985, et ont étudié leur mortalité immédiate et leur
devenir à deux ans : ils ont démontré également que le handicap à deux ans
avait un risque relatif de 7 quand l’enfant ne naissait pas au bon endroit par
rapport à naître n’importe où. Pour des raisons qui tiennent à la difficulté,
ce n’est pas publié.
C’en est au point que ça n’a pas été
publié, sauf dans un journal européen, en anglais, dans un petit résumé !
La thèse du garçon qui va le faire a lieu la semaine prochaine, et ça n’a pas
été publié. Bon.
La réponse est : il faut qu’on
arrive à un consensus de hiérarchisation des maternités, qui ne soit pas une
recherche d’égalité, mais un échange. C’est à dire que, à Port-Royal où j’ai
6 000 personnes qui viennent accoucher, je dois pouvoir dire : si
vous allez à Saint-Cloud voir mon ami Vigé avec qui je suis en réseau, vous
aurez la même sécurité et les mêmes protocoles. Lui va y gagner de m’envoyer
les cas qui l’ennuient, et moi je vais y gagner pour toutes les femmes qui
n’ont pas de risques plus élevés. On va s’arranger entre nous, c’est ce qu’on
est en train d’essayer de faire, avec l’extraordinaire difficulté de la région
parisienne.
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CINQ EXPÉRIENCES
ACTUELLES DE RÉSEAUX
IV — Filière en Val-de-Saône : maisons de retraite,
moyen et long séjour.
Lucien
Vicenzutti,
directeur du Centre Hospitalier d’Autun.
Je suis un peu ému de parler après des
expériences denses, très poussées et de vous faire part d’une expérience plus
rurale. Mais puisque qu’il n’y a de réseau que par rapport à une réflexion sur
l’aménagement du territoire, nous y avons été confrontés dans le Mâconnais et
étant au cœur du désert rural à l’hôpital d’Autun, je suis preneur de la
réflexion que vous faites, M. le professeur Papiernik, sur les maternités,
puisque la mienne est menacée, et j’ai la conviction qu’il y a des choses à
faire, surtout en réseau.
Je me permettrai de dépasser le simple
cadre du Mâconnais Val-de-Saône pour alimenter le débat et échanger avec vous.
Il est intitulé « Filière du
Val-de-Saône », alors que l’appellation officielle est devenue
« Réseau du Mâconnais Val-de-Saône ». Nous avons été confrontés,
lorsque nous avons initié la démarche dans le Mâconnais Val-de-Saône, à un
problème de sémantique : nous étions partis sur l’hypothèse de mettre en
place des filières, puis c’est devenu un réseau ; c’était
« Val-de-Saône », puis c’est devenu « Mâconnais
Val-de-Saône ». Tout cela pour dire que la notion de réseau s’appuie
d’abord sur des hommes.
1 – L'origine.
L’origine remonte à 1991, quand un
collègue, directeur de l’hôpital local « Le Pont Nouveau », a eu une
idée.
Plantons le décor. Je n’ai pas de carte,
mais je vais vous le décrire.
Le Mâconnais se situe le long de la Saône
– vous y passez tous quand vous allez dans le sud de la France – et
s’étire sur une région de quarante kilomètres le long de la Saône, soit vingt
kilomètres au nord de Mâcon et vingt kilomètres au sud.
L’idée était venue de constituer entre les
hôpitaux locaux et le centre hospitalier des filières de prise en charge. C’est
une zone de 200 000 h que la zone d’attraction du centre hospitalier, centre
hospitalier de référence avec un plateau technique puissant, qui a un SMUR, un
service d’urgence, qui a de la chirurgie, de la médecine active, et une nuée de
petits hôpitaux locaux autour, huit au total, répartis sur trois
départements : trois en Saône-et-Loire, trois dans le département de
l’Ain, qui se trouve région Rhône-Alpes à côté, et un dans le Rhône, l’hôpital
de Belleville.
L’idée est venue du directeur, notamment de
Pont-de-Vaux dans l’Ain. Il y avait une tradition de collaboration entre
directeurs, mais aussi entre médecins, équipes soignantes, le long du
Val-de-Saône. L’originalité, c’est que l’initiative est venue d’hôpitaux locaux
et non pas du centre hospitalier. C’est pour cela que les proximités, les
relations se faisaient le long du Val-de-Saône. Le centre hospitalier a pris le
train en marche et dès lors, cela a modifié le territoire parce que lui-même se
trouvait en relation avec d’autres hôpitaux, en Saône-et-Loire, notamment
Tramayes, notamment Cluny, qui avaient été exclus de la démarche au début.
C’est donc une aventure humaine qui s’est faite par association et qui a eu des
couacs ; je ne vais pas vous les cacher, ne valoriser que ce qui a
marché : il y a eu des échecs, des limites. En rebondissant sur ces
limites, on peut voir aujourd’hui ce que l’on peut faire.
2 – La création de
filières.
Au début, le postulat était de créer des
filières. Notre collègue Chirrat, décédé depuis, avait le souci de réhabiliter
les hôpitaux locaux, petits hôpitaux en perte de vitesse dans des bourgades de
500 à 1 000 h, avec un service de médecine en état de survie, dont le
devenir était menacé.
Une aide a été apportée par la Caisse
d’Assurance Maladie de Rhône-Alpes pour faire une étude. Cette étude a été
animée par un bureau de conseil, plus consultants (je retrouve dans
l’assistance un de ses animateurs, M. Crémadez). On a procédé, à travers des
techniques de segmentation et d’analyse de la valeur, à l’état de l’existant.
On s’est rendu compte qu’il y avait entre l’état des besoins et l’offre un
décalage considérable.
Les hôpitaux locaux avaient une vision de
leurs soins très technicienne : ils avaient l’aspiration de faire des
soins de médecine technique, alors que la réalité était peuplée de besoins de
prise en charge d’une population âgée, souffrant de dépendances, avec notamment
une montée importante de la dépendance psychique – la maladie d’Alzheimer
en se développant, la démence –, avec aussi un sédiment de population
psychiatrique chronique stabilisée.
Cela n’était pas vécu comme gratifiant pour
ces équipes, d’où une tendance à adresser systématiquement les cas plus lourds
de prise en charge de personnes âgées au centre hospitalier, qui avait un
service d’urgence et un département de médecine interne actif. La conséquence
était un engorgement des lits de médecine du centre hospitalier.
Le constat était donc une inadéquation dans
les deux sens de l’offre de soins à la demande.
On se rendait compte, au centre hospitalier,
que très souvent l’hospitalisation d’une personne âgée avait un motif médical
qui était circonscrit, analysé et traité généralement au bout de deux ou trois
jours, mais qu’il restait une quantité d’autres problèmes qui n’étaient pas
identifiés. Des problèmes sociaux, psychologiques, familiaux montraient qu’en
amont, un certain nombre d’étapes n’avaient pas pu être franchies et mettaient
le centre hospitalier dans la situation de trouver des issues pour ces
personnes âgées qui arrivaient dans les services de médecine, dont le retour à
domicile n’était pas toujours possible, et qu’il fallait nécessairement placer
dans les services de moyens ou de longs séjours, ce qui bloquait complètement
notre système.
D’où le constat suivant : on ne savait
pas anticiper le devenir de la personne âgée, et on subissait la situation plus
qu’on ne la maîtrisait. On demandait au patient de s’adapter à un système
plutôt qu’au système de s’adapter au patient.
3 – Les solutions.
Les solutions ont eu beaucoup de mal à
émerger.
Tout d’abord, cette initiative étant venue
de directeurs, il a fallu fédérer un centre hospitalier et les cinq hôpitaux
initiateurs, puis intégrer les petits canards qu’on avait oubliés : dès
lors que le centre hospitalier est arrivé dans le réseau, il a fallu prendre
les hôpitaux qui s’y trouvaient à l’est. Il y a eu donc un énorme travail de
compréhension, et on a eu beaucoup de difficultés à rapidement identifier la
solution – et je me retrouvais volontiers dans les définitions du Dr
Schmitt sur la filière comme entité fonctionnelle et le réseau comme entité
matérielle.
On a voulu, en essayant de définir tout de
suite des filières, franchir une étape alors que le préalable n’était pas
défini, c’est à dire identifier le réseau.
Je me souviens toujours de ce que disait le
Dr Gallois, qui était à l’époque chef de service et qui a été le fondateur du
département de médecine interne, contestant un peu cette initiative venant de
la direction : « mais le réseau existe ; il y a des relations
tous les jours, entre médecins dans l’hôpital local, donc médecins traitants et
du centre hospitalier, entre des équipes de soin. » Il avait raison :
plutôt que partir d’initiatives qui auraient consisté à donner un schéma, une
procédure, à imposer une méthode, il a fallu décortiquer ce réseau et essayer
de le révéler. Il existe un réseau naturel et informel, un réseau hospitalier,
un réseau extra-hospitalier.
Notre travail a été de mettre à plat cette
offre de soins qui existe afin de permettre à tous les acteurs d’identifier qui
faisait quoi dans cette zone d’attraction:
• Bien préciser le rôle des hôpitaux
locaux – celui du centre hospitalier était connu – pour les ramener à
leur mission de proximité.
• Fallait-il que le service de
médecine de l’hôpital local soit le service auquel on s’adresse tout de suite,
ou était-ce une structure de suite ? Un problème de définition.
• Identifier les solutions
alternatives aux placements systématiques en long séjour que l’on ne pouvait
pas satisfaire. On s’est rendu compte qu’il fallait associer tous les services
de soins à domicile de catégories multiples, soit hospitaliers, soit
associatifs, soit relevant de groupements d’intérêt économique notamment animés
par des infirmières libérales.
Nous n’avons pas fait de miracles, mais
nous avons essayé d’être pragmatiques et d’aborder la chose avec des solutions
simples, puisque plus on avançait, plus on décortiquait ce réseau, plus on s’y
perdait. À un moment donné, il fallait simplifier les choses si l’on voulait
que la démarche ne reste pas sans suite.
Nous avons fait quelques actions en
commun ; je prends volontiers acte de la modestie de ces actions, mais
elles sont un premier pas.
• Nous avons d’abord
fait une plaquette d’information, que j’ai amenée avec moi et que je peux
mettre à votre disposition, qui décrit l’offre de soins secteur par secteur,
aussi bien au niveau de la prestation hospitalière que de la prestation de
maintien à domicile, parlant aussi bien des soins, de l’aide ménagère, des
portages de repas, de la télé-alarme, etc. Cela permet à tout acteur, qu’il
soit médecin traitant, qu’il soit hospitalier, surveillante à la recherche
d’une place, qu’il soit CCAS ou qu’il soit hôpital local, de voir qui fait quoi
dans son environnement. Cela lui permettra de se mettre en relation pour
trouver une réponse adaptée à la question qu’on lui pose lorsque se présente
une demande de prise en charge d’une personne âgée.
• Deuxièmement, il
était important de densifier le réseau en établissant des relations entre les
hommes. Des surveillants de centre hospitalier de Mâcon n’avaient jamais vu de
personnel d’un service de soins à domicile, n’avaient jamais vu les équipes des
hôpitaux locaux que très souvent ils avaient au téléphone.
Nous avons donc organisé des actions de
formation en commun, pour acquérir une culture commune, notamment sur le
traitement de la démence sénile, pour faire en sorte que les équipes des
hôpitaux locaux ne voient pas les soins à la personne démente comme étant
dégradants ou non conformes à l’idée qu’elles se faisaient de l’éthique de leur
métier, mais que ce soit au contraire un territoire à conquérir. On a
complètement valorisé ce soin, vécu au début comme étant à faire faire par
d’autres. On en a donné une nouvelle perspective, et la maîtrise que les
équipes ont pu avoir en commun sur le traitement de la démence sénile a permis
de créer une culture, de créer des liens : à partir d’un plan de formation
en commun de plusieurs équipes dans ce domaine-là, cela a été l’occasion de
tisser des liens. En tissant des liens, on tisse du réseau. En tissant du
réseau, on permet à des gens de se connaître, d’être plus efficace et de se
comprendre.
• Nous avons fait
également une formation sur des soins de base qu’il serait utile d’avoir dans
les hôpitaux locaux. Par exemple le traitement des soins aux trachéotomisés,
après la phase aiguë, bien entendu : il y a des malades trachéotomisés qui
sont suivis en hôpital local, et c’est très souvent un soin rebutant, vécu
comme difficile, où l’on craint de prendre des risques. Les chirurgiens ORL du
centre hospitalier de Mâcon ont prodigué une formation un après-midi à des
infirmières des hôpitaux locaux pour dédramatiser ce soin, pour expliquer les
méthodes de base à maîtriser pour faire ces soins sans difficulté, et la
procédure à tenir en cas de complication : le CH est derrière qui
intervient en cas de problèmes.
Cela a évité de paniquer les équipes et
permis de consolider la capacité et l’aptitude des hôpitaux locaux de traiter
des soins de base.
• Nous avons
également mis en place une fiche unique d’admission des patients.
La fiche unique a pour but de permettre de matérialiser
sur un support, sur un document, la demande de prise en charge d’un hôpital
local vers le centre hospitalier, mais aussi du centre hospitalier vers un long
séjour d’un hôpital local, ou d’un service de soins à domicile vers le centre
hospitalier. Il était donc important de définir les mêmes critères pour
qualifier les états des patients.
Tout d’abord d’où vient le patient ?
Vient-il d’un centre hospitalier, d’un lieu de vie, d’un foyer, ou vient-il de
son domicile ? Il était important d’avoir une idée précise de son habitat,
de sa situation sociale, de son état d’isolement ou pas, qui est certainement
un facteur profond de demande d’admission ou d’hospitalisation. Dans quel état
est-il ? Donc des éléments d’information sur la pathologie et le niveau de
dépendance. Quel est son besoin de soins et où va-t-il, quelle est sa
perspective ? Est-ce quelqu’un qui a seulement besoin d’un soin technique
et qui retournera à domicile ? Peut-il retourner à domicile ? Même
s’il a cette possibilité sur le plan biologique, qu’en est-il sur le plan
social ? Quel est son devenir?
Ce n’est donc pas regarder la situation à
un instant T, mais avoir une vision dynamique de la prise en charge du patient.
4 – Partenariat.
Je remets en perspective les objectifs de
ce réseau de soins pour mieux les citer à partir de cet exemple : c’est à
travers la constitution d’un GIP élaborer un cadre de partenariat pour
coordonner la prise en charge des personnes âgées. Les objectifs que nous nous
sommes donnés étaient donc:
• Favoriser l’adéquation de l’offre à
la demande.
• Essayer de mettre en place des
filières à partir d’un système d’informations commun.
• Développer si nécessaire dans le
domaine sanitaire et social des actions de santé et exercer en commun des
actions de formation gérant ensemble des équipements.
• Proposer le cadre juridique à toute
coopération.
Nous avons donc fixé le cadre juridique à
travers un groupement d’intérêt public, mais on s’aperçoit qu’entre les
intentions et la réalité surgissent certaines difficultés.
Notre but a été de mieux structurer la
réponse.
Par exemple quand on s’adresse à moi, si je
ne sais pas faire, je vais regarder dans le réseau qui peut mieux répondre à la
demande qui m’est faite. Si manifestement je ne peux pas régler un problème de
retour à domicile, je sais qu’il existe un service de soins à domicile, un
système de portage géré par le CCS de telle commune qui va essayer d’apporter
la réponse que je ne peux pas donner.
L’objectif était de coordonner chaque
membre du réseau et de faire en sorte que par la solidarité on puisse
transmettre le relais.
5 – Conclusion.
Une des ambitions qui n’a pas abouti est
l’installation d’un système d’information en commun qui, je pense, devra voir
le jour avec la mise en place de RSS par patient et d’analyse de flux : il
y avait beaucoup de difficultés à coordonner et structurer toutes ces
informations. Cela nécessite des moyens que nous n’avions pas.
Globalement, cela a permis à tous ceux de
ce secteur-là à mieux se connaître et de nouer des liens qu’ils avaient parfois
– ou parfois ne soupçonnaient pas –, mais il y a des limites :
gérer un réseau, c’est d’abord gérer la complexité d’une multitude d’acteurs,
de structures, dont il faut faire en permanence la synthèse. Par ailleurs, un
réseau, c’est fragile. C’est très fragile. Il suffit qu’un ou deux éléments
actifs partent pour que tout soit remis en cause.
Il faut compter sur les réseaux naturels,
les liens qui existent. Quand on dit : « on va créer une
filière », « on crée un réseau », il faut être très
prudent ; il faut d’abord s’appuyer sur ce qui existe, à cause du risque
d’effrayer ceux qui pourraient être les promoteurs. Je me souviens des conflits
que j’avais à l’époque : tous ceux qui philosophiquement étaient d’accord
avec l’idée, parce qu’elle n’émanait pas forcément d’eux, vivaient ça comme une
concurrence, une perte de pouvoir. Donc il faut être très prudent. Il vaut
mieux valoriser ces réseaux ; les décortiquer, mais les valoriser. Faire
se rencontrer des professionnels, c’est la clé du succès. Dans notre cas, et je
prends ma part de responsabilité, ç’a été une démarche un peu trop
administrative.
Donc : on se connaît, on se comprend
et on traite mieux les problèmes.
Il faut impliquer les praticiens
hospitaliers, c’est fondamental dans une démarche qui n’est pas a priori dans
le champ naturel de l’hospitalisation. Quand on est médecin hospitalier, on a
une approche de service de prise en charge à un moment donné, et ce n’est pas
facile de s’extérioriser pour aller voir en amont et en aval la médecine de
ville et les hôpitaux locaux. Il me paraît important d’avoir là-dessus un débat
de fond et d’arriver à des actions.
Il faut en plus obtenir la confiance des
médecins traitants. Sans les médecins traitants, on ne peut pas densifier un
réseau qui vise à permettre le retour à domicile parce qu’on ne multipliera pas
indéfiniment les structures.
Les perspectives passent par la mise en
place de structures nouvelles. À l’hôpital de Mâcon, je ne sais pas ce qui va
se faire. Mais en tout cas j’y réfléchis à Autun, fort de cette expérience,
pour mettre en place des réponses telles qu’une unité de gériatrie ou un
hôpital de jour de gériatrie, qui pourraient faire des bilans, qui pourraient
permettre la synthèse, obtenir une vision globale du patient et aider son
médecin traitant, à l’hôpital local ou à domicile, à identifier sa situation et
envisager des solutions, à éviter les phénomènes de rupture et à organiser la
réponse adaptée. C’est à la fois concilier la sécurité et la proximité.
*
C’est
une expérience humaine, avec ses hauts et ses bas. Pour ma part, je reste
militant du réseau, et j’ai d’autres enjeux à Autun, ce qui m’aide à me
battre : quand je vois de jeunes médecins qui s’installent et qui ont
envie de faire du réseau, alors je leur dis « OK, on fait équipe et on va
se battre ensemble ».
× précédent suivant Ø Ù sommaire Ù
CINQ EXPÉRIENCES ACTUELLES
DE RÉSEAUX
V — Réseau
privé-CHU-CHG dans une spécialité médico-technique.
Professeur
Pierre Dusserre,
anatomo-pathologiste à Dijon.
Je suis honoré d’être parmi vous
aujourd’hui, car je suis un petit pathologiste de campagne parmi les directeurs
d’hôpitaux et mes collègues.
L’anatomie cyto-pathologique est souvent
mal connue – j’étais hier à Annecy où nous n’apparaissions que dans un
petit coin – et pourtant nous signons les diagnostics et vous avez besoin
de nous.
Je salue bien sûr le Président, toute
l’équipe et mes collègues, mais j’ai un mot spécial pour mon ami Toulouse
puisque nous avons travaillé ce dossier il y a fort longtemps et il va le
redécouvrir, ainsi que tous les Bourguignons et le directeur d’Autun.
1 – Télé-pathologie.
Rappelons simplement qu’en 1975, le petit
groupe bourguignon auquel je participais s’est battu pour informatiser
l’anatomie cyto-pathologique. C’est le point de départ d’une histoire vieille
de 20 ans, que certains ont parfaitement connue.
• 1989 : première station de
télé-pathologie.
• 1993 : création de Résintél.
Important : ce n’est pas « on va faire », cela fonctionne en
routine, et a été adopté et validé par la Harvard Medical School. Il a fallu
que l’on revalide avec les américains, alors que nous l’avions validé tous
ensemble avec les pathologistes de langue française.
• À présent 1995 : implantation
internationale.
Ce n’est ni privé, ni CHU, ni hospitalier,
c’est un réseau que l’on plante où l’on veut dans le monde, et je vais vous le
démontrer.
2 – Enjeux et
applications.
Tout d’abord, un peu d’histoire. Le rapport
de Thierry Breton. Je ne sais pas si vous le connaissez. J’ai présenté ce
dossier au sénat il y a une dizaine de jours et j’étais à côté de lui. C’est important
pour savoir où l’on met les pieds. Regardez l’augmentation de tout ce qu’on va
appeler la télé-médecine, les télé-services, etc. En quatre ans, l’augmentation
fait 1,2 pour les télé-services, 1,3 pour l’enseignement, et 1,5 pour la
télé-médecine. C’est la révolution, et vous allez la vivre, nous allons la
vivre ; c’est l’an 2000 et quand on voit les lois actuelles, on comprend.
Vous avez à préciser un certain domaine d’application. Vous voyez,
télé-diagnostic, télé-intervention, robotique, télé-éducation, gestion, vous
les lisez. Ce qui m’intéresse, c’est le télé-diagnostic, la télé-imagerie, qui
va induire l’enseignement, la formation continue, la formation réelle, ce qui
est évident par l’image. L’image, le texte, la voix.
Les spécialités concernées sont les
spécialités de l’image. Radiologie, bien sûr et aussi l’IRM et la RMN parce que
je suis étonné qu’en France actuellement et dans le monde entier, l’imagerie
médicale, c’est la radio. Et ce n’est pas la radio standard ; c’est l’IRM
ou la RMN. Il y a quatre milliards d’individus – on travaille sur ce
dossier international – qui n’ont pas d’IRM ni de RMN, au mieux la radio
standard quand ils l’ont.
Dermatologie, c’est la télé-macroscopie.
Cardiologie, c’est très spécial. Les urgences, la gynéco, etc. , nos amis les
ont présentées, c’est autre chose, c’est de la médecine vraie. (Vrai, ce n’est
pas le terme, mais vous me comprendrez).
3 – Prestation.
La prestation est de la télé-lecture à
distance. Je ne reviens pas sur les définitions, cela a été parfaitement fait,
de la télé-expertise et les banques d’images, les banques de données.
Quelques précisions. La télé-lecture se
présente en deux cas :
• Soit c’est un opérateur non médical,
en radio et en ana-path, qui peut prendre les images et qui va transmettre des
données image, texte et voix, toujours sous contrôle médical, à un médecin
situé à 8 000 km ou à un hôpital voisin pour faire un diagnostic.
• La télé-expertise, ce sont
obligatoirement des médecins, pathologistes, hématologistes, on pourrait dire
télé-microscopie, parasitologues, qui ont besoin en temps réel ou en temps
différé d’avoir un point. C’est donc un dialogue. Je ne parlerai pas de la
rupture de l’isolement par la télé-médecine, puisqu’au bout de trente-neuf ans
de médecine au service des médecins et des chirurgiens dans ma région, un
certain nombre ne se sont jamais vus en dehors d’un congrès où l’on se touche
la main. Le dialogue, ça devient important.
Le savoir médical, ce sont les banques
d’images. Quand je pense qu’actuellement, on enseigne l’anatomie pathologique,
etc., avec des « gnagnagnas », avec des images en noir et blanc.
Comment voulez-vous qu’on vous réponde une image standard – j’ai appris ça
avec Cabanne pendant dix ans – et une fois que vous avez vu dix fois un
verre de Bourgogne, vous dites que ce n’est pas un verre d’Alsace. C’est une
image. Autrefois c’était sur papier, maintenant c’est le multimédia, c’est
aussi évident.
Je reviens à Résintél, réseau international
de télé-médecine.
4 – Objectif.
Échanger des images médicales à partir du
microscope, avec des textes, avec la voix, avec des acteurs médicaux, expertise
ou aide à traiter les diagnostics à distance. Nous sommes dans un réseau
international où il n’y a pas de pathologiste, ou seulement un ou deux. Je vous
donne des chiffres intéressants : il faut savoir qu’au Maroc, il y a 60
pathologistes de BAC+4 en anatomie pathologique à BAC+39 comme moi, 60 pour 30
millions d’habitants. En Afrique du Sud – j’y pars lundi –, il y a 40
millions d’habitants et 120 pathologistes. J’oublie le reste. C’est ça le fond
du problème, et vous allez voir l’intérêt que ça présente la localisation,
délocalisation, l’organisation du territoire, et en France on peut l’organiser.
Il y a un ou des systèmes qui communiquent, qui sont interconnectables. Vous
avez un demandeur, un lecteur, un expert.
Un petit aspect de comment ça se
passe : vous avez, par exemple en France, un médecin demandeur qui a des
problèmes. Il veut avoir un conseil. Il faut savoir qu’en anatomie pathologique,
on n’a rien inventé. Dans mon centre de pathologie, on envoie nos lames à tout
le monde. Quinze jours après, on vous dit : « il a ceci ». De
mon temps, le malade ne nous connaissait pas ; maintenant, on nous
connaît, et s’il faut quinze jours pour qu’on vous réponde quand vous avez une
boule, vous perdez quelques kilos, je vous le dis tout de suite. Donc on répond
en quarante-huit heures, où que ce soit, quelle que soit la difficulté ;
c’est ça l’intérêt : rapidité. Ça va revenir dans le coût de la santé,
c’est évident. Alors un aller : connexion en temps réel ou en temps
différé ; le temps différé est extrêmement intéressant parce qu’il n’y a
pas d’urgence à une heure près, avec stockage des images, et le temps différé
entre dans le problème international, mais même problème entre les hôpitaux.
La boîte aux lettres est très importante.
C’est une capacité énorme dans un petit ensemble, puisque maintenant on peut
vous dire que dans une boule cristal on met des milliards et des milliards
d’informations, dans quelque temps. Tout ceci va être l’évaluation de la
qualité, de la traduction, la gestion du réseau. C’est le centre de noyau
Résintél ; et un noyau Résintél, c’est un noyau de gestion, c’est un go between (je ne parle pas anglais,
mais j’ai découvert ça en allant me frotter aux anglo-saxons), c’est un
intermédiaire qui peut être neutre ou ne pas l’être, qui peut gérer ou ne pas
gérer : c’est la liberté et l’ouverture totale.
5 – Expertise.
Que fait l’expert ? Il reprend les
données qu’on lui a envoyées. Il peut manipuler les images avec le système
« Radius » qui a été évalué par les radiologues, surtout pour les seins,
où l’on voit les micro-calcifications qu’on ne voyait pas autrefois, manipuler
donc et faire du zoom sur l’image, etc. pour faire son diagnostic, et surtout
il code (je n’ai pas entendu le problème du codage) avec des textes, et il
donne son avis par la voix, ce qui ne sera pas reproduit sur le compte-rendu.
J’ai signalé que sur 100 cas, 90% ne posent
pas de problèmes pour les pathologistes de métier, 10% où l’on a besoin d’une
aide, un peu intellectuelle, où il faut être deux ou trois pathologistes quand
la personne est connue – on connaît tous ça – ; il y a 2% où
l’on est embêté parce qu’on n’est pas spécialiste d’organes, et là ça devient
important.
Le consultant va renvoyer tout ceci avec
une édition rapport écrit, ce qui est important pour nous, et ses commentaires.
On voit arriver l’enseignement : on dit « attention ! c’est
ceci, c’est un carcinome embryonnaire, il faudra peut-être faire cela, faites
attention, envoyez Untel, il y a un centre spécialisé ... » Tout ce que vous
avez dit en gynéco, c’est extrêmement important pour nous.
On a le compte-rendu qui sort à distance,
étudié et validé par plusieurs avec les images (radio, hémato, parasito). Vous
mettez les images sur le compte-rendu. Par exemple ici, c’est un Séminome, mon
ami Lederlin pourra le vérifier, il n’a pas besoin de redemander l’alarme. Le
voilà, le micro-dossier médical en cancérologie dans la carte à puce. Il y a 10
mots clefs, ce n’est pas la peine de se balader comme on a connu dans nos
centres au tout début où l’on avait une pile de documents, que personne ne
regardait, d’ailleurs – je parle dans le stockage.
6 – Texte et image.
Une image, un diagnostic et surtout un
texte.
Là, on dictait le texte. Quand vous avez
vingt ou trente cas à dicter, si vous faites « gnagnagna » toutes les
cinq minutes, ce n’est pas possible de sortir en vingt-quatre ou quarante-huit
heures. Ce qu’on appelle Résindiag, qui est connu à Autun – on travaille
avec le groupe d’Autun depuis longtemps –, ce sont ces fameux centres de
statistiques anatomo-pathologiques, qui existent : nous avons en stock par
an dans tout le mouvement 400 000 cas codés (combien y a-t-il de malades qui
ont ça, ça ou ça), mais jamais on ne nous a demandé de les sortir. J’ai dit aux
professions à la santé publique : « maintenant, vous rentrez dedans,
on vous les donne. Ça ne coûte pas cher, vous les avez, il faut simplement
regarder ».
Une image, un diagnostic, un code (par
exemple 29-17) qui est transcodé dans tous les codes – je vais y
revenir – avec un texte pré-programmé : on ne décrit pas toute la vie
les mêmes choses ; notre métier, ce sont des images. J’en ai vu 6 à 700
000, et quand je revois le carcinome malpigien qu’il faut que je redicte, c’est
normal, c’est la même chose, sachant qu’il y a vingt ans les chirurgiens que je
voyais vous jetaient les pinces en disant à la surveillante, « drainage,
trois sutures ». Je disais : « dites 01, et puis c’est
tout ; vous gagnerez du temps ». Et après il n’y a pas d’erreurs de
code ; parce que le code, c’est le médecin qui l’établit, ce n’est pas la
sous-secrétaire qui recode. Je le vis avec ma femme avec le PMSI, il faut que
ce soit correct.
Le texte est remaniable, automatique, avec
les compléments, traitements de texte, etc. C’est un gain extraordinaire du
pathologiste. Quand je pense qu’on fait quatorze ans d’études et qu’on continue
à travailler comme il y a cinquante ans... Le secrétariat médical, c’est le
coût!
Ce qui est intéressant, c’est qu’une image
est une image. Le radiologue, le parasitologue, le bactériologue, il faudra un
jour un tronc commun de codes. Chacun code dans son coin. Cela me paraît
tellement évident.
Nous avons pris un code de travail qui a un
corps commun. Il y a le fameux code des pathologistes français qui s’appelle le
code Adicap, et on s’est aperçu quand on a fait le code Adicap que la langue
française ne représente que 3% ou 4% du globe. Dès qu’on a mis notre pied au
Canada ou ailleurs, on nous a dit Snomed. On a transcodé.
Adicap, Snomed, et autres codes ;
votre code personnel est aussi valable. Quand vous dites 29-17, cela peut être
1-22 chez X, Y, cela n’a aucune importance, c’est transcodé.
Le code est fait par le médecin, ce qui
gagne du temps. Et ceci dans toutes les langues. Dans la commission européenne
où je vais être obligé de représenter la France – je dis obligé parce que
les dossiers sont phénoménaux – dans le projet Europath, on m’a donné de
l’argent pour réaliser l’unité. Voyez, je suis aujourd’hui là, j’étais hier à
Annecy ; si on tire tous ensemble, je suis d’accord avec notre ami
d’Autun, on est le plus beau pays et le mieux organisé en réseaux.
Voilà ce qu’on sort : vous avez un
code français, le code Cabanne ; j’ai donné là le code 32-58, qui se
traduit immédiatement en Snomed, et en code Adicap. Quand la secrétaire va
taper T-24-120-plop-pop, vous voyez le nombre d’erreurs ? Il faut 15
secondes en moyenne pour taper le Snomed parce qu’elle se trompe. Nous, on dit
32-58 et ça donne un texte qui est en anglais, toujours la même chose.
Vous voyez qu’il y a un patrimoine
intellectuel extraordinaire, et comme on voit sous le microscope beaucoup de
maladies, celles qui coûtent en particulier, on pourrait faire verticalement
des codes avec des arborisations.
7 – Réseau.
Regardez bien. On a mis Dijon au centre du
réseau. Mais Dijon, vous pouvez le transposer n’importe où ; c’est une
expérience vécue, validée, qui existe, et la société Résintél est une société à
capitaux à risques, sans quoi nous ne pouvions pas le faire, sans quoi on
commençait à réfléchir, on le faisait dans quatre ans, et dans dix ans les
Japonais, les Américains l’auraient fait.
Il y a donc un site actuellement à Dijon,
qui fut le modèle pris par le groupe américano-hollando-etc., il y a un site à Boston, et le danger
(déjà, cela a commencé il y a un mois), c’est qu’on va prendre tout notre
travail, toute la bible, tout notre transcodage, et ça va aller dans le monde
entier, et on ne parlera plus jamais de la France, ni des consultants français.
On est au Cap : il y a soixante sites possiblement
comme disent les Canadiens dans deux ans ; ils en prennent trois au
départ. Vous pouvez ajouter d’autres pays, peu importe.
Traitement local, traitement régional, etc.
On revit nos régions : pas besoin d’aller au Cap, parce qu’ils vont en
prendre. Un Résintél, vous en mettez, par exemple au Maroc, quatre sites
réunis, et on branche toute la médecine. C’est une image, l’image est
importante.
8 – Effets induits.
Les effets induits : formation
continue, multidisciplinarité. Le système qui rentre dans les prix que vous
donnez fait toutes les images, les connexions avec la radio, avec l’hémato,
avec la parasito, toute la télé-dermatologie. Au Cap, on nous demande de la
dermatologie : vous voyez des gamins bourrés de boutons, et il n’y a pas
de dermatologue ; on envoie la photo, on le met sur disque, et c’est
traité, on convoque le gamin... C’est formidable ! On en est là actuellement...
Et les études épidémiologiques :
combien y a-t-il de cancers – je l’ai toujours présenté comme ça – à
Dijon entre la rue Berbizet (c’est une de mes rues où j’avais autrefois
l’entrée du labo) et la rue Sainte-Anne ? Quand j’ai commencé à l’époque,
et vous vous en souvenez, on disait « beaucoup » ; j’ai toujours
vu la France dire « j’ai beaucoup travaillé, j’ai beaucoup de ça, j’ai
beaucoup de ceci » ; mais enfin « beaucoup », ça en devient
ridicule.
Je vous présente le dossier médical. Ça
fait vingt ans qu’on m’en parle. Il faut un dossier médical simple, et au moins
dans les maladies organiques graves, ce qui intéresse tout le monde car ce sont
celles qui coûtent... Si tout le monde code avec un transcodage, c’est à dire
avec un tronc commun de codes, qui sera sûrement le code Adicap au départ,
parce que déjà les radiologues commencent à transférer, et on a déjà travaillé
sur ce dossier avec la derma, cela donne un code pluridisciplinaire appliqué à
chaque spécificité de la discipline, et vous faites un mini-dossier médical que
vous mettez sur une carte à puce ! J’ai été un an sur la carte à puce, ce
qui m’a demandé de faire des conférences et des voyages, pour en arriver aux
questions : qu’est-ce qu’on va mettre ? Qui va le mettre ? On en
est encore là.
9 – Politiques de
santé.
Dans les pays en voie de développement et
dans nos régions, qu’est-ce que ça apporte?
Dans les pays émergents, c’est
formidable : vous arrivez clé en main, Français, avec la culture
française, des systèmes compatibles ouverts à tout le monde et surtout le
diagnostic primaire au meilleur coût. (Internet, c’est un tuyau. Étant partenaire
depuis 1990 de France Télécom, on nous vend des tuyaux, mais qu’y a-t-il avant
et après ? On ne parle jamais du malade. On vend des tuyaux, et celui-là
va très vite. On ne parle jamais du début d’un tuyau.) Je peux vous dire que
c’est étudié par les Japonais et les Américains, mais ils n’ont pas le système,
ils n’ont pas le codage, on a quatre ans d’avance.
Dans les pays développés, c’est la baisse
des coûts par la rapidité, le travail en groupe – j’appelle ça des
micro-centres anti-cancéreux avec un réseau – et on arrive à la
télé-conférence.
Pour le prescripteur, c’est le
désenclavement : on n’est plus seul. Il y a plusieurs pathologistes,
plusieurs spécialistes qui sont autour et qui travaillent sur le patient.
*
Voilà ce que je propose dans nos régions,
au directeur Benoît Leclerc du CHU et aux petits hôpitaux. Je m’adresse à notre
ami d’Autun, c’est tout simple, vous faites un réseau. Réseau, pour moi, c’est
la technique, et la filière, c’est l’intellect. Vous vous réunissez entre
régions ; il n’y a plus de petits ou de grands hôpitaux, il y a des hommes
qui savent. Mon patron est tout seul dans sa cuisine, il m’aide beaucoup, il ne
coûte rien. Il y a le problème de l’évaluation des honoraires. On a tout
envisagé, et ça, vous l’avez clé en main dans un an s’il y a une volonté
politique, mais pas seulement si Jean-François Girard est là, c’est surtout si
vous le voulez, tous.
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LA PHILOSOPHIE DES
RÉSEAUX
Réconcilier
aménagement du territoire et maîtrise des coûts de santé.
Docteur Étienne
Dusehu.
DIM du Centre Hospitalier de Compiègne.
Professeur Michel
Crémadez,
professeur de management au groupe HEC.
Étienne
Dusehu.
1 –1 Introduction
Cette présentation procède d’une réflexion
commune entre Michel Crémadez et moi, à la suite d’un débat que nous avions eu
et de constats communs sur la gestion un peu contradictoire de l’aménagement du
territoire, qui était à l’époque – il y a trois ans – d’actualité, et
la maîtrise des coûts de santé, qui ne nous semblaient pas aussi antinomiques que
cela nous était alors présenté. Nous avons donc essayé au travers de ces
documents, qu’on vous présente et qui procèdent d’un article que nous avions
écrit dans « Gestion Hospitalière », de faire des constats.
Tout d’abord, ne pas contribuer à la désertification
rurale. Pourquoi ? Parce que l’adaptation des structures de soins est
toujours pensée en contradiction, ou relativement peu associée, à l’aménagement
du territoire, et que cette contradiction est finalement génératrice d’un
certain nombre de dysfonctionnements que nous avons essayés de présenter d’une
autre manière, c’est à dire à travers la génération complexe d’effets pervers.
On dit qu’il faut concentrer l’offre de
soins, à la fois pour atteindre une taille critique, pour avoir un niveau d’efficience,
et pour que finalement les flux soient relativement homogènes, alors que c’est
le contraire : la concentration des soins est à notre sens un facteur
d’opacité, dans la mesure où dès lors qu’on mélange des demandes qui n’ont rien
de commun, il est évident qu’on favorise d’abord des réponses homogènes
inadaptées à la diversité des structures, et surtout des réponses inadaptées
aux demandes. On génère donc l’insatisfaction aussi bien du côté des
professionnels que du côté des usagers.
On fige également la structure médicale
dans des modes de fonctionnement qui sont à présent contestés.
Enfin on place les acteurs de santé face à
l’irresponsabilité, puisqu’on les oblige à concilier l’inconciliable, c’est à
dire qu’on leur fait porter le poids de ce que finalement ils ne peuvent gérer,
de ce de quoi ils n’ont pas la maîtrise.
1 – 2 La décentralisation.
Quelles solutions ? Peut-être
d’abandonner les solutions qu’on a appelées faussement radicales, parce que ce
sont celles qu’on nous présente toujours comme étant la panacée, qui consistent
à admettre de façon simpliste des réponses à des problèmes qui n’en sont pas.
Les choix qu’on nous propose sont toujours très spectaculaires, mais ne sont
que des réponses à court terme à des problèmes beaucoup plus complexes. Ce sont
des décisions simples en apparence, mais qui ont un fort contenu symbolique
très souvent et induisent aussi et surtout des effets pervers, dans la mesure
où ils sont totalement imprévus, en décalage par rapport aux solutions
présentées : c’est à dire que ceux qui ont pris les décisions n’assument
pas les conséquences de ces décisions. Ce sont en plus des solutions qui, pour
être radicales et séduisantes, mettent les individus en rupture de
communication, que ce soient les professionnels avec le public, ou les
professionnels avec les pouvoirs publics.
La solution nous est apparue se situer dans
le réseau, dans la mesure où l’approche du réseau est à la fois pragmatique et
intégratrice.
La santé, c’est un système complexe de
relations multiformes qu’on ne peut mettre en phase qu’à partir du moment où
l’on règle le problème des interfaces, et c’est dans ce sens là que les
solutions nous semblent les plus réalistes. La structuration en réseau, telle
qu’elle fonctionne, ne s’est pas imposée, parce qu’elle n’a aucune vertu
médiatique : on ne parle pas des choses qui ne font pas de bruit, on ne
parle pas des choses spectaculaires, on ne parle pas des situations qui
résolvent au quotidien des problèmes d’ordre personnel. L’accélération des
changements culturels qu’on observe aujourd’hui rend au contraire de plus en
plus impérative la nécessité de gérer ces situations en évitant les freins que
l’on rencontre.
Deux postulats obsolètes, l’un
technologique et l’autre culturel:
• Le postulat technologique, c’est de
dire que la sophistication de l’offre de soins et le recours à des plateaux
techniques lourds obligent à une concentration hospitalière, ce qui est
contributif de la désertification dont on parlait.
• Le postulat culturel, c’est
accroître la spécialisation des praticiens. C’est admettre là un phénomène
inéluctable qui va dans le sens de l’histoire, et qu’étant issus d’un mode de
reproduction habituel du milieu hospitalier, nous n’avons aucun pouvoir dessus.
*
Michel
Crémadez.
2 – 1 Introduction
Je pense que les exemples que nous avons
vus ce matin confirment assez largement cela et notamment, le raccourci que
l’on fait entre la nécessité d’avoir des économies d’échelle et des tailles
critiques et le fait de concentrer les établissements, ce qui apparaît dans une
logique qui est une logique complètement faussée.
Au contraire, comme vous l’avez prouvé, à
quoi servent des maternités de niveaux III si elles ne traitent pas ce pour
quoi elles sont prévues et sont, par contre, encombrées de que ce peuvent faire
des maternités de niveau I ? C’est absurde ! C’est la même chose pour
votre CHU à Bordeaux et de la répartition entre les différents sites.
Nous sommes, à l’heure actuelle, à une
époque où les relations et les moyens d’entrer en relation explosent. La
culture médicale est complètement interpellée par cette question, car on peut
constater quand on est extérieur à cette culture médicale qu’un des gros
problèmes, permanent, qui existe et contre lequel la notion de réseau va devoir
lutter, c’est l’incommunication ; c’est le fait qu’on ne se parle
pas ; c’est le fait qu’appartenir à une même culture dispense de
relations. Alors qu’on est dans un univers qui, au fur et à mesure, rend les
choses beaucoup plus compliquées et la communication nécessaire, à cause de la
spécialisation : le savoir s’accroît. Un individu, même appartenant à la
même culture, ne peut pas maîtriser l’ensemble de ce savoir. Par conséquent, on
est entré dans une phase où, pour prendre en charge quelqu’un, il faut plusieurs
individus, il faut être multi ou pluridisciplinaire, donc pouvoir se rencontrer
et avoir des structures qui le permettent.
Parler de filière, ça veut dire que quelque
chose qui pouvait être fait en un lieu, par un individu, à une époque de
sophistication faible, ne peut plus être fait que par différents individus,
placés dans différentes structures, dans une époque de complexité beaucoup plus
importante. D’autant que vous accroissez quotidiennement cette complexité à
travers les recherches et les découvertes qui sont faites. Il est intéressant
de voir que l’on a encore dans le fond de votre milieu des discussions qui se
résument assez bien par ce terme.
Pourtant, la médecine interne et la
médecine générale, les seules disciplines à occuper ce terrain, sont conduites
à accepter un statut de super-spécialité, ou de sous-spécialité.
On est complètement à côté de la
plaque ! Ce n’est pas le problème. C’est pourtant encore comme ça qu’on le
pose.
2 – 2 La hiérarchie.
Vous avez beaucoup évoqué la notion de
hiérarchie. Vous êtes dans un milieu qui produit des hiérarchisations de valeur
– toute culture produit une hiérarchisation – qui sont relativement
simples, voire simplistes, voire très handicapantes. Par conséquent, une des
évolutions importantes est de prendre conscience que l’on est rentré dans un
monde dans lequel on ne peut plus avoir de hiérarchie simple. C’est un monde
essentiellement paradoxal où il faut à la fois faire une chose et son contraire
et rendre cela compatible. Il est ridicule d’opposer ambulatoire et
hospitalier, par exemple, dans la mesure où l’on a toujours posé la
question : « quel est le moins cher ? »
Il n’y a pas de réponse à cette question
là. D’ailleurs, vous l’avez évoqué dans votre approche des coûts et de
l’évaluation : comment peut-on dire que ça coûte moins cher si l’on n’est
pas capable de savoir ce que ça rapporte?
Or, une bonne partie des évaluations est
faussée, parce qu’on prend en compte des coûts immédiats et visibles, en
oubliant les coûts cachés. On ne raisonne pas en termes d’utilité, mais en
comparaison avec une pratique qui ne produit pas les mêmes effets. Il est temps
de renouveler complètement cela et d’arrêter d’opposer une lecture comptable et
une lecture scientifique des choses : il est évident que les deux sont
intimement liées et que, si l’on est incapable de les concilier à un moment
donné, on est incapable de créer quoi que ce soit.
Or, on est encore assez largement dans une
disposition d’esprit où l’on oppose l’une à l’autre, où l’on oppose par exemple
qualité et coût en disant : « la qualité coûte toujours plus
cher ». Faux ! La non-qualité coûte très cher, M. Papiernik l’a
parfaitement prouvé : ça coûte très cher de mettre en place des SAMU
pédiatriques quand on pourrait faire en sorte que les femmes accouchent au bon
endroit. C’est avant tout un problème de tri et pas du tout un problème de
moyens à mettre en face de choses qui ont été mal conçues.
2 – 3 La gestion des ressources.
Il faut créer les conditions d’une gestion meilleure
des ressources rares.
Je crois qu’on est confronté là, certains
de mes prédécesseurs l’ont dit, à des problèmes humains, notamment au fait que
vous êtes dans un milieu plus que stable : on pose un médecin dans une
faculté et on le retrouve cinquante ans plus tard en général au même endroit.
C’est fantastique ! C’est assez étonnant. Il n’y a pas d’autre milieu qui
ait cette caractéristique.
Par conséquent, comment faire, si les gens
ne bougent pas, pour qu’ils puissent parler ? On se heurte immédiatement
à : « on n’a pas le temps ».
Vous avez dit : « on ne le fait
que tous les deux mois par manque de temps, parce qu’on ne nous a pas payé les
frais de déplacement ».
Ce sont des choses d’un ridicule achevé, et
pourtant c’est là-dessus qu’on achoppe.
Cette faible mobilité professionnelle est
un facteur de handicap important.
Mais on a tendance aussi à dire :
« Les médecins sont des irresponsables. Ce sont des enfants, ils ne
raisonnent pas économiquement et il faudrait les rendre un peu plus
adultes ».
C’est complètement débile, là aussi, comme
mode de raisonnement. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que,
disposant de moyens modernes qui permettent de se rencontrer, cette rencontre
puisse se produire et que l’on mette l’accent, non pas sur ce que quelqu’un
sait faire dans son coin, mais sur ce qu’il peut faire et obtenir comme
résultats avec les autres ; c’est paradoxalement à cette seule condition
qu’il éprouvera effectivement des satisfactions professionnelles.
On est au contraire dans des schémas qui
font que l’on dit : « la satisfaction professionnelle, c’est d’avoir
en autarcie plus de moyens, qu’on ne pourra pas mettre en œuvre pour tout un
tas de raisons ». Là, tous les facteurs que j’évoquais vont se coaliser
contre cela.
Il nous paraît essentiel de donner de la
flexibilité, de rouvrir les frontières entre les établissements, de promouvoir
des collaborations entre les établissements et les acteurs et cela, avec un
triple objectif : remplir le besoin des usagers, les attentes des professionnels
et les contraintes économiques, sachant qu’ils sont parfaitement compatibles.
L’un ne s’oppose pas aux autres. Ce n’est pas parce que vous allez prendre soin
collectivement des usagers que, pour autant, vous allez moins bien travailler
et être moins satisfaits de votre travail, au contraire : vous le serez
plus.
Beaucoup de vos collègues continuent à
penser que ce n’est pas comme ça que vont se résoudre les problèmes, mais qu’il
faudrait qu’on leur donne, à eux, tous les moyens qui seraient disponibles par
la réunion de plusieurs individus.
2 – 4 Le réseau.
Le réseau est pour nous la clé de voûte
d’une telle évolution, pour une raison très simple : on est confronté à
une dynamique et à des processus ; et non pas à une statique. Or, traiter
et vouloir tout faire en un lieu, c’est avoir une vision statique des choses.
On est donc confronté à la maîtrise d’une dynamique et d’un processus et de
quelque chose dans un univers particulièrement complexe et particulièrement
flou : on ne sait pas très bien comment les choses peuvent évoluer et la
mise en commun du savoir que vous développez est particulièrement difficile. Si
on veut bien l’explorer, il faut savoir qu’on travaille dans une logique floue
et une logique complexe.
Le réseau a des avantages : il ne
catalogue pas, il ne catégorise pas. L’exemple du chef de clinique éjecté de la
matrice car il ne sera jamais agrégé est typique. C’est une double perte. C’est
une perte pour le CHU qui perd un chercheur potentiel, pour des raisons qui
peuvent être d’ordre strictement économique et c’est une perte pour l’individu
qui perd la raison première de sa motivation. Soit il accepte de perdre cette
motivation, soit il va essayer de se constituer quelque chose ailleurs qui lui
permette de la maintenir, à part qu’il n’y arrivera pas de la même manière,
puisqu’il a besoin des autres pour le faire.
Ça nous permet d’avoir une beaucoup plus grande
flexibilité, parce que je peux appartenir au centre hospitalier d’Autun et au
CHU de Dijon. Je peux appartenir à plusieurs équipes différentes. Je peux
organiser mon temps différemment. Il est préférable d’avoir un praticien, à
Autun, qui surtout ne perde pas de temps à faire des choses qu’il ne ferait pas
bien et qui utilise ce temps pour aller à Dijon, d’autant que les équipes de
Dijon crient toutes qu’elles ont besoin de monde.
On peut, grâce au réseau, avoir une vision
multiple des choses, être multi-appartenant et organiser son temps suivant des
rythmes et des motivations différents. Cela permet de décloisonner les univers
professionnels, de décloisonner les ressources : vous savez que plus on
éparpille les ressources, moins elles sont productives. Par contre, quand on
arrive à les concentrer, on obtient des résultats que l’on n’obtiendrait pas
autrement. Les urgences, par exemple, en sont très symptomatiques : quand
vous avez une concentration, dans un hôpital, d’urgences de toutes natures et
que vous avez une structure qui a été formée pour 3% de ces urgences qui y
répond, il est évident que la qualité du service n’est pas bonne, que les coûts
ne sont pas bons, et que tout va à l’avenant.
On est face à des problèmes de tris, de
processus. Il faut raisonner de cette manière-là et on ne peut le faire que
collectivement.
2 – 5 La santé publique.
C’est à partir de là que le concept de
santé publique peut être renforcé, parce que c’est le réseau qui lui donne une
matérialisation. C’est parce qu’on couvre l’ensemble d’un territoire en le
maillant qu’on traite un problème de santé publique, en étant un individu parmi
les autres à l’intérieur de ce territoire.
C’est clair et je crois que l’intervention
du Pr Papiernik l’a bien montré : si on n’a pas d’évaluation et si on n’a
pas d’éléments qui permettent de fonder les raisonnements sur un certain nombre
de faits, alors on est dans l’obscurantisme. On oppose des appréhensions qui
n’ont pas été vérifiées, sur lesquelles on n’a pas communiqué et sur lesquelles
il est très facile de se maintenir et de continuer à créer de la distance,
quand il faudrait au contraire avoir de la communication.
L’évaluation est la base de la rénovation
de votre déontologie, car votre déontologie a besoin d’évoluer : elle a
été générée dans une période qui n’a plus grand chose à voir avec le monde que
l’on vit, et il faut, sur ce plan-là, la faire évoluer. Il faut la faire
évoluer avec l’idée que plus on est différents et divers et plus on sait
s’associer, plus on est puissant. Or, on passe sur des postulats qui sont
exactement à l’inverse, encore, dans la culture professionnelle.
L’avantage aussi du réseau, et là je
reviendrai sur les définitions qui ont été données au départ sur réseaux et
filières et notamment sur la notion de hiérarchisation et celle de territoire,
l’avantage du réseau, donc – et je crois que vous l’avez montré à
Autun –, c’est que ça bouge. On n’est pas forcé de se cantonner à un
territoire – et vous l’avez montré aussi, puisque vous êtes passé sur le
Poitou alors que vous étiez dans la région de Bordeaux.
Par conséquent, cette structure en soi a un
avantage par rapport à toutes les structures que nous connaissons, c’est sa
capacité d’adaptation dynamique, que les autres n’ont pas. Dire que le réseau
ne repose que sur des individus me paraît être simplement le constat du poids
qu’ont encore les comportements individuels dans un monde qui n’a pas fait
cette évolution. Si nous faisons cette évolution, alors le réseau ne sera pas
aussi fragile, aussi dépendant des individus. Ce que vous avez fait sur
Résintél, avec tout ce travail qui est une rupture importante par rapport au
fond de votre culture, avec ce travail de formalisation, de protocolisation, de
codification, de transcodification, de tout ce que voulez, c’est constituer une
masse d’éléments qui forme un ciment extrêmement important. À partir de ce
moment, les individus peuvent partir, cela reste. On peut les changer. Ils
peuvent avoir une plus grande flexibilité.
Vous avez à l’heure actuelle un gros
travail à effectuer, à la fois sur le plan psychologique et sur le plan technique,
qui est d’accepter de dire et d’écrire ce que vous faites pour pouvoir en
discuter, sans pour autant considérer – c’est le vieux rêve des
gestionnaires – que ça va être une espèce de carcan et que vous allez
tomber dans ce que vous disiez, M. Schmitt, au début, dans le filet, au sens du
piège. C’est la grande crainte de chacun d’entre vous : être tout d’un
coup enserré dans quelque chose qui va le paralyser, qui va l’empêcher
d’évoluer, d’adapter sa pratique.
2 – 6 Conclusion.
Je terminerai par : le réseau,
fantasme ou réalité?
On peut encore se poser la question. C’est vrai,
vous avez montré aussi que c’est une notion qui vous est familière : vous
ne pouvez pas vivre sans contact avec les autres. Je dirai que ça vous apparaît
plus comme une contrainte que comme un moyen d’action. Par conséquent, des jeux
se font sans une stratégie explicite, sans un objet – en dehors de la
confraternité – clairement défini, qui permettent de faire vivre les
processus et les réseaux ; vous êtes englués dans un contexte qui est
concurrentiel et qui peut produire un certain nombre d’effets pervers.
Il ne s’agit pas, quand on parle de
réseaux, de simplement considérer les réseaux confraternels. Ils sont très
utiles, comme vous le disiez, parce qu’ils forment une base sur laquelle on
peut construire et qu’il serait idiot de l’oublier, voire de la nier, parce
qu’alors on les aurait contre. Mais il faut aller très au-delà de cette
notion : il faut que ces réseaux s’institutionnalisent plus à travers des
règles de fonctionnement, à travers des investissements en commun, qui vont
donner une pesanteur et une structuration, sachant qu’il faut une certaine
pesanteur pour que les choses existent et évoluent. Bien sûr, pas trop, si on
veut éviter la fossilisation.
Cette notion de réseaux, on l’évoquait
quand j’ai commencé à travailler dans votre milieu, il y a une quinzaine
d’années ; et quand on en parlait, on se faisait incendier d’une manière
fantastique. Vous avez dû l’expérimenter, ceux qui étaient précurseurs, c’était
incroyable!
Il
y a eu en une douzaine d’années une évolution considérable : je pense
qu’il y a dix ans, ce que vous disiez là tous auparavant n’aurait pas pu être
entendu, alors qu’à présent, cela peut l’être.
Il n’en reste pas moins qu’au niveau de
ceux qui ont la possibilité d’influer sur le cadre de notre travail,
l’évolution reste encore assez nettement à faire. Si on veut que cette
évolution se fasse, il ne faut pas leur laisser le droit de réglementer, sous
prétexte d’économie, notre univers. Ce qui implique qu’il faut avoir une vision
économique de la manière dont on va le gérer, et non pas estimer que c’est à
d’autres de le faire.
Je vois là une responsabilité très
importante de la part du corps médical tout entier.
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DISCUSSION GÉNÉRALE
AVEC LA SALLE.
1 – François Diard, Bordeaux.
Je m’excuse de prendre le premier la
parole. Je voudrais dire à M. Crémadez qu’à travers mon expérience, je suis
mille fois d’accord avec tout ce qu’il a dit, et je le remercie pour la forme
avec laquelle il le dit.
Je voudrais en préambule dire que j’ai entendu
le mot « hiérarchie ». Vous l’avez beaucoup employé, M. Papiernik,
mais peut-être pas dans le même esprit que ce que je vais dire.
Je crois qu’il ne faut plus employer ce mot
si on veut avancer : la hiérarchie, pour nous, est assimilée aux universitaires
par rapport aux non-universitaires, à l’hôpital CHU par rapport à l’hôpital
général, à l’hôpital général par rapport à l’hôpital local, c’est un mot
symbole qui concrétise des différences et qu’il faut éliminer. Je pense donc
que pour avancer, il faut parler de niveaux ; d’ailleurs, vous aviez émis
cette idée de niveaux.
Les niveaux, comment les définir ? Des
niveaux de compétence ? Je rejetterais également cela. Je crois que ce
sont des niveaux de moyens, qui sont liés à la masse critique des établissements
et au plateau technique. Quand on part de cette notion d’une gamme
d’établissements avec des niveaux de moyens différents, on est à la base du
travail. On a discuté de la neurochirurgie ; il y a un petit service de
neurochirurgie à Bayonne de vingt lits, et cent lits de neurochirurgie avec un
plateau technique très lourd à Bordeaux. Il a été décidé que Bayonne allait
préciser son niveau d’intervention, son niveau de compétence, en fonction de
ses moyens. Pour les autres patients qui seraient adressés au CHU, les
praticiens de Bayonne viendraient par roulement dans le CHU participer à
l’intervention avec les moyens du plateau technique et quelquefois, réaliser
cette intervention eux-mêmes dans le cadre du service. Je crois que là, on a
fait un pas en avant.
C’est pourquoi je voulais nuancer ce mot de
hiérarchie. Je demande pardon à M. Papiernik : ce n’est pas du tout une
agression ; c’est simplement une information, parce que quand on a la
responsabilité de la mise en place de ces réseaux, c’est un mot qu’il faut
éviter. J’ai essayé de ne pas le prononcer.
2 – Jean Arnautou, Gerhnu.
Je voudrais dire un mot gentil pour l’Administration
Hospitalière, ce qui est rare, ceux qui me connaissent me l’accorderont.
C’est au journal « Gestion
Hospitalière » que nous devons d’avoir pu lire le très remarquable papier de
Michel Crémadez et Étienne Dusehu. C’est donc à un journal de Directeurs que
nous devons d’avoir été enrichis par cette réflexion. Je regrette que les
journaux médicaux soient encore, pour ce que j’en connais, assez loin de
prendre ce genre de papier et de le diffuser. Au Gerhnu où on accueille bien
volontiers l’Administration Hospitalière, dans ce qu’elle a de meilleur quand
même, il n’est pas mauvais de souligner cette nécessité des relations
horizontales, transversales, quand bien même elles sont parfois difficiles.
Deuxième remarque, pas sur le fond ;
c’est pour aller à l’appui des propos de Michel Crémadez, sur la double perte
que représente l’éjection du CHU d’un chef de clinique. J’ai été ces deux
dernières journées enfermé dans un conclave de jury de praticiens hospitaliers
pour le concours national, je vous jure que je ne caricature pas : j’ai vu
entrer un garçon, chef de clinique de néphrologie d’une des meilleures boîtes
parisiennes, s’asseoir tremblant devant l’aréopage que nous constituions avec
mes trois acolytes et nous dire, après avoir décrit un cursus parfait et avant
de nous dire qu’il allait intégrer une boutique de la couronne parisienne,
autrement dit à un jet de pierre – sauf les jours de grèves
générales – de l’alma mater, nous dire la corde au cou et repentant que
bien entendu, il abandonnait toute idée de recherche, alors que ce mec n’avait
fait que ça en dehors des soins aux malades pendant quatre ans. Heureusement,
l’universitaire avec qui je faisais le team
a été le premier à lui dire:
« Je vous en supplie, repartez vite
dans votre nouvelle affectation en disant : quoiqu’il arrive, je ferais de
la recherche ».
Moi, je me suis noblement contenté de lui
dire:
« Je vous donne mission de faire de la
recherche, sans quoi je vous colle ! »
C’est exactement ce que vous avez
dénoncé : cet homme avait perdu ses propres motivations dès lors qu’il
sortait du CHU. Je vous donne acte d’avoir vu la chose à la perfection.
3 – Émile Papiernik, Paris.
C’est toujours difficile de se faire
entendre. Je voudrais dire à M. Diard qu’il peut être rassuré : je n’ai
pas prononcé le mot de « hiérarchie ». J’ai vraiment dit : « niveau
de moyens ». « Hiérarchisation de problèmes » : analyse de
la gravité, analyse de ce que les réanimateurs ont fait depuis vingt ou trente
ans, analyse de la gravité des problèmes ; ce qui permet de discuter de
choses complètement différentes et pour chacun des praticiens de gérer au
meilleur de ce qu’il sait faire à l’intérieur d’un projet collectif clairement
formulé. Là encore, chacun peut avoir, dans tel hôpital régional ou dans telle
clinique privée, la récompense professionnelle de l’impression de participer à
un enjeu collectif parfaitement bien décrit et parfaitement organisé. Dans ce
qui se passe en Seine-Saint-Denis, la participation collective à l’analyse des
dossiers et à l’analyse de tous les cas de difficultés, de pertes d’enfants, dans
le département, qui continuent en ce moment, montre des valeurs qui n’étaient
pas celles de la hiérarchie acceptée.
4 – Philippe Oberlin,
Villeneuve-Saint-Georges.
Je voudrais réagir à ce qu’a dit M.
Crémadez et lui poser une question.
Vous dites que le réseau est pour les
médecins une contrainte. Je suis désolé : je pense être un praticien
hospitalier de base, mais je n’ai pas tout à fait l’impression de travailler
sous contrainte. En revanche, il m’est impossible de faire correctement mon
métier si je ne vis pas dans un réseau, qui est totalement informel. Cela fait
cinq ans que je suis à Villeneuve-Saint-Georges, je l’ai construit petit à
petit, je travaille toujours avec les mêmes personnes, qu’elles soient
libérales ou hospitalières, médecins ou non-médecins. En particulier, par
exemple dans le cas très précis des moyens séjours et des longs séjours, il
s’est construit spontanément une association avec un service voisin et nous
fonctionnons vraiment en réseau : je lui rends des services et elle me
rend des services.
La question que je voulais vous poser,
c’est la formalisation d’un réseau. Le passage d’un réseau informel à un réseau
formel est facilement perverti par sa consolidation et l’évolution vers la mort
de ce réseau, qui devient une espèce de carcan conventionnel. Je pense qu’à ce
moment-là, on perd ce côté réseau de résistance. Le mot est le même :
quand on travaille en réseau, on a parfois vraiment l’impression de faire de la
résistance. Quand le réseau est reconnu, structuré, etc. , on a l’impression
d’être prisonnier – un peu comme un résistant. Comment faire pour que cela
ne se passe pas comme ça?
5 – Étienne Weill, Paris.
L’histoire est assez comique, parce que si
l’on regarde la dernière loi hospitalière, il n’y a plus qu’une seule catégorie
d’hôpitaux, c’est à dire des centres hospitaliers, dont certains peuvent être
CHU ; alors que par le passé, il y avait les hôpitaux locaux, les hôpitaux
généraux, les centres hospitaliers, les CHR dont certains étaient CHU. Cela
prouvait bien qu’on estimait qu’il y avait des niveaux différents. Si j’ai bien
compris M. Papiernik, si on veut construire des réseaux, il est évident qu’on
ne fait pas partout la même chose et qu’il faut différents niveaux.
La difficulté à l’heure actuelle est essentiellement
psychologique, car notre formation médicale est telle que tout le monde se
croit propriétaire de son territoire. Quand on veut aller travailler ailleurs,
on a l’impression que quelqu’un vient chez vous qui porte atteinte à ce
territoire. Je ne vois pas très bien comment on va mettre fin à ces barrières
psychologiques, car les difficultés de restructuration sont là : quand un
chirurgien de tel hôpital serait tout prêt à aller travailler dans un hôpital à
vingt kilomètres, plus important, pour faire une complémentarité ou un réseau,
il rencontre soit l’hostilité du maire, ou du conseil d’administration, ou de
la CME, ou de tout le monde réuni.
Je vois là l’obstacle majeur : il est
presque plus psychologique que matériel.
6 – Dominique
Buronfosse,
Lorient.
Je suis complètement d’accord avec ce qu’a
dit notre collègue de Villeneuve-Saint-Georges sur le réseau et ses difficultés
de fonctionnement et de pérennisation, une fois qu’on a commencé à fonctionner
de cette façon. Comment maintenir la dynamique en réseau ? C’est un
équilibre extrêmement précaire. On en a une petite expérience à Lorient.
Peut-être un élément de réponse se
trouve-t-il dans la gestion des effets induits. Je crois que quand on veut
essayer de mettre en place un réseau, il faut en même temps garder des moyens
en réserve pour gérer tous les effets induits que ce nouveau type de
fonctionnement ne va pas manquer de générer et qui vont constituer autant de
blocages, ou autant de risques de blocage, pouvant mettre en péril son avenir.
7 – Lucien Vicenzutti, Autun.
J’ai envie de répondre à la question :
« quel est le risque quand on commence à formaliser un réseau ? »
Formaliser un réseau à travers une
structure juridique, ce n’est pas le but. C’est à un moment donné le moyen que
l’on se donne. Il faut voir les choses le plus simplement possible, parce qu’un
réseau ne repose au bout du compte que sur la confiance ; techniquement,
on a très souvent tous les moyens pour réussir.
Je vais vous donner l’expérience d’Autun.
Autun, petit hôpital de proximité, 20 000
h, zone d’attraction de 40 000 h, zone rurale, éloignée de tout. On vient de
fermer notre service de chirurgie. À côté, se trouve une clinique privée, à but
lucratif, qui a gardé la chirurgie. Nous avons une maternité à la limite de la
fermeture : 320 accouchements. Nous avons un chef de clinique, qui a
accepté d’y venir et qui a la fibre « aménagement du territoire ». Il
veut faire un réseau ; je lui ai dit « tope-là, on reste
ensemble ». Il y a des dangers : notre maternité est à 35 km d’une
maternité en expansion, au Creusot, qui vient de fusionner avec une clinique
privée, elles vont donc se regrouper autour de 800 accouchements et nous nous
retrouvons avec une organisation très fragile sur le plan médical. Nos
anesthésistes, qui n’ont plus de chirurgie, ont le sentiment de perdre leur
métier. Si j’en perds un, je n’ai aucune chance d’en attirer un autre.
Il faut mettre en place des solutions. Soit
je raisonne en me disant : « je veux garder mon centre hospitalier et
je vais encore en faire un CHU », et je reste dans le mythe du grand
centre hospitalier. Soit je me dis : « je vais essayer de remplir mon
rôle en redistribuant les cartes, en acceptant de faire des concessions, mais
en acceptant aussi de travailler avec d’autres ».
Quelles sont les solutions ? Je me
bats (mais je ne suis pas compris, vous ne le répéterez pas à Autun si vous y
passez, je vous demande toute la discrétion, parce que l’idée n’est encore pas
passée) : il faut un
regroupement de l’hôpital avec la clinique. C’est clair. Le bloc opératoire est
à la clinique, à 1 km. Il faut faire un investissement sur le même plateau,
mais les cultures ne sont pas prêtes : « Comment ? Travailler
avec la clinique ? On se rencontre sur le golf, d’accord, mais de là à
travailler ensemble ! » Les esprits ne sont pas préparés. Travailler avec
le Creusot ? C’est possible. C’est surtout le SAU de référence. Peut-être
y a-t-il moyen de mettre des équipes en commun. Pourquoi faut-il que j’aie mon
équipe d’anesthésistes ? Je préfère travailler sur un réseau avec une
équipe inter-établissements d’anesthésistes pour organiser la permanence chez
moi, mais permettre aussi à des praticiens hospitaliers d’avoir une base
professionnelle dans laquelle ils s’épanouissent. Je veux des médecins épanouis
et motivés, qui aient le sentiment de progresser dans leur métier !
Qu’est-ce qui attire un médecin dans l’hôpital ? Le statut, certes, la
rémunération, c’est statutaire, c’est réglé, pour les médecins hospitaliers.
Mais le fond du problème n’est pas là. Ils veulent des perspectives
professionnelles – une pratique professionnelle qui les gratifie – et
des conditions de travail. Je ne peux pas apporter ça à Autun tout seul. Il me
faudrait en permanence trois anesthésistes qui se tourneraient les pouces toute
l’année. Je préfère travailler en réseau avec eux. Il en est de même pour les
sages-femmes, parce qu’à 300 accouchements, on perd son métier aussi. Il en est
de même pour les médecins assistants des urgences, parce qu’avec 15 passages
par jour, au bout de deux ans, on perd aussi son métier. Travailler en réseau,
c’est accepter de sortir du cadre de la structure juridique, mais cela suppose
que l’on travaille en confiance. Le principal obstacle que je rencontre
aujourd’hui n’est pas un obstacle juridique, n’est pas un obstacle technique,
c’est d’abord un obstacle culturel. Tant qu’on n’a pas progressé là-dessus, on
n’avancera pas. Mais il faut faire vite, car sinon d’autres décideront à notre
place.
Je pense qu’aujourd’hui, la confiance,
c’est de maîtriser les choses et de proposer des choix.
8 – Michel Crémadez, Paris.
En réponse à Philippe Oberlin, je crois que
vous évoquiez ce que j’ai dit sur le réseau vu comme contrainte.
Quand je disais que le réseau était une
contrainte pour le praticien, c’est qu’il est dans un réseau de relations et
qu’il existe d’autres réseaux de relations. Un système concurrentiel s’établit
entre différents types de maillage, ce qui se fonde essentiellement sur la
notion de confiance ; c’est à dire qu’on se comprend, à demi-mot, voire
sans échanger. La différence avec un réseau construit, c’est qu’un réseau construit
ne peut reposer uniquement sur la contrainte ; il faut construire autre
chose, c’est à dire qu’il faut que le réseau soit producteur non pas d’immédiat
seulement, mais producteur de quelque chose qui va consolider, solidifier,
permettre de travailler sur d’autres bases. C’est pour cela que je faisais
référence à tout le problème de la formalisation, etc.
Faut-il penser pérennisation ?
« Pérennisation », c’est pour moi un peu comme
« hiérarchie », cela me pose de gros problèmes. Problèmes par rapport
à la notion que nous avons tous du changement organisationnel.
« Pérennisation », cela veut dire qu’une situation n’était pas bonne,
mais qu’on va enfin trouver le Paradis, et que quand on l’aura trouvé, il
faudra surtout y rester. C’est ennuyeux, car dans un monde évolutif, le Paradis
n’est jamais atteint ; ce qui est intéressant, c’est la dynamique, ce
n’est pas de passer d’une statique à une autre.
Il faut donc accepter que le réseau soit
par définition un concept non pérenne. Cela nous choque profondément, car nous
voulons des structures pérennes.
Pourquoi avions-nous une classification
CHU, CHR, CHG et CHL?
Cela aurait été très bien de dire que
c’étaient des niveaux de moyens. Sauf qu’être CHU me donne seul le droit à
certains moyens. C’est totalement antinomique avec la notion de réseau :
je peux très bien trouver, au centre hospitalier d’Autun, tombé par hasard
d’une unité de je ne sais quel CHU, un chef de clinique extrêmement
brillant ; faut-il le rapatrier, ou faut-il qu’il continue à exercer sur
place ? Cela dépend d’un certain nombre de choses. Il est évident que s’il
ne peut bénéficier que des moyens d’Autun, il va régresser. Mais il peut très
bien continuer à vivre à Autun, créer quelque chose, et en même temps être
ailleurs.
La notion de réseau veut dire que les
noyaux ne sont pas forcément systématiquement identifiés. C’est le problème qui
était évoqué ce matin sur les différentes cartographies, avec la notion de
réseau centré sur le CHU. Le réseau n’est centré sur le CHU que si l’on donne
au CHU l’apanage d’avoir un certain degré de sophistication. Faudrait-il pour
autant que toute la sophistication du monde médical soit concentrée dans un
CHU ? C’est aberrant en soi.
Il faut donc avoir une vision qui permette
à des noyaux de se développer, sinon on se trouve devant des problèmes du type
de ceux de certains CHU qui, avant l’heure, avaient fait un peu d’essaimage et
se trouvaient avec des équipes beaucoup plus performantes qu’au CHU dans des
hôpitaux environnants, comme je l’ai vu sur le domaine de gynéco-obstétrique à
Lille, où le problème qui se pose est : on crée un
« mère-enfant » à Lille, comment rapatrie-t-on l’équipe qui est à
Roubaix ? Faut-il la rapatrier ? C’est donc cette problématique qu’il
faut savoir gérer.
Qu’est-ce qui entraîne une certaine
capitalisation et non pas pérennisation?
La capitalisation vient du fait que l’on
n’a pas simplement géré des relations éphémères implicites entre des individus,
mais que l’on a construit un patrimoine commun, formé de projets communs et
d’instruments communs. C’est là l’évolution à apporter à votre inclination
naturelle – vous savez que vous ne pouvez pas travailler seuls – ,
mais qui s’oppose aussi à une des caractéristiques fondamentale de votre
culture, qui est qu’en même temps, vous aimeriez rester dans un univers pas
trop flou.
9 – Vincent Leroux, Paris.
Après l’expression des exemples très
stimulants et l’expression des finalités et des objectifs que nous avons pu
voir ce matin, je me pose trois questions à type de mise en œuvre.
La satisfaction des patients est-elle prise
en compte et comment peut-elle l’être?
En terme d’incitatif vers les médecins, si
l’optimum social ou l’intérêt collectif n’est pas directement évident, comment
faire pour les inciter, c’est à dire comment passer d’un système efficace à
efficient?
Enfin, sur cette formalisation ou
l’évaluation : si formaliser, parfois, passe par un contrat – un GIP,
ou différentes choses – , quels sont, et quels ont été pour vous, les
critères d’évaluation ? L’objectif de ces contrats ? Comment éviter
une pérennisation, améliorer une capitalisation, ou tout du moins faire évoluer
un réseau?
10 – François Diard, Bordeaux.
Je pense que pour l’initialisation des réseaux,
il faut mouiller la chemise. Il faut que les responsables de disciplines dans
les collèges s’engagent dans cette politique, que les responsables
institutionnels s’engagent. C’est de l’énergie, de la capacité de conviction,
que le mouvement va s’engager. Il faut mouiller sa chemise, il faut y passer du
temps, il faut se déplacer ; je crois que c’est comme ça que ça démarre.
Après, on voit.
Pour répondre à la question de la
formalisation des réseaux, qui est excessivement importante, il faut séparer deux
choses parmi ce qu’il vous a été proposé ce matin.
Tout d’abord, il y a des outils, qui vous
sont donnés. M. Dusserre a présenté un outil et moi-même un autre, où l’on voit
un maillage complet. C’est un outil qu’on donne à une collectivité ; elle
s’en sert ou ne s’en sert pas, mais ceux qui s’en servent peuvent y trouver un
enrichissement. C’est donc un outil et il faut inciter les gens à l’utiliser.
Par contre, les réseaux construits autour
des filières de soins, ceux qu’on a montrés en hématologie ou en obstétrique,
sont beaucoup plus subtils : on part du pragmatique – les réseaux de
correspondance que vous avez évoqués au départ – pour essayer de
construire une organisation et on veut l’élargir à une région, en apportant
l’aide institutionnelle au maximum pour que cela puisse se faire, pour essayer
de donner des moyens, pour essayer d’avoir une organisation symbolique qui soit
séduisante et qui fasse participer l’ensemble des praticiens au travail de la
collectivité. Je rejoins là parfaitement ce qu’a dit M. Crémadez, c’est une
structure dynamique qui ne doit absolument pas être fixée. Dans notre réseau
d’hématologie en Aquitaine, Bayonne n’a pas voulu participer : il n’est
pas rentré encore dans le réseau. C’est pourtant l’unité la plus accomplie à côté
du CHU. C’est peut-être pour des raisons de concurrence, mais il n’a pas voulu
y rentrer. Il y rentrera un jour sûrement, mais c’est son affaire ; il
faut que ce soit dynamique. D’autres pourront ressortir, si le coût est
supérieur ou autre chose. Ce n’est pas fixé. Je crois que si on veut absolument
obliger à la pérennité, on n’y arrivera pas.
Et je n’ai pas de réponse à votre question.
On est un peu apprenti sorcier, on ne sait pas trop où l’on va, mais pourvu que
ce soit le bon chemin!
11 – Émile Papiernik, Paris.
La question était posée de savoir ce que
voyaient les patients et ce que voyaient les médecins, quel est l’objectif?
Le projet commun, le projet collectif, est
parfaitement perçu par les patients, quand ils perçoivent l’égalisation de la
qualité des soins. C’est clair et net. Dans le système de Seine-Saint-Denis,
sans qu’on en fasse de propagande, la clientèle a parfaitement perçu qu’il y
avait des discussions communes. Sur les cas compliqués – j’en ai discuté
au staff inter-maternités – , cela passe, pour égaliser la qualité des
soins qui sont proposés. Je suppose que les réseaux d’hématologie ont cet effet
aussi. Le point crucial de l’évaluation, c’est de démontrer ceci : grâce
au système de réseau, tout le monde a accès à des soins de bonne qualité. Je
crois que c’est perçu.
Les médecins de même : ils ont accès à
la discussion de niveau supérieur. Ils passent d’un niveau d’isolement, de
difficultés de relation d’un réseau informel, où ils peuvent prendre l’avis de
quelqu’un, à un réseau où ils sont à égalité. L’avantage aussi du réseau, c’est
que chacun des membres est à égalité. Là, ils peuvent discuter. Dans le staff
inter-maternité, par exemple, on est en rang : il n’y a pas de hiérarchie
de position, mais une hiérarchie des problèmes qui se posent ; qui peut
répondre répond. Chacun des médecins y participe. (Et c’est très étonnant de
voir ces gens qui ne sont pas payés, ni remboursés de leurs frais, qui viennent
vraiment sur leur temps libre).
Le troisième point, c’est le projet commun
qui se marque par l’outil d’évaluation. Si on le loupe, si on n’est pas capable
de démontrer que ce que l’on fait est correct, que ça apporte plus d’égalité et
plus de qualité des soins, alors le réseau se casse la figure. En
Seine-Saint-Denis, on peut parfaitement se casser la figure en ce moment, parce
que quelqu’un dans l’administration du département est contre la mise en place
de l’outil d’évaluation, qui lui prend un peu de pouvoir – tout bêtement
les choses sont comme ça –, et ça peut donc parfaitement se casser la
gueule parce qu’ils n’auront pas compris à quel point la définition, la
continuation du projet sur « on a fait bien » ou « on n’a pas
fait bien » est essentiel pour la suite.
12 – Françoise
Jungfer-Bouvier,
Villeneuve-Saint-Georges.
Philippe Oberlin pose bien le problème de
« réseaux prisons, réseaux morts ».
Bien entendu, on a beaucoup parlé des
réseaux extra-hospitaliers. Je crois que nous sommes tous d’accord :
l’évolution de nos cultures fait que les structures sont non pérennes. On peut
peut-être se pencher sur la non-pérennisation des structures
intra-hospitalières. À mon sens, c’est une occasion, quand on fait une
réflexion sur les réseaux, de deux choses:
La première, c’est de constater que nous
sommes tous d’accord pour dire que les choses évoluent, mais qu’elles sont dans
notre culture et dans nos moyens la façon de mettre en place dans notre monde
hospitalier une démarche permanente, une réflexion permanente, une perception
permanente de la dynamique, de l’évolution de l’hôpital. Pour l’instant, nous
avons peu de culture en ce sens et en tout cas pas de cellule de réflexion bien
planifiée sur cette dynamique.
Par ailleurs, je ne sais pas si à l’ordre
du jour de la discussion, il va être évoqué aussi les réseaux hospitaliers.
Nous avons un grand gain possible, dans notre façon de fonctionner en
intra-hospitalier de même façon qu’en extra-hospitalier qui, dans beaucoup
d’établissements, peut être développée avec beaucoup de bénéfices.
13 – Louis Lebrun, Orsay.
On en revient ici à la question cruciale de
l’évaluation. Je voulais faire, plutôt que poser des questions, une réflexion.
Je confonds réseaux et filières :
c’est une réponse organisationnelle fonctionnelle à un moment donné à un
problème ou à une question. Il faut savoir si la question est toujours
pertinente au fur et à mesure que le dispositif évolue : non seulement, on
évalue en se demandant si les objectifs sont atteints, mais aussi en se
demandant si les objectifs sont toujours pertinents. Le monde n’a-t-il pas
tourné pendant que nous mettions en place notre dispositif ? L’évaluation
ne doit pas être uniquement statique, une image à un instant donné, mais doit
être un processus dynamique d’évolution des personnes et des
institutions ; le dispositif d’évaluation que l’on met en place et qui est
fondamental, comme le disait M. Papiernik, doit prévoir de mesurer tous les
effets induits, il doit prévoir d’ajuster complètement le dispositif, car la
formalisation ne doit pas être la rigidité. Ce qui nous convient à un moment
donné, c’est ce dont nous nous servons et si un dispositif, une structuration
est devenue inutilisée, il ne faut pas hésiter à la faire évoluer de façon
pluri-professionnelle, ce dont le Gerhnu a bien l’habitude.
14 – Philippe Oberlin,
Villeneuve-Saint-Georges.
Désolé de reprendre la parole, mais je
voulais faire une remarque à M. Diard à propos du réseau hémato de Bordeaux.
J’étais un peu étonné, dans son exposé, de
savoir que dans le réseau hémato d’Aquitaine, les essais de phase II et de
phase III sont réservés au CHU. Je ne suis pas sûr que l’on puisse créer des
réseaux de filières de soins qui impliquent un centre hospitalo-universitaire
en limitant les CHG à des essais de phase IV. J’en ai la preuve dans l’Association
de Recherche en Chirurgie, qui est une association nationale dont je fais
partie, qui regroupe essentiellement des non hospitalo-universitaires, et où
nous avons à notre actif des publications dans des revues aussi peu connues que
Lancet ou Annals of Surgery, puisque je suis chirurgien. Je crois que, sans
vouloir taxer M. Diard d’hospitalo-universito-centrisme, je pense que l’on est
là dans la culture habituelle et le raisonnement habituel. Je vous dis ça en
toute gentillesse, d’autant que j’ai appris que vous étiez radiologue.
15 – François Diard, Bordeaux.
Les réseaux, on les fait avec les gens que
l’on a. C’est pourquoi ce n’est pas toujours facile et quand
institutionnellement, on veut prendre le relais des collèges, qu’on veut
élargir les réseaux de correspondance – ce qui a été évoqué –, ce
n’est pas facile. Il faut donc faire avec les personnalités, avec tout ce qui
nous entoure. Ce n’est pas le responsable de l’hématologie bordelaise, mais
celui qui est juste en dessous, qui est quelqu’un un peu raide. Voilà. Alors,
nous l’assouplissons, nous essayons de lui faire passer tout ça. Qu’il accepte
déjà que certains essais cliniques soient partagés, ou soient fait en
communauté, autour des protocoles qui sont engagés, c’est déjà un progrès. Je
n’arrive pas à lui faire franchir un pas de plus dans ce qu’il doit transférer
ou ce qu’il doit donner, mais il a sûrement tort. Je suis d’accord avec vous
sur le fond.
16 – Jean Arnautou, Gerhnu.
Si vous voulez une petite réflexion sémantique
sur le mot « réseau », mais comme je suis arrivé très en retard, il
est vraisemblable que des talents supérieurs au mien l’ont déjà faite en début
de matinée.
On pense tous au réseau vertueusement, le
réseau routier, le réseau qui va permettre d’irriguer, d’apporter le savoir,
etc. Parfait.
Pensons un instant – c’est tellement
implicite – au réseau de La Fontaine, le rets, le réseau qui est le filet.
Ç’a déjà été dit ? OK.
Alors, je dis : « d’accord aussi
pour le réseau filet, à condition que l’Oiseleur ait bonne gueule... »
On est bien au Gerhnu, on est
là-haut ! Alors, glissons dans les soutes.
Il faut du fric, pour que le réseau
fonctionne ; c’est pour moi une position de principe. C’est une position
qui rejoint une grande théorie, que certains connaissent certainement, car
Marie-Thérèse Chapalain la prône depuis au moins quinze ans dans le
désert : c’est l’idée de financer la santé, ou plutôt la maladie, comme on
a proposé et réalisé le financement de tout un tas d’autres secteurs de l’activité
économique, par branche. On peut décider demain de ne pas financer par
structure. Je renvoie à M. Crémadez et à la rigidité de l’organisation du
système de santé en structures, notamment liée aux prérogatives que donne le
financement par structure. On peut décider, non pas d’abandonner le financement
par structure, mais de croiser le financement par structure avec un financement
par branche. À ce moment-là, on dira que dans le réseau néphrologique
d’Aquitaine – pour ce qui m’intéresse –, une partie du fric ira à la
transplantation, qui est chez mes bons amis du CHU et exclusivement chez eux,
une autre partie ira à la dialyse, qui est ailleurs, dans le public comme dans
le privé, dans le CHU comme hors CHU, une autre partie ira, pourquoi pas et
même certainement, à la médecine, mais également aux infirmières libérales qui
ont à gérer des malades dialysés en ville, etc. Cela se passe bien un peu comme
ça actuellement, mais d’une façon totalement inorganisée, je dirais même
inorganique, et si l’on implante un réseau et qu’on le formalise à un degré
suffisant, car pour moi il n’y a de réseau que formalisé, on peut envisager de
coupler, en partie au moins, le financement au réseau.
Alors, un certain nombre de gens n’auront
plus peur du réseau « oiseleur-Net » – et non pas network – et iront collaborer au network, tout en allant évidemment se
plonger dans le Net, et zut oui, j’ai fini !
17 – Pierre Dusserre, Dijon.
Mouiller sa chemise, OK; et le combat va être long.
La hiérarchie, on en parle beaucoup. Pour
moi, le réseau nous donne une égalité de savoirs. La hiérarchie, je le pense,
existera toujours, c’est un montage CHU/non
CHU.
Je vais répondre au problème des hôpitaux,
que vous avez soulevé, Madame Jungfer. Nous sommes tous des médecins. Il faut
aller dans le sens où un réseau est non pas un réseau intra-hospitalier,
intra-CHU, etc. , mais un réseau est ouvert à tout le monde, à la clinique
comme aux autres ; ce sont des gens qui travaillent ensemble et qui ont un
accord.
Je voudrais préciser aussi qu’en anatomie
pathologique, la formalisation dont vous avez parlé permet à un médecin
pathologiste de travailler dans le monde entier, étant donné que ce sont la
même organisation et la même méthodologie. Cela répond à la sédentarité :
on n’est pas nommé à vie dans un coin et il faudra bien qu’on s’y habitue,
qu’il y a une exportation de l’intelligence.
Sur le plan local, je réponds à mon ami
d’Autun et d’ailleurs : l’hôpital, la clinique, il faut un gentleman agreement, il faut que les
pouvoirs publics donnent l’autorisation pour faire des ensembles de traitement
où chacun apporte sa compétence.
18 – Jean-François Noury,
Villeneuve-Saint-Georges.
Je voudrais insister sur un point qui est celui
du système d’informations. Il est apparu à plusieurs reprises, mais me
semble-t-il avec trop de discrétion.
Le système d’informations est, comme à bien
d’autres choses, étroitement lié au réseau, et il ne semble pas que l’on puisse
penser « réseau » sans penser également et de façon très prenante,
« système d’informations ». Il en a été question dans l’intervention
de M. Vicenzutti qui, rapidement, nous a fait savoir que cela posait quelques
problèmes, que le système d’informations n’avait pas été mis en place, dont on
pouvait déjà comprendre qu’il était nécessaire, indispensable. M. Dusserre en a
parlé de façon beaucoup plus détaillée, beaucoup plus technique : il est
allé jusqu’au codage. Il m’a semblé aussi particulièrement présent dans les interventions
de M. Dusehu et de M. Crémadez.
Ce système d’informations, il faut lui
donner toute son importance à tous les moments de la vie d’un réseau. C’est
d’abord en matière d’élaboration de ce réseau. Il était question tout à l’heure
de pertinence des objectifs ; déterminer la pertinence des objectifs,
construire le réseau, cela suppose des informations sur les besoins, sur ce qui
existe, sur quelquefois ce que l’on appelle les lignes de produits. Il faut un
système d’informations qui soit solide à ce niveau.
Un réseau a des objectifs et il a été dit
qu’il fallait en suivre la réalisation. Cela suppose des indicateurs, cela
suppose des informations encore qui permettent de suivre la réalisation de ces
objectifs. On en arrive là à l’évaluation, à la pérennisation, à la survie du
réseau et M. Papiernik l’a dit, la vie, la survie de ce réseau étaient
étroitement liées à cette évaluation. On ne se passera pas d’un système
d’informations.
Je terminerai en disant que cela va
beaucoup plus loin. Il a été question également de l’économique, très largement
en particulier dans l’intervention de M. Crémadez. En matière médicale,
l’économique, cela fait partie du système d’informations et les médecins sont
aujourd’hui interpellés et pas seulement dans le cadre du PMSI qu’a cité M.
Dusserre, par cet « économique ».
Enfin, j’en reviens à votre intervention.
« Il n’y a pas de réseau sans
environnement », avez-vous dit. Donc, le système d’informations
concerne ce qui se passe, ce qui se fait à l’intérieur du réseau, mais il doit
aussi informer sur ce qui est autour ; non seulement au début pour savoir
ce que l’on doit faire, quel est le besoin, mais également en permanence pour
suivre cet environnement dans ses multiples aspects.
C’est quelque chose de fondamental que le
système d’informations et il me semblait qu’une courte synthèse, que j’espère
avoir faite, était nécessaire.
19 – Étienne Dusehu, Gerhnu.
J’ai été frappé par les observations sur
l’élargissement de la contrainte.
Si on part en pensant que le réseau, c’est
le Nirvana et qu’il n’y a pas de contraintes, alors on a toute les chances que
le réseau se plante. C’est légitime de chercher à ne pas avoir de contraintes,
dans la mesure où le professionnel de santé passe son temps au quotidien à
gérer, à vivre et à supporter l’incertitude de la pathologie de ses patients,
et du bénéfice qu’il espère leur en faire retirer. Mais c’est une erreur de
penser, comme on le fait trop souvent et comme on a passé notre temps à le
faire jusqu’à maintenant, que la certitude de la trame de fonctionnement est
une réponse à ce problème. Il est vrai qu’actuellement on fonctionne de la
manière suivante : « ça ne va pas, j’ai l’impression d’avoir dépassé
mes compétences, je passe le patient à un niveau supérieur qui, lui, se
débrouillera ». Or, dans gestion du réseau, ce n’est pas ça, c’est :
« je n’arrive pas à faire face, quelle structure va me permettre de répondre ?
»
Et je suis à la limite responsable de
l’orientation que je vais donner à la prise en charge de mon patient. On ne
peut pas admettre de dire qu’il y ait de réseau sans contrainte : le
réseau, c’est une nouvelle forme de contrainte, c’est une nouvelle incertitude
à gérer, mais c’est un préalable à mon avis incontournable. C’est un premier
point.
Le deuxième, c’est quand on parle de réseau
et de hiérarchie. Dans un réseau, il peut y avoir une hiérarchie, mais un
réseau ne peut pas vivre et être pérenne sans que chacun puisse y trouver son
compte. C’est en cela que la hiérarchie est fonctionnelle et non plus
autoritaire.
La troisième observation est de dire que le
réseau ne peut partir que du terrain. La première fois où on monte un mur, on
commence par prendre des briques et du ciment. Certes, il faut avoir fait des
plans. Par contre, on peut faire les plans qu’on veut, sans ciment et sans
briques on ne fera pas le mur. De même, on ne fait pas de réseau si on n’a pas
les compétences sur le terrain pour le débuter. C’est vrai qu’ensuite, on
espère qu’en retirant les briques, la trame sera suffisamment solide et qu’on
aura le temps d’en remettre une autre. Mais si on n’en remet pas une autre, le
réseau s’effondrera comme le reste. On en revient aux évocations sur la
pérennisation du réseau.
Le quatrième point, ce sont des éléments
qui me sont chers et qui m’avaient rapproché de Michel Crémadez, provient de
l’observation de l’hôpital : l’hôpital, la santé, ont longtemps vécu
complètement hors du champ de la société, tant qu’on vivait de la charité et
que la rémunération était seulement le temps des hommes. À présent, quand on
considère les dernières découvertes, que ce soient le laser, la RMN, ou
l’informatique appliquée à la médecine, on s’aperçoit que la médecine n’est
plus qu’une discipline d’application de découvertes qui lui sont extérieures et
étrangères.
Il faut que nous retournions au sein de la
société et que nous acceptions les contraintes de la société, notamment, comme
mon prédécesseur vient de le rappeler, les contraintes de l’économique. On ne
peut plus faire sans les contraintes de l’économique.
Quand on regarde comment la société
fonctionne actuellement, elle fonctionne constamment sur l’éphémère. Il y a dix
ans, on avait de grandes multinationales, on savait où tout se trouvait ;
à présent, essayez de me dire exactement le capital de toutes les sociétés, je
crois que bon nombre de financiers passent leur temps à chercher cela. Il
faudrait peut-être nous aussi prendre en compte cette évolution, qui est une
réalité et qu’on cesse de s’y opposer. Je me souviens, au moment des
inondations de l’année dernière, d’avoir su de source très sûre, que deux coups
de téléphone avaient été donnés à la mairie de Compiègne : le premier
émanait du directeur général d’Unilever qui disait «si jamais l’usine de
Compiègne – qui produit toutes les poudres à laver de France et de
Navarre pour les marques d’Unilever – perd
une journée de production, l’année prochaine, elle a quitté Compiègne» ; et la même chose de la part
de la direction générale de Roussel.
Il faut que nous acceptions cette évolution
qui fait qu’à présent nous sommes dans la gestion de l’éphémère, y compris dans
la distribution des soins.
Le dernier point, que je n’ai pas entendu,
mais qui a peut-être été évoqué à mon insu, c’est que le réseau est un élément
qui tire la qualité des soins vers le haut.
C’est, je crois, le plus important.
20 – Jean-Marie Farnos, Senlis.
L’apparition des réseaux, leur mise en
place, n’est-elle pas en train de modifier la mentalité médicale, dans la
mesure où d’un micro-hospitalisme, on passe à ce qui devrait être constamment
l’obsession des médecins, la santé publique au sens large du terme?
D’autre part, est-ce que le fait de pouvoir
mettre – je pense notamment au groupe en gynéco – une évaluation sur
place, faire des démonstrations qui peuvent être contestées par rapport aux
statistiques, va déboucher sur des évaluations, est-ce que ce sera à nous de le
faire par rapport aux réseaux et quelle aide peut-on en attendre?
21 – François Diard, Bordeaux.
Je voudrais réintervenir une dernière fois
sur l’évaluation.
Pour le réseau d’hématologie, c’est évident
qu’il faut savoir que le mieux-être des patients en qualité de soins et en
bénéfice de survie vaut que ça coûte plus cher, c’est évident. Il faut donc
évaluer.
Mais, quand on est un responsable
institutionnel comme moi, avec des projets régionaux, je demande avec quel
outil et qui me donne l’outil pour conduire l’évaluation d’une action régionale ?
Il faut que, si c’est réseau urbain ce soit la mairie, si c’est départemental
le conseil général et la DAS, si c’est régional ce soient le conseil régional
et la DRASS. Quel outil pour l’évaluation?
À l’heure actuelle, les évaluations ne sont
pas faites, même si on en a l’ambition, parce qu’on n’a pas les moyens pour le
faire. On n’a pas de lignes budgétaires et on rejoint ce que disait Arnautou,
« si on veut avoir des ambitions, il faut en avoir les moyens », et
on n’a pas d’outil réel d’évaluation. Les CREME qui ont été mis en place sont
des structures qui réfléchissent, mais qui n’ont pas d’outil pour travailler et
nous n’en avons pas. Il faut donc qu’on en mette un nous-mêmes en place et à
mon avis, ce devrait être un outil complètement managé par les DRASS. Il n’est
pas possible que les DRASS n’aient pas les moyens pour évaluer les actions
mises en place!
Vous nous dites : « évaluez,
évaluez ! » La question que je poserai à Mme Baubeau cette après-midi
sera : « avec quel outil et quand ? »
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Préambule.
Jean
Arnautou,
coordinateur.
Nous demanderons à cinq grands témoins de
réagir à ce qui a été présenté ce matin, c’est à dire d’une part des
expériences déjà en cours d’organisation médicale en réseau et d’autre part,
une réflexion théorique de haut niveau, je crois qu’on peut le dire, sur le réseau
dans la stratégie médicale.
Je commencerai par Dominique Baubeau, que
chacun connaît au Gerhnu depuis heureusement bien des années et son comparse
Philippe Marrel, que peut-être tout le monde ne connaît pas, c’est l’éternel
petit nouveau du Gerhnu chez qui, je le rappelle, nous nous retrouverons tous à
Freyming-Merlbach, puisqu’il a la gentillesse, lui et toute la tribu des gens
du Gerhnu de Freyming – car il n’y a pas que lui –, de nous
accueillir.
Ensuite, il y a deux grands témoins, qu’on
a jugé utile de séparer par l’Administration Hospitalière, avec un grand A et
un grand H, puisqu’ils sont le Président de la Conférence des Directeurs et des
Présidents de Commission Médicale, Bernard Grandjean et Olivier Joyeux,
d’Hôpitaux Généraux s’entend, nous sommes au Gerhnu!
Enfin, grand par la taille et longtemps
témoin des activités gerhnuesques et de l’ensemble du champ de la santé en
France, notre vieil ami Robert Fonteneau, qui est toujours si je ne me trompe,
car je n’ai pas eu le temps de vérifier, un des modestes sous-marins de la
Caisse Nationale d’Assurance Maladie, sans lesquels cette pauvre institution
vivrait complètement coupée du monde de la santé ; grâce à des gens comme
lui, elle garde le contact et il nous fait le plaisir d’être là.
Tant pis pour Paillé qui n’est pas là, nous
aurions été contents de l’accueillir. Il est à la fois, vous le savez, un type
charmant, un directeur d’hôpital, un élu du peuple, un organisateur de grandes
réunions fort intéressantes, mais c’est toujours pareil, le politique se débine
dès qu’on aborde des sujets difficiles. Il ne faudrait pas dire ça, mais vous
avez l’habitude de mes libres propos et je regrette que Paillé n’ait pas trouvé
le moyen d’être là aujourd’hui, car ce serait resté entre nous, tout ce qu’il
nous aurait dit...
Nous allons attaquer par un tout petit mot
d’introduction. Je jure qu’on va faire court. Je vais laisser la parole à
Étienne Dusehu, je la reprendrai ensuite pour pouvoir poser à nos collègues et
amis un certain nombre de questions, sur lesquelles on leur demandera de se
positionner de manière rapide de façon à laisser la possibilité, à tous ceux
d’entre vous qui voudront prendre la parole, de répondre.
Je pense que nous allons essayer de faire
sur chaque question un tour de la table, de telle manière qu’ensuite et avant
de passer à la question suivante, il puisse y avoir discussion avec ceux qui
voudront interpeller, la table pouvant bien sûr s’auto-interpeller
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Introduction 1.
Étienne
Dusehu,
coordinateur.
Quand on parle réseau, on ne peut pas s’empêcher
de circonscrire le lieu dans lequel il est censé s’intégrer : c’est le
territoire environnant du patient et c’est pour cela qu’on a parlé
d’aménagement du territoire. C’est donc l’élément structurant de la
distribution des soins dans notre pays, pour deux motifs principaux : le
premier, c’est d’abord l’environnement naturel de la population ; le
second, c’est bien une de nos caractéristiques et il faut les prendre en
compte, c’est que nos contemporains sont des casaniers ; peu mobiles, peu
voyageurs, aussi bien les patients que les professionnels de santé qui, c’est
bien connu et on l’a dit ce matin, arrivent à dix-huit ans dans la ville de
faculté et cinquante ans plus tard, on les retrouvera en général dans
l’environnement de la ville de la faculté dans laquelle ils ont été formés et
ils se seront souvent bien gardés même d’aller dans une ville de faculté
voisine.
Nous ne sommes pas un pays de grands
aventuriers et les limites de notre village nous suffisent souvent. C’est un
constat et il serait inutile de vouloir aller contre.
La contrainte, le changement radical,
doivent-ils s’appliquer aux populations les plus fragiles, à celles qui sont
les plus dépendantes de notre société, c’est à dire cette population des
malades, dès lors que celle des bien-portants ne prétend pas s’appliquer les
règles qu’elle voudrait infliger à d’autres ? Pour notre part, nous
pensons que non.
Si le principe d’acheter les soins sur le
marché de l’offre ne s’est pas imposé en France, comme ce fut le cas aux
États-Unis, c’est notamment à cause de constantes structurelles dont on vient
de parler, peut-être aussi au fait que nous n’aurions su prendre dans les HMO
– pour ne pas les citer – que les aspects probablement les plus
mauvais sans en garder les bons qu’ils auraient pu avoir et cela reviendra dans
le débat, du moins on peut l’espérer.
On voit donc mal nos concitoyens aller pour
leur valve à Toulouse, pour la neurochirurgie à Lille et éventuellement, pour
l’hémochromatose à Rennes. Ce système optimisé pourrait-il se concevoir en
dehors des réalités de terrain ? Sûrement pas là non plus : il existe
des officines dans lesquelles la soif du pouvoir et l’excitation intellectuelle
ont cours, et elles ont parfois pouvoir de décision ; mais il faut se
rappeler le livre de Michel Crozier qui dit qu’on ne change pas la société par
décret.
Il importe donc aux professionnels de santé
que nous sommes de l’affirmer haut et clair, car nous sommes les représentants
de ces populations, qu’au quotidien c’est avec elles que nous travaillons et
qu’à défaut de se faire entendre par elles-mêmes, il n’est peut-être pas
inutile que nous les fassions entendre.
Peut-être aussi pouvons-nous nous
interroger sur notre rôle ? Ne nous incombe-t-il pas d’essayer de changer,
si l’on veut mettre en pratique autrement que dans les mots l’éthique répondant
aux principes de la morale déontologique, qui fonde l’organisation de la
société française dans notre domaine professionnel ?
C’est dans ce sens que nous avions fait
l’article écrit avec Michel Crémadez et l’intervention de ce matin, en disant
qu’à présent les ressources existent, que ce sont plus les conditions de leur
utilisation qui sont souvent en cause et que les frottements durs du système de
santé sont certainement les plus grandes sources de gaspillage des moyens dont
nous disposons.
À nous maintenant d’en débattre et trouver
ce qu’il faut faire.
*
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Introduction 2.
Jean
Arnautou,
coordinateur.
Merci Étienne. Je vais essayer de faire
aussi court que toi.
Je vais citer des noms qui me paraissent
importants avant que d’aborder notre discussion.
• Marshall Mc Luhan : Comprendre les Médias.
• Lewis Thomas : le Bal des Cellules. Je regrette que
Dusserre soit parti, car c’est un ana-path américain, et le titre américain des
papiers qu’il a passés pendant dix ans au New
England Journal of Medicine, c’est Memory
of a Cell Watcher. Il a observé, vue à travers son œil
d’anatomo-pathologiste, toute notre société.
• Bruno Lussato : c’est l’homme
du Défi Informatique d’il y a une
quinzaine d’années, qui a osé dire que l’informatique servirait à libérer et
non pas à asservir.
• Werner Schneider : professeur à
Uppsala, organisateur du système d’informations médicales de la Suède.
Je commence par Schneider, qui dit : «un
hôpital, ou un ensemble d’hôpitaux, c’est une organisation polycentrique
asynchrone».
Polycentrique, cela veut dire qu’il y a
plusieurs centres, et non pas un seul centre.
Asynchrone, cela veut évidemment dire
qu’ils ne marchent pas à la même vitesse.
Organisation, cela veut dire qu’ils
essayent de marcher ensemble.
Si on a ça en tête, on peut concevoir un
réseau. Le reste ne tient pas la route.
Mc Luhan dit : «à la vitesse de
l’électricité ...» – car il
écrivait dans les années cinquante, à présent c’est à la vitesse de la lumière,
parce que la fibre optique permet d’aller nettement plus vite – «À
la vitesse de l’électricité, nous vivons dans un village global et la réflexion
ne peut plus être la même quand nous étions dans un village tout court», avec le char à bœufs pour aller au
village voisin ou, éventuellement une fois par vie, à la grande ville.
Lewis Thomas, c’est un peu ce qu’on dirait
avec Changeux, l’Homme Neuronal : nous avons un prolongement axonal
prodigieux, si nous voulons bien utiliser les outils à notre disposition, qui
nous permet d’être infiniment plus efficaces – à condition, encore une
fois, de trouver au bout, avec les dendrites, la cellule avec laquelle on se
synapsera.
Si l’on veut garder les noms de ces phares
en question, on comprend que la médecine ne peut pas rester en arrière. Premier
point.
Deuxième point : étant personnellement
un défenseur de l’individualisme médical, je pense que c’est une qualité et que
la relation médecin/malade ne
s’accordera jamais d’une perte de l’individualisme médical. Le défi du
vingtième siècle finissant est de conjuguer cet individualisme
« qualité » avec l’efficacité médicale, qui a toujours été au moins
ce vers quoi nous tendions et qui là, évidemment, se heurte aujourd’hui à
l’incapacité à embrasser le champ complet de la connaissance, d’une part, mais
le champ complet des outils, des effecteurs, d’autre part.
Il y a donc défi à maintenir notre sens de
l’individualité, notre individualisme et notre souci d’efficacité. Là encore,
le réseau peut-il être l’un des moyens de conjuguer tout ça?
Bien sûr, en présentant les choses comme
ça, vous avez compris que je suis convaincu. Rien ne prouve que ceux qui vont
parler dans quelques minutes le sont, encore moins ceux qui vont poser des
questions, mais il fallait introduire la balle.
Pour finir mon introduction en mêlée, le
seul exemple à ma connaissance – en dehors de ceux, remarquables, qu’on a
entendus ce matin –, d’organisation médicale en réseau cohérent, en réseau
structuré, c’est le HMO américain.
Un mot là-dessus : pour ceux qui le
connaissent mal (s’il en reste encore après tous les efforts de Robert Launois
pour nous faire rentrer le HMO dans la cervelle), le Health Maintenance Organisation est une organisation complète, qui
prend le malade à l’entrée par le biais d’un médecin traitant, d’un médecin
généraliste – qui porte un très joli nom que je dirais à la fin –,
qui ensuite le fait passer selon les besoins, seulement selon les besoins, par
toutes les étapes de la médecine de plus en plus sophistiquée, de plus en plus
complexifiée et éventuellement jusqu’à l’hospitalisation. Ce médecin à
l’entrée, on l’appelle aux États-Unis le gate-keeper.
C’est le gardien qui est à la porte ; il lève, ou non, la barrière qui
permet d’accéder aux autres niveaux.
La médecine entrepreneuriale, comme
l’appelle Arnold Relman, l’éditeur en chef du New England Journal of Medicine, à la retraite, la médecine
entrepreneuriale américaine a sauté comme la vérole sur le bas-clergé sur les
HMO, en devenant non seulement adhérente aux HMO, mais – et c’est fondamental –
actionnaire des HMO. Donc, un médecin dans un HMO a d’autant plus intérêt à ne
pas soigner un malade que les économies qu’il fera pour le HMO lui retomberont
dans la poche sous forme de salaires et sous forme de dividendes d’actionnaire
du système. Le New England, depuis
cinq ou six ans, mène une véritable croisade pour que la morale médicale ne
sombre pas corps et biens – ou corps et âme, car pour les biens, ça marche
assez – dans la prolifération des HMO aux États-Unis, et fort
heureusement, l’éditeur en chef du New
England actuellement s’appelle Marcia Angel et je compte sur Marcia,
surtout par son côté Angel, pour tenir bon aux États-Unis ; mais je suis
très inquiet, car Clinton, pas plus que ses opposants républicains, n’a élevé
un moindre mot de protestation contre le HMO :
tout viendra grâce au HMO et au management
care, qui sont les deux mamelles auxquelles le système de sécurité sociale
complètement déshydraté va puiser quelques forces aux États-Unis puisqu’ils
sont complètement sur la paille comme nous. La phrase est un peu longue, mais
ce sont mes réminiscences de M. le maire de Champignac dans Spirou quand
j’étais jeune.
Or donc, la balle est en mêlée. Un seul
exemple de réseau à vous fournir, et je le crois absolument pernicieux : le
HMO américain. Pourtant, bêtement, je suis là aujourd’hui avec vous pour dire
que le réseau me paraît porteur, et qu’il y a sans doute quelque chose à faire
de ce côté-là. Je ne suis pas le seul, et je finis.
« Ne tirez pas sur l’ambulance !
», le sous-titre étant : « nous sommes tous dedans ».
Il y a quinze jours, André Bercoff vient de
publier un pavé de l’ours de 500 pages (je vois qu’au ministère, cher
Fonteneau, on l’a reçu ; alors à la CNAM, renseignez-vous, mais Dominique
connaît) où le réseau apparaît vraisemblablement comme un moyen de sortir, et
Bercoff révèle, mais ça a peut-être été dit ce matin à huit heures, que la
promotion actuelle de l’ENA a publié au mois de septembre son rapport sur les
systèmes de santé, sur le sujet des réseaux.
Dans ce livre-là, Bercoff, parmi un certain
nombre d’autres solutions pour éviter le grand plongeon à notre système de
protection sanitaire et sociale, mise manifestement à fond sur le réseau. L’ENA
aussi, avec une promotion au nom charmant, « René Char » (qu’allait-il
faire dans cette galère et sur ce réseau?), ainsi que Dominique Baubeau, sont
sur le thème du réseau.
Voyez que nous surfons sur la vague.
*
Plusieurs questions pour vous, chers amis:
Premièrement, pouvez-vous nous convaincre
en une petite demi-heure de la raison pour laquelle vous pensez qu’il faut
travailler en réseau, ou au contraire, pensez-vous que ce soit la pire des
choses ? Le réseau, pourquoi ou pourquoi pas ?
Avec ce qui restera de temps,
vraisemblablement un petit peu plus, trois quarts d’heure peut-être, une heure
éventuellement, vous nous direz comment ou comment ne pas ? Si tant est
qu’avant, on ait répondu correctement à la première question.
Dans les manières de faire les réseaux, et
ce sont des questions que je vous demande de retenir, non exhaustives, on vous
propose plusieurs interrogations:
• Si on fait un réseau – c’est
donc dans le « comment ? » –, faut-il privilégier le réseau
naturel comme on en a parlé ce matin, ou bien le réseau formalisé?
• Deuxième question : faut-il
favoriser un réseau généraliste ou un réseau spécialiste, si tant est qu’il
faille un seul réseau ? Ne faut-il pas un réseau généraliste et des
réseaux spécialistes?
• Troisième question : faut-il
des réseaux qui intègrent un maximum de dimensions, ou bien des réseaux
parcellaires, comme par exemple le GROG qui ne fait que de
l’épidémiologie ? (Ou un réseau qui ne ferait que de la thérapeutique, ou
un réseau qui ne ferait que du diagnostic, comme ce matin Dusserre nous l’a
présenté, du moins au départ.) Ou donc un réseau intégré, qui fait tout?
• Quatrième supposition : un
réseau local, versus un réseau
d’autre dimension, régionale, nationale, internationale ou autre?
• Cinquième proposition : un
réseau connecté ou déconnecté du financement – on a un petit peu abordé ça
ce matin –, donc à connotation financière ou à connotation exclusivement
intellectuelle?
Il peut y avoir X autres façons d’aborder
la question, mais on vous livre celles-là pour essayer d’éviter les redondances
dans les réponses et pour savoir qu’on pourra répondre, si le temps ne nous est
pas trop compté, à chacune de ces questions.
J’ai terminé mon introduction.
Parce que cela a déjà été largement abordé
ce matin, je vous propose d’embrayer sans plus tarder sur la question :
pourquoi travailler en réseau, ou ne pas travailler en réseau?
*
Commence-t-on, ce qui serait logique si on
était ici en face du représentant du ministère de la santé, par le haut ?
Cela présente le désavantage – quand le représentant du Ministre est parmi
nous – de gêner la parole.
Ou finit-on par le représentant du
Ministre, chère Dominique?
Dominique
Baubeau.
Cela m’est égal, d’autant plus que je ne
suis pas là en tant que représentant du Ministre.
Jean
Arnautou.
Ouf!
Je propose donc de donner d’abord la parole
aux professionnels : nous sommes au Gerhnu.
Amstramgram, pic et pic et colégram : je
donne la parole à Olivier Joyeux, et ce sont donc les Présidents qui démarrent.
× précédent suivant Ø Ù sommaire Ù
ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Premier témoin.
Dr
Olivier Joyeux,
président de la Conférence des Présidents de CME des Hôpitaux Généraux.
Merci d’ouvrir ce débat en donnant la
parole aux professionnels médicaux.
Je voudrais rappeler que notre conférence
s’est appelée à un moment « des Hôpitaux Non Universitaires », et que
le Gerhnu a contribué à son existence.
La raison que je donnerais au réseau n’est
pas exactement celle que vous attendez.
Tout d’abord, beaucoup de personnes, voire
même quelques lobbies, ont intérêt à développer la notion de réseau. Il vaut
mieux tenir compte de ce qui, historiquement, a été fait : dans notre
conférence, nous avons développé une autre notion, celle de maillage du
territoire. Ainsi, nous échappons au rets et à la résille pour parler de cette
chose vraie qui est l’aménagement du territoire, sans toutefois dire exactement
quelle est la taille de la maille. Le réseau est vu sous un angle un peu
différent de ce qui vient d’être dit.
Il ne nous a pas échappés – on nous
l’a dit souvent – que beaucoup d’hôpitaux posent un problème parce qu’ils
n’atteignent pas la masse critique suffisante pour délivrer une quantité
suffisante d’actes, ou de prises en charges, qui entraîneraient la qualité.
Ceci est d’ailleurs tout à fait contestable. Je voudrais, à l’inverse, dire
qu’il y a aussi des masses critiques supérieures extrêmement dangereuses des
grands hôpitaux. On devrait aussi se pencher sur ce problème, et ne pas
déterminer les réseaux pour la raison que des hôpitaux sont trop petits et
qu’il faut qu’ils s’associent. Il faut voir aussi ce que les grands ensembles
peuvent sécréter comme difficultés de communication, de cloisonnement, de perte
d’efficacité.
Nous avons eu l’impression que certains
hôpitaux étaient bien organisés pour l’avenir, lorsqu’ils avaient de 300 à 500
lits – bien que ce ne soit pas exactement ce dont il faut parler
maintenant, mais plutôt de l’activité –, et que les plus petits hôpitaux
gagneraient à une mise en commun de moyens et personnel. Le réseau se définit
pour nous par les hommes et on a vu combien c’était fragile. Si on pouvait
avoir une mise en commun de médecins, on pourrait avoir un réseau efficace. On
ne peut pas dissocier la notion de réseau d’une part des hommes, d’autre part
du territoire.
On a dit ce matin qu’il fallait rompre
l’isolement d’un certain nombre de médecins. Il n’y a pas que la
télécommunication : la mobilité des praticiens hospitaliers est à présent
nécessaire. Nous avons fait des propositions au haut conseil de la réforme
hospitalière pour la mobilité des médecins, entraînant une nouvelle façon de
travailler dans les hôpitaux généraux.
Lorsqu’on veut faire un réseau, on parle de
hiérarchie. Je ne connais qu’une hiérarchie, c’est la hiérarchie de gravité du
malade, qui nécessite des moyens adaptés. Les hiérarchies de type
organisationnel ou de type médical ont peu droit de cité dans nos hôpitaux
généraux. On doit parler d’égal à égal et le maître mot n’est pas celui de
« hiérarchie », mais celui de « coordination ».
Il faut coordonner pour être cohérent et
pour être efficace, et commencer – on l’a dit ce matin – par la base.
Un réseau qui serait, ou décrété, ou nettement orienté, à partir des grandes
structures ou d’une région, ce serait faire une pyramide en commençant par le
sommet. Peter a assez condamné le principe de construire les pyramides à partir
du sommet.
J’en arrive au point le plus important, la
dimension naturelle, géographique, organisationnelle, où tous les médecins ont
appris à se connaître au travers des nombreuses réunions : les secteurs
sanitaires. C’est pour nous la première étape à franchir que d’organiser à
partir du secteur sanitaire ce que l’on convient d’appeler le réseau.
Cette notion suppose aussi – dans la
définition, je n’en suis pas au « comment »–
qu’il y ait des structures de coordination et aussi, qu’on réfléchisse sur une
identité nouvelle, juridique : « l’hôpital public de secteur
sanitaire », avec des commissions à la fois de type médical et de type
gestion et administration.
Dans ces conditions-là, et surtout si on
s’appuie sur les hommes et leur mobilité, nous pensons que le réseau est
possible.
Surtout, je voudrais terminer en faisant
l’apologie de l’ordinaire. Que fait-on dans nos hôpitaux généraux ? On
traite deux tiers du MCO de l’hospitalisation publique. Je pense qu’on le
traite avec une bonne rationalité économique : c’est 36,84% des budgets
hospitaliers pour traiter deux tiers d’hospitalisations publiques. L’apologie
de l’ordinaire, c’est simplement 90% à 95% de l’ensemble des pathologies. Il y
a sûrement ensuite, selon les besoins des malades, une hiérarchie qui fait que
des cas doivent être traités en dehors du secteur sanitaire, au niveau de la
région ou au plan national ; là, il y a des réseaux spécifiques. Dans
l’ordinaire, le réseau doit être constitué à partir de sa base, à partir du
secteur sanitaire.
En a-t-on une expérience ? Oui. Les
hôpitaux non universitaires peuvent à l’heure actuelle, en dehors d’expériences
régionales dont on a eu ce matin des exemples, afficher de façon systématique
des réseaux qui sont tout à fait formalisés, qui fonctionnent et dont on ne
parle pas, ou pas assez : les hôpitaux locaux, selon les conventions qui
doivent nécessairement être établies avec les hôpitaux généraux les plus proches,
démontrent la possibilité pour nous de réaliser des réseaux qui sont tissés à
partir des hommes, qui sont ensuite formalisés par une convention, et qui
fonctionnent – et même très bien – avec des échanges dans les deux
sens. De très nombreuses régions peuvent le montrer.
N’oublions pas qu’en dehors des hôpitaux
généraux, pour les hôpitaux non universitaires, il y a les hôpitaux spécialisés
– ex-hôpitaux psychiatriques – qui nous donnent la preuve d’une organisation
par secteur qui fonctionne. On ne part donc pas de zéro, on part d’une riche
expérience, méconnue de nos collègues universitaires... C’est une réalité de
terrain qu’il faut rappeler.
Enfin, la raison donnée initialement de
voir des petits hôpitaux se regrouper pour être plus fonctionnels doit aussi
être généralisée aux très grands ensembles, qui ont eux-mêmes et en
intra-hospitalier des problèmes de fonctionnement dont on ne parle pas assez.
Peut-être auraient-ils besoin de s’organiser en réseaux
intra-hospitaliers ? Cela vaut bien entendu aussi pour quelques-uns de nos
grands ensembles hospitaliers généraux.
Jean
Arnautou.
Merci. Ne m’en veux pas, car j’ai un rôle
obligatoirement latéral ainsi qu’Étienne Dusehu, avant de passer la parole à
Bernard Grandjean, de résumer d’une façon un peu lapidaire : l’Oiseleur,
en hôpital général, relance le filet vers les hôpitaux locaux et leur propose
de se mettre en réseaux, d’autant plus qu’il a peur que l’Oiseleur de l’hôpital
universitaire et régional ne le prenne dans son propre filet. Mais ceci me
paraît de bonne guerre. J’ai bien retenu que cela rendrait service à l’hôpital
universitaire, en lui évitant de sombrer dans un gigantisme qui est, dans le
domaine médical, aussi pernicieux que dans d’autres.
Tu pourras répondre, c’est uniquement une
phrase pour provoquer!
Olivier
Joyeux.
On a oublié de dire ce qu’est la fonction
« hôpital général ».
Je crois que le Gerhnu le sait très
bien : c’est quand même d’avoir une vision globale du malade, d’être dans
une situation où l’on est très proche de la population et très proche du
médecin traitant. Cela constitue une partie du réseau.
La question que je me pose : cette
fonction « hôpital général », fondamentale pour les urgences,
existe-t-elle dans nos grandes métropoles ? N’y aurait-il pas intérêt à ce
qu’elle existe?
Jean
Arnautou.
On y viendra. À présent, Bernard Grandjean.
*
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Deuxième témoin.
Bernard
Grandjean,
président de la Conférence des Directeurs des Hôpitaux Généraux.
À la demande de Jean Arnautou, je vais être
très bref et répondre précisément à la question : pourquoi un réseau?
Pourquoi faut-il un réseau dans notre
organisation sanitaire?
Je répondrais : « sur deux
points : efficacité et efficience. »
Efficacité, c’est tout d’abord d’essayer de
concilier la couverture spatiale, c’est à dire l’aménagement du territoire, la
sécurité et la qualité des soins.
En effet, pour qu’il y ait l’utilité d’un
réseau, il faut tout d’abord qu’il y ait un avantage humain, c’est à dire que
le malade trouve un avantage dans la nouvelle organisation qu’on va lui
proposer (par exemple, éviter de le transférer systématiquement lorsque sur
place on peut répondre à son besoin de santé), qu’il soit pris en charge
beaucoup plus simplement au niveau local, qu’ensuite il soit transféré selon
des circuits jusqu’au moment où la réponse adéquate pourra lui être fournie.
Cela me paraît être le point fondamental que la réponse au malade.
Le deuxième point, c’est l’intérêt médical
du réseau. Il faut que les différents praticiens qui fonctionnent à l’intérieur
de ce réseau trouvent une amélioration dans les conditions de fonctionnement,
c’est à dire qu’il y ait une pratique professionnelle plus adéquate, plus en
rapport avec ce que souhaite le malade. C’est le deuxième point.
Premier point humain, deuxième point :
la pratique professionnelle du médecin, donc l’amélioration de ce fait de la
qualité des soins apportés au malade.
Ça, c’est l’efficacité, c’est à dire
essayer de concilier la sécurité et la qualité des soins avec l’aménagement du
territoire.
Le troisième point, j’allais dire
« malheureusement », c’est l’efficience. Il faut pondérer tout cela
par un coût. Il est bien évident qu’on ne peut pas déconnecter les réseaux du
problème financier. L’efficience, c’est comment organiser cela de telle façon
que le coût soit optimisé. Une petite parenthèse par rapport à la problématique
qui nous a été proposée ce matin par exemple par Michel Crémadez, qui est
d’opposer la sécurité au coût : ce n’est pas à mon avis la problématique qui
convient ; elle se situe entre la sécurité et l’aménagement du territoire.
Si l’on veut assurer une protection maximale partout, les coûts deviennent
exponentiels. Je dirais que c’est une conséquence et que ce n’est pas un des
éléments de la problématique.
Voilà comment je répondrais à cette
question simple : « pourquoi un réseau ? »
Jean
Arnautou.
C’est Philippe qui répond ? Entendu.
Au titre de la Direction de l’Évaluation?
*
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Troisième témoin.
Philippe
Marrel,
Gerhnu.
Non, justement. Parmi quelques petites
particularités, je suis en plus médecin dans un réseau de soins, ce que Jean tu
as oublié, puisque je suis médecin du réseau de soins minier, ce qu’on pourrait
appeler un réseau avec médecine de base, médecine hospitalière, etc. , et donc
ce que je vais en dire est fortement teinté d’une expérience de presque deux
décennies dans un véritable réseau de soins.
Je n’ai rien à vendre – la médecine
minière n’est plus à vendre, sauf dans les musées. Par contre, j’ai un conseil
à donner à ceux qui ont encore quelque argent avant que la CSG ne
s’abatte : investissez dans l’Oréal et des choses équivalentes, tout ce
qui permet de se teindre les cheveux et la barbe.
Je m’explique : toute la matinée, j’ai
bu du petit lait, parce que j’avais vingt ans en 68 et que j’avais l’impression
de revivre une AG, c’est à dire « tout le monde est beau, tout le monde
est gentil ». Qu’est-ce que ce réseau idéal dont on nous a parlé ?
(Et Dieu sait que j’y crois et que les gens de ma Lorraine profonde qui
m’entendraient dire ce que je dis maintenant seraient vraiment déçus, de voir
l’évangéliste du réseau dire des choses critiques.)
Quand même, ce réseau qui est souple,
global, égalitaire, temporaire, ouvert, confiant, paradisiaque, oublie beaucoup
de choses. Il oublie par exemple que toute institution a pour but, même si elle
ne le dit pas, de figer un état, qui est un certain état d’équilibre et que cet
état d’équilibre bénéficie forcément à quelqu’un ou à quelques-uns. Toute
institution, c’est impossible autrement, se définit par un « dedans »
et un « dehors » : il y a les gens « avec », et les
gens « pas avec ». Comment choisit-on ceux qui sont
« avec » et ceux qui ne seront pas « avec » ? Est-ce
vraiment ouvert à tout le monde ? Même si c’est ouvert à tout le monde,
n’y a-t-il pas quelque part un pouvoir ? Quand il y a un pouvoir, ne commence-t-on
pas à se battre pour ce pouvoir ? Toute institution – ce n’est pas
moi qui le dit, c’est le vieux Marx – génère une superstructure, c’est à
dire quelque chose qui sert à son fonctionnement interne. Elle ne peut pas
fonctionner sans cela. Et toute superstructure – ça, c’est une loi
biologique – se prend à la fin pour la structure, va générer sa propre
superstructure et surtout ne veut plus disparaître. On ne peut pas faire
autrement.
On oublie que les humains, tout en étant
mortels, ne veulent pas l’être : ils construisent des choses dont ils
espèrent qu’elles vont vivre plus longtemps qu’eux. Construire, pour un humain,
quelque chose qui soit fragile, ce n’est pas naturel.
On oublie aussi que la responsabilité,
obligatoirement, repose sur un découpage : pour que quelqu’un soit
responsable, il faut qu’on sache où il est responsable, à quel moment il est
responsable. C’est à dire qu’on est obligé de découper le temps, on est obligé
de découper l’espace ; on ne peut pas donner à quelqu’un une responsabilité
qui n’a pas de limite, parce que ce flou sera forcément de l’irresponsabilité.
On aurait tendance à oublier – je vais
paraître cynique en disant cela – que la confiance repose sur un partage
d’intérêts : la confiance règne quand on a un intérêt en commun, donc
qu’il faut savoir admettre qu’il y a de l’intérêt et que tout cela n’est pas
exclusivement généreux.
Il n’empêche que je suis fanatiquement pour
la solution « réseaux » aux problèmes qui se posent, parce que ces
problèmes sont – les mots sont revenus à maintes reprises et ils nous
faisaient plaisir à Dominique et à moi – la complexité et le
fonctionnement en système.
Que veut dire cette complexité ? Tout
simplement que le vieux rêve de la machine avec des engrenages qui, quand on
avance l’engrenage A de tant de dents, va obligatoirement avancer l’engrenage B
de tant de dents, c’est à dire où il peut y avoir une commande directe, ça ne
marche tout simplement pas à partir d’un certain degré de complication (et Dieu
sait que la réalité est compliquée et que la médecine, reflétant la réalité,
est compliquée).
À cause de ça, on est obligé, comme un
moindre mal, de réfléchir en réseaux, parce qu’on ne peut pas donner d’ordre
direct.
Maintenant, je reprends plutôt la
casquette, ou si ce n’est une casquette, le petit bonnet « Ministère de la
Santé », c’est à dire les réflexions que nous menons ensemble avec
Dominique.
Ce système qu’on ne peut donc pas diriger
(par définition même, car si on peut le diriger, c’est une machinerie, ce n’est
plus un réseau ; ça devient une entreprise comme une autre), il faut quand
même l’obliger à aller quelque peu dans le sens où l’on aimerait qu’il aille.
On a un objectif. C’est pour ça qu’on fait un réseau, et on voudrait quand même
que d’avoir fabriqué ce réseau, ça aide à avancer vers cet objectif.
Il faut donc – j’ai piqué ça à
Darwin – une pression évolutive : il faut quelque chose qui empêche
d’en rester là où on en est confortablement pour avancer toujours vers cet
objectif. La pression évolutive, dans un réseau, c’est l’information.
De nouveau, un peu de cynisme.
L’information a deux aspects, je le crois, en médecine :
• L’un, c’est tout ce qu’on sait, ce
qu’on sait sur le patient, ce que le patient sait, ce qu’on apprend dans les
universités, le contenu du dossier médical – qui ne me paraît pas si
démodé que cela en tant que préoccupation d’un réseau.
• L’autre volet de l’information,
c’est l’argent. Je ne crois pas que l’on puisse faire un réseau sans parler de
temps en temps d’argent.
Cette information, il faut forcément pour
la faire circuler une forte activité d’évaluation, et on en revient donc au
rôle clé de l’évaluation.
Pour ce qui est de la pérennité des
réseaux, je pense qu’il y a des réseaux qui durent longtemps. J’en veux pour
preuve le réseau minier qui dure depuis pas mal de dizaines d’années. Il va
mourir un jour, mais on pourrait imaginer que, pour des raisons industrielles,
il puisse quand même continuer, se muer en HMO, ou en Dieu sait quoi.
Ce temps délibérément clos, dont on rêve
quand on dit qu’un réseau doit se faire sur une temporalité limitée, ça me fait
penser à autre chose de biologique qui est la mutation d’une chenille en
papillon. Une chenille a une certaine forme, un certain métabolisme, une certaine
manière de vivre et pour pouvoir se reproduire, donc passer à un autre état de
stabilité – le papillon –, elle va passer par un stade informe où les
cellules se décollent les unes des autres, vont migrer ; le métabolisme
semble ralenti et pendant ce temps-là, se reforme un nouvel individu.
Au fond, une partie des raisons pour
lesquelles on fait des réseaux (et je ne parle pas des réseaux qui sont
destinés à devenir des entreprises, mais des réseaux qui résultent de la
perception de problèmes qu’on ne sait pas comment résoudre de manière
rationnelle), c’est la nécessité de gérer une mutation. Gérer cette mutation,
c’est muer de la chenille au papillon, en passant par une phase qui sera
intermédiaire par définition (elle ne peut pas être éternelle), pendant
laquelle on rebat les cartes pour les redistribuer de manière différente.
Il s’agit alors de gérer un changement, en
sachant que pour que ça change, il ne faut pas que les gens soient trop en
sécurité : quand on a trouvé la sécurité, on ne veut plus que ça change.
Il faut que les gens ou les institutions y trouvent une récompense, que
probablement, plutôt que le grand filet qui attrape tout le monde dans ses
mailles qui est une vision totalitaire, il faudrait réfléchir au maillon du
réseau, parce qu’on peut très bien imaginer que le réseau est la somme de
chacun des maillons, et donc réfléchir au rôle des conventions qui lient les
individus entre eux, plutôt qu’à une espèce de constitution globale qui aura
obligatoirement un effet de rigidification.
Voilà ce que je voulais dire.
Jean
Arnautou.
Merci, Philippe. J’allais t’arrêter, car tu
es largement entré dans le « comment », mais au fond, tu nous as
peut-être déjà fait gagner un peu de temps. À Dominique.
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Quatrième témoin.
Dominique
Baubeau,
Direction des Hôpitaux.
Je voulais dire d’abord que la casquette
« réseau = aménagement du territoire », je n’y crois pas.
Ce n’est pas anodin : le réseau n’est
apparu dans les circulaires que quand Pasqua a commencé à faire la loi sur
l’aménagement du territoire et qu’il a fallu mettre ensemble le problème de la
restructuration du tissu hospitalier et ce qui était écrit par le ministère de
l’Intérieur. C’est à ce moment que l’on a découvert l’histoire du réseau. En
fait, derrière, très nettement, se dessinait la conservation des acquis ;
en particulier, les acquis dans toutes les régions où l’on a pléthore.
Je ne crois pas non plus au réseau
« aménagement du territoire » dans la mesure où dans le monde
industriel, le réseau est apparu dans un contexte de pénurie.
Et on n’est pas dans un contexte de
pénurie, loin s’en faut, en offre de soins et en particulier, dans les régions
du Sud. Je ressens ça comme étant une machinerie, dans certains cas, destinée à
conserver les acquis dans des régions qui ont la chance d’attirer les médecins
et de pouvoir avoir des structures un peu partout, parce que pendant ce temps
là, on ne parle surtout pas du désert du Nord, du désert de l’Est dans certains
cas, et ça arrange bien tout le monde qu’on parle de réseaux de soins
coordonnés dans des régions où l’on peut, tout les 15 km à peu près, trouver un
établissement. On ne parlera donc pas du tout d’aménagement du territoire au
niveau national.
J’avoue que ce réseau-là, qui a pour but de
conserver les acquis, me paraît être comme une fausse barbe.
Par contre, il est clair qu’on est en
train, comme le disait Philippe, de passer d’un paradigme de la maladie aiguë,
qui réclame un traitement ponctuel, au problème des pathologies chroniques. À
partir du moment où les pathologies chroniques commencent à prendre le pas
largement sur le problème des pathologies aiguës, on est obligé de considérer
le malade dans la durée, on est obligé de considérer le malade dans l’espace,
donc de passer la main et de tenir compte tout du moins du contexte social.
Les réseaux apparaissent plus pour un
problème de changement de la clientèle et d’obligation de regarder, en dehors
du champ sanitaire, les réponses aux besoins de la population, plutôt que pour
l’aménagement du territoire.
Enfin, l’usager décide de rentrer dans le
système là où il le veut, non pas là où on le veut. Le problème devient de
s’organiser pour qu’il ait, quel que soit l’endroit où il est rentré dans le
système, la réponse qu’il faut lui donner. C’est aussi une des caractéristiques
du réseau : permettre, quand un patient n’est pas rentré là où il le
fallait, compte tenu de la complexité du cas, de trouver la réponse à son
problème.
En tout état de cause, il est clair que le
problème du réseau va être l’évaluation des résultats. Là, il y a une
bascule : dans un cas, quand on travaille avec des structures, on peut
essayer de s’occuper de l’évaluation des moyens qui mettent en œuvre des
procédures. Quand on va parler de réseaux, on va être obligé de changer
l’optique de l’évaluation et s’occuper cette fois-ci des résultats,
puisqu’après tout, la première raison du réseau, c’est : que va-t-il
advenir du patient, de l’amélioration de son état de santé dans un autre mode
de prise en charge que l’actuel?
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Cinquième témoin.
Robert
Fonteneau,
CNAM.
Je partage assez ce que dit madame Baubeau,
parce que je crois qu’on est à la veille d’un changement de système sur le plan
de l’ensemble des systèmes organisationnels.
Avant, on avait des systèmes un peu
hiérarchiques, avec des systèmes statistiques qui se voulaient exhaustifs, qui
voulaient tout prendre, des normes très nombreuses – qu’on ne contrôlait
pas, d’ailleurs. Je crois que ce système est en train de changer, car ce qu’on
voit dans toute l’organisation, ce sont des systèmes croisés qui d’une part,
conservent bien entendu ces parties de normes et de ratios, mais qui d’un autre
côté, essaient de les rapporter à des activités, à des finalités. On trouve
cela partout, et le secteur « santé » y passera comme les autres. Il
est même à la veille d’y passer.
Par contre, ce qui m’inquiète un peu, comme
Mme Baubeau, dans l’idée du réseau, c’est que j’y vois assez souvent un
argument défensif pour maintenir l’existant. Je crois qu’on est à un niveau
d’offre de soins pratiquement impossible uniquement de cette manière-là. C’est
clair.
Dès qu’on parle d’organisation spatiale, il
ne faut pas oublier qu’on peut y mettre des bornes. Dans toute organisation
spatiale, il y a des bornes. Les bornes sur lesquelles les deux tutelles sont
parfaitement légitimes, ce sont les bornes qui touchent aux dysfonctionnements,
aux redondances d’activité, à la localisation des soins particulièrement
coûteux – le dérapage va là un peu trop vite – et qui touchent à
l’inutilité des soins : il est remarquable que, dans le cadre de la
convention, les RMO – quoiqu’on puisse en penser par ailleurs – aient
pris en priorité le balayage de l’inutilité des soins. Je suis de ceux qui
pensent que les références médicales, pour ce qui est de l’inutilité des soins,
concernent aussi l’hôpital. Quand on a une offre de soins excessive, il faut se
préoccuper non seulement des redondances globales, mais aussi des redondances
locales ou particulières.
Les tutelles sont parfaitement légitimées à
déterminer les bornes, en terme de masse critique, même si ce n’est pas un argumentaire
complet et que la masse critique peut se définir comme étant « ni trop, ni
trop peu ». Je suis d’accord, il ne faut pas les exprimer en termes de
chiffres absolus, cela n’a pas de sens. Je suis d’accord aussi sur le fait que
toutes les analyses d’entreprises valent pour l’hôpital : certaines études
montrent qu’à partir de 600 lits, on va vers des pertes d’économie d’échelle
qui, au bout de quelques années, font qu’on a « déséconomisé » ce
qu’on avait économisé dans le premier regroupement qu’on avait voulu faire.
Ce qui navre un peu, c’est qu’à l’heure
actuelle, la planification hospitalière ne soit pas suffisamment avancée dans
son niveau de détail pour trouver le véritable maillage du territoire (et je ne
souhaite pas pour autant que ce soit un niveau de détail qui supprime la
dissymétrie de l’information entre les hôpitaux et les tutelles ; qu’on ne
vienne pas me faire un procès là-dessus : il dure depuis trop
longtemps). À l’intérieur de cela,
parallèlement à cela, je pense que les réseaux ont une raison d’être
particulière : comme on est dans un système qui est sur le point de
changer, ce changement est extrêmement difficile et je crois que le réseau fait
partie des droits à l’initiative. C’est le droit à l’initiative des acteurs, je
vois mal comment on peut s’opposer à ce droit ; je crois même qu’on doit
l’encourager.
Nous avions défini des contrats
d’objectifs, qui vont en complément de tout ce qu’on a dit antérieurement, qui
peuvent s’y associer et qui comportent une partie dure : c’est la
référence aux bornes, qu’on ne doit pas trop dépasser, aussi bien en coûts
qu’en qualité, mais qui sont limitées dans leur contenu, pour ne pas nuire à
l’autonomie des acteurs. Il y a donc une partie dure dans les contrats
d’objectifs – qu’on a toujours souhaités depuis 1980 : le rapport Renou 1980, Gestion par Objectifs des Hôpitaux, on en est toujours
là ; il serait donc temps de
passer à l’acte. Les contrats d’objectifs souhaitent donc tenir compte de ces
réseaux, avec une partie un peu plus dure, mais une partie plus molle, destinée
aux acteurs : cette partie des acteurs, ce sont eux qui la définissent.
Par contre, il me semble que le malade, par
l’intermédiaire des autorités publiques, a droit à une forme accréditive, dont
j’ai peut-être une définition un peu particulière : on a le droit de
savoir si, à un moment donné, l’hôpital a les moyens de se gérer correctement,
a une instrumentation de gestion suffisante. Cela ne veut pas dire
l’externaliser forcément, mais avoir la garantie, s’il se passe quelque chose,
de pouvoir vérifier qui est le responsable de l’affaire si on y a mis les
responsabilités suffisantes.
Nous sommes dans un pays très juridique,
très latin. C’est la grosse difficulté de la gestion des réseaux dans le
système français : dès qu’on est dans un pays latin, on s’envoie des
responsabilités à la figure. Il est vraisemblable que la formalisation des
réseaux devra être faite d’une manière ou d’une autre, qu’elle n’a pas besoin
d’être exhaustive – elle doit être très parcellaire –, mais qu’elle
doit tenir compte de la gravité des malades et de la définition des bornes
internes aux réseaux, c’est à dire de la gestion des responsabilités.
Je crois que dans un pays très juridique
comme la France, si on veut formaliser les réseaux (ou alors on les laisse
courir, ça c’est de l’autodéfense), on ne peut pas éviter de définir les
responsabilités par rapport à la gravité du malade.
Jean
Arnautou.
Merci.
On a mis une demi-heure et donc, la parole
est à la salle.
Je suis heureux d’avoir entendu à peu près
tous les vocables importants de l’actualité hospitalière : « contrat
d’objectifs », « accréditation », « RMO à l’hôpital »,
etc. Ça va.
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ANALYSE CRITIQUE DE
LA MATINÉE – LES GRANDS TÉMOINS
Questions.
Étienne
Dusehu.
On a terminé la partie la plus courte. Si
on veut terminer l’ensemble sans que la salle s’égrène ou qu’on rate les
avions, il serait bon que les questions soient courtes, pertinentes,
percutantes et rapides.
1 – Philippe Oberlin,
Villeneuve-Saint-Georges.
Madame Baubeau, vous avez dit que dans la
pathologie aiguë, vous ne voyiez pas qu’il y ait urgence à fonctionner en
réseaux, ou quelque chose comme ça ; en tout cas, vous avez insisté sur le
fait que les pathologies chroniques, elles, nécessitent qu’il y ait des
fonctionnements en réseaux.
Une petite remarque : je suis un peu
étonné qu’il y ait ici des directeurs d’hôpitaux, des médecins hospitaliers,
mais qu’il n’y ait personne du secteur extra-hospitalier alors qu’on sait
combien, dans la pathologie chronique, ce sont eux qui sont importants et pas
nous.
À ce propos, je n’aimerais pas être à la
place des tutelles, qu’elles soient de la CNAM ou du ministère, parce que je
pense que pour faire un réseau de prise en charge de maladies chroniques, la
première des choses est de laisser les acteurs s’organiser et que vous, vous
allez avoir le travail d’évaluer l’efficacité de cette organisation.
J’aimerais bien savoir comment vous allez
vous y prendre.
2 – Dominique Baubeau, direction des
hôpitaux.
On a déjà un exercice à faire, c’est
l’évaluation des réseaux ville/hôpital,
qui se sont construits autour du sida ; cela va dans le sens de ce que
j’ai dit.
Justement, on n’arrive pas à les évaluer
pour plusieurs raisons:
D’abord, leurs typologies sont complètement
différentes ; ils ont des objectifs chacun différents, des manières de
fonctionner différentes et ils n’ont jamais réussi à formaliser un objectif
commun. Jamais. Ce qui fait qu’on ne peut pas mesurer l’atteinte des objectifs
ou pas. Ce sont plutôt des réseaux d’intérêts, au sens où les généralistes
trouvent un intérêt à garder leurs patients, à recevoir une formation continue,
etc. , toutes choses effectivement mesurables, mais non mesurables par rapport
au patient. La seule évaluation qu’on puisse effectuer, c’est la satisfaction
du patient. C’est un aspect, certes, mais un aspect subjectif.
3 – François Diard, Bordeaux.
Monsieur Marrel, j’ai été très triste en
vous écoutant. Très triste.
Face à votre cynisme et votre morosité, je
n’ai à opposer que ma naïveté et mon enthousiasme. Peut-être suis-je
soixante-huitard et « baba cool », mais je redirai les choses
classiques, vous savez : « l’utopie, c’est la réalité de demain ».
Donc il faut continuer à y croire et continuer à y travailler.
Quand vous opposez à notre dynamique
soixante-huitarde votre expérience des mines, je dirai : « très bien,
les mines, ça a été exemplaire, parce que ça a été un service donné à des
ouvriers qui souffraient ». Me le donner maintenant comme la persistance
d’un réseau exemplaire, non. C’est un régime particulier qui se poursuit
abusivement et dont les moyens devraient être redéployés vers d’autres
secteurs.
Je ne peux pas accepter que vous me fassiez
la morale avec le service des mines.
C’est une première chose, c’est un peu
agressif, mais je voulais le dire.
Pour monsieur Joyeux : monsieur
Joyeux, je crois qu’il faut qu’on aille au-delà des polémiques corporatistes.
Il faut qu’on se retrouve. On ne peut pas dire que vous faites 2/3 de
l’activité publique pour 1/3 du prix ; il ne faut pas dire ces choses-là.
Il faut savoir qu’un hôpital CHU comme celui de Bordeaux est dans une
agglomération de 800 000 h, dans un secteur sanitaire de 1 300 000 h et il a 80%
de recrutement d’hôpital de proximité ; il fait 20% de recrutement
régional. Il a 20% d’activités de pointe qui lui coûtent extrêmement cher, des
charges qui sont pour le moment non évaluées et qu’il faudra évaluer
– personne ne peut en apprécier le coût –, qui sont l’enseignement et
la recherche. Alors, arrêtons de nous jeter ces chiffres à la figure. C’est à
mon avis désuet ; il faut être prospectif et aller au-delà.
4 – Olivier Joyeux, conférence des
présidents.
Je suis désolé, les chiffres sont là ;
mais ce que je voulais simplement dire, c’est qu’il y a une fonction
« hôpital général » et qu’il y a autre chose. Je n’ai pas porté de
jugement sur l’autre chose qui coûte très cher. Je crois que quand on parle
d’un réseau, il faut voir son efficacité et nous devrions commencer par mettre
en réseau ce qui est peut-être très mal connu, mais qui se passe au niveau d’un
secteur géographique, et ensuite on verra.
Ce n’est pas du tout une agression contre
les universitaires, ce n’est pas ça. Si vous l’avez pris ainsi, c’est que je
l’ai mal exprimé.
Je crois d’autre part qu’en ce qui concerne
la fonction « hôpital général », on peut y réfléchir, et voir les
masses de malades traités, la hiérarchie de soins ; je suis d’accord pour
qu’on discute de ça.
5 – Philippe Marrel, Gerhnu.
Ce n’est pas la tradition du Gerhnu de
polémiquer, donc je ne vais pas polémiquer. Mais quand même ! Quand
même !
Je suis médecin praticien, je soigne des
gens. La préoccupation, c’est quand même, disons, la qualité des soins
– c’est un vocable tellement gonflé qu’on peut facilement se cacher
derrière.
Quand j’ai dit que le réseau auquel
j’appartiens est destiné à disparaître, je partage presque votre avis, sinon
pour le redéploiement : il y a toujours des gens qui en bénéficient et je
ne vois pas pourquoi on les priverait abusivement du recours à leur médecine.
Quand on pouvait faire des comparaisons, il
se trouvait que nous avions la possibilité, grâce à ce réseau qui est intégré, d’offrir
en même temps une prise en charge à 100%,
qui est l’aspect le plus visible, et un coût par ressortissant qui était
moindre que celui du régime général – je vous parle d’il y a dix ans et
plus, bien sûr –, avec une qualité des soins qui devait servir un petit
peu à quelque chose puisque paradoxalement, dans une population qui était
soumise à des risques particuliers – c’est pourquoi on avait créé ses
réseaux de soins –, la moyenne d’âge était supérieure à la population du
même territoire n’appartenant pas à ce réseau.
Je crois donc, je le répète, à la
possibilité d’organiser la médecine en réseau.
Simplement, ce contre quoi je réagissais,
c’était contre l’impression de « y’a qu’à ». C’est à dire qu’au fond,
il suffit de mettre « réseau » sur quelque chose pour que ça devienne
moderne, à la mode... Mais je ne me souviens pas de vous avoir agressé en tant
que personne, c’était la tonalité générale de ce matin.
On a entendu : « le réseau
transfert d’images ». Nous sommes branchés sur un transfert d’images, donc
je sais – je suis neurologue de surcroît – la nécessité de faire ce
genre de choses : je partage absolument tout ce que vous avez dit.
Mais on a eu, quand même, des pubs. Pas
tout le monde, allez. Mais on a eu des pubs : il suffit que ça s’appelle « réseau »
pour qu’automatiquement ça améliore les choses.
Et la question, c’est la question que
posait Dominique : comment peut-on mesurer si la situation s’améliore à
partir du moment où l’on fait un réseau ? C’est à dire qu’on améliore
sûrement à chaque fois le, si je suis cynique je dis « confort
intellectuel », si je ne suis pas cynique je dis « plaisir à
travailler », des gens qui, au départ, contractent pour faire ce réseau.
Au fond, on lutte contre la parcellisation, contre l’isolement du médecin ou
l’isolement de l’établissement. De toute façon, ça, c’est positif. C’est sûr.
Est-ce qu’après, en terme de résultats
au-delà, c’est à dire de résultats vus du côté du patient
« individu », ou du côté de la santé publique, est-on en mesure... ?
Voilà, exactement. C’est pour cela que le
concept central des réseaux, c’est:
• l’objectif, c’est à dire qu’il faut
faire un réseau avec un objectif,
• une fois qu’on a cet objectif, on
peut évaluer si, ou pas, on a bien ciblé et si on s’avance vers cet objectif.
Voilà le cœur de ce que je voulais dire. Je
vous ai paru cynique, j’étais réaliste.
6 – Vincent Leroux, Paris.
Je suis dans une expérience
pragmatique : nous passons d’une filière de soins qui allait du court vers
le moyen séjour, à la tentative d’un réseau et nous désirons trouver des
indicateurs d’évaluation de résultats pour les mettre dans un contrat, qui doit
être écrit.
Ma question est simple : existe-t-il
dans vos expériences, dans votre savoir, des indicateurs que nous pourrions
prendre pour tenter d’évaluer le contrat et notre réseau ? C’est à dire
que je cherche des indicateurs pertinents, pragmatiques, pour évaluer une
filière de soins et un réseau.
7 – Dominique Baubeau, direction de
hôpitaux.
Dans quel domaine et pourquoi faire ?
Comment voulez-vous qu’on réponde comme ça !
Je vais dire que, par exemple, pour les
réseaux périnataux, on va avoir des indicateurs du style de ceux que M.
Papiernik décrivait ce matin, c’est à dire le pourcentage des enfants de moins
de trente-trois semaines et de moins de 1500 grammes qui naissent dans une
maternité de niveau III. Cela pourrait être aussi – ce que je préférerais,
mais c’est complètement utopique, je suis d’accord –, le nombre d’enfants
à six ans non handicapés par rapport au nombre total de grossesses qui ont été
entamées ; à ce moment-là, on voit tous les enfants qui ont été perdus
entretemps.
Ça dépend donc tout à fait de la dimension,
de l’objectif, etc.
Au niveau des réseaux de transfert d’images :
en région Lorraine, on l’a évalué avec les neurochirurgiens, les neurologues,
les radiologues. On a mesuré exactement les transferts des patients
– avant et après – entre les différents établissements, pour savoir
si, effectivement, le fait d’avoir une consultation à distance diminuait ou non
le transfert, puisque c’était ce que tout le monde disait.
Donc je pense qu’on ne peut pas donner
comme ça des indicateurs sortis de notre poche.
Jean
Arnautou.
Désolé, je vous interromps autoritairement,
car on met en ce moment un peu la charrue avant les bœufs : on est déjà à
l’évaluation, alors qu’on n’a pas abordé le « comment ».
On a dit le « pourquoi », on
voudrait entendre le « comment ».
Étienne
Dusehu.
On est dans le « pourquoi », et on
a dérapé. D’autres questions sur le « pourquoi »?
Étienne
Weill,
Paris.
Philippe Marrel a dit avec raison ce
matin : « le réseau, ça a l’air de résoudre l’aménagement du
territoire, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».
En réalité, comment faire un réseau,
comment inciter les médecins à sortir de leur territoire, en dehors des
contraintes obligatoires, comme à Autun, parce qu’il s’agit d’une question de
survie de tel ou tel service ? Quand on regarde les SROSS, qui proposent des
complémentarités public/privé...
Étienne
Dusehu.
Stop!
On revient dans le « comment ».
On donne d’abord la parole aux experts, puis, Étienne, tu pourras intervenir
dessus.
D’autres questions sur le
« pourquoi » ? Non ? Alors on passe au
« comment ».
Jean
Arnautou.
On avait dit « formalisé ? »,
« pas formalisé ? ». J’ai cru entendre dans chacune de vos cinq
réponses que ce serait formalisé. Il n’y a sans doute pas accord, mais j’ai cru
entendre que ce serait formalisé.
Puisque Dominique Baubeau illico fait
« non », à elle la parole pour répondre « formalisé, pas
formalisé ». Court, Dominique, impérativement.
8 – Dominique Baubeau, direction des
hôpitaux.
Je suis d’accord sur ce qu’on a dit ce
matin : ce qui doit être éventuellement lisible dans le réseau, c’est la
compétence médicale partagée, le temps médical partagé, cette circulation des
hommes et des compétences dans un dispositif. Cela ne peut pas ne pas être
formalisé, ne serait-ce qu’à cause des statuts, des responsabilités, etc.
Pour le reste, j’ai très peur. Vous aviez
parlé ce matin des classements des hôpitaux. Pourquoi a-t-on abandonné ce
classement ? Parce que tout le monde veut être au classement supérieur.
Dès qu’on commence à formaliser en disant : « il va y avoir un niveau
A, un niveau B, un niveau C, il va falloir passer comme ça ... », il est
clair que tout le monde voudra le niveau III ou le niveau II.
Jean
Arnautou.
C’est donc la seule formalisation
absolument indispensable : la responsabilité médicale.
9 – Olivier Joyeux, conférence des
présidents.
Comment faire?
D’abord, il faut être pragmatique et voir
ce qui peut se faire rapidement, et qui pourra ensuite être évalué.
Il y a les aussi questions de faisabilité
et d’acceptabilité.
Dans notre conférence, nous ne proposons
que ce que l’on a vérifié comme faisable et acceptable. Les constructions
brillantes et intellectuelles ne s’adaptent que rarement sur le terrain. En
revanche, des choses simples peuvent être faites.
Nous avons un problème qui nous réunit tous,
dans les hôpitaux généraux : les urgences. Quelque chose qui fédère les
hôpitaux généraux, c’est bien cette mission de santé publique : l’accueil
des urgences. Dans la mesure où il n’y aurait pas un décret, tel qu’il existe
actuellement, scindant et classifiant les hôpitaux en deux catégories, on
pourrait admettre qu’il y ait les SAU, des hôpitaux qui aient un accueil d’un
type d’urgences qu’ils sont capables d’assurer du début à la fin, 24 heures sur
24 et les « Anacors » ; c’est à dire trois niveaux. Je crois
qu’il serait possible, dans un secteur qui est relativement limité – le
secteur sanitaire, qui a le mérite d’exister, on ne va pas revenir
là-dessus –, d’organiser les urgences de façon cohérente en réseau et avec
une coordination toute simple : le conseil des urgences de secteur
sanitaire.
Dans une ancienne circulaire, madame Veil
conseillait qu’il y ait un conseil des urgences dans chaque hôpital. Cela
existe dans la plupart. On peut très bien, dans un but de cohérence, avoir le
même conseil de secteur sanitaire : c’est l’ébauche d’un premier réseau,
c’est le premier pas. Il ne faut pas de nombreux mois pour faire cela, il faut
simplement que l’arrêté d’application du décret modifie un peu la teneur du
décret des urgences, ou qu’il y ait un nouveau décret.
Jean
Arnautou.
Je vais t’arrêter sur une notion qui serait
donc l’émergence au niveau du secteur sanitaire d’une sorte commission médicale
de secteur et qui traiterait d’un problème ...
Olivier
Joyeux.
Non, ce n’est pas tout à fait comme cela.
On va y arriver dans un deuxième temps.
Oui, un conseil des urgences, avec tous les
professionnels des urgences.
Je crois que j’ai oublié de dire le
« comment ». Quel est le ciment d’un réseau?
C’est d’abord d’avoir les mêmes objectifs.
C’est ensuite d’avoir le même système d’information. C’est enfin d’avoir, au
travers de modes de financement identiques, le même système d’évaluation.
On peut le faire dans un secteur précis qui
est les urgences. Une fois qu’on a fait ses preuves, on peut envisager à ce moment-là
de formaliser autant que nécessaire – mais tout ne doit pas être
formalisé – un certain nombre d’activités qui dépendent des hommes, dans
telle ou telle spécialité. Là il faut répertorier, là il faut analyser, là il
faut peut-être formaliser certaines pratiques dans des secteurs qui peuvent
être de spécialités ou qui peuvent être plus larges que des spécialités, et
nous aboutissons tout naturellement à la nécessité d’une coordination.
C’est pour cela que nous avons une deuxième
proposition, quand la première aura fait ses preuves, qui est d’avoir
l’équivalent d’un « hôpital public de secteur », nouvelle entité
juridique où il peut y avoir une commission médicale de secteur sanitaire, et
aussi un organisme de gestion qui serait l’équivalent d’un conseil
d’administration.
C’est le modèle hospitalier transposé à
plus grande échelle dans un secteur sanitaire, lesquels font de 200 000 à 400
000 h. Je pense que c’est déjà très difficile à gérer à ce niveau-là. Je dis
cela parce que les régions risquent de sécréter une organisation ingérable si
l’on ne se soucie pas de ce qu’il y aura au niveau de la base. À partir du
moment où certains secteurs sont organisés, on peut voir un peu plus haut. Mais
je suis entièrement d’accord pour dire que le secteur sanitaire ne permet pas
de faire tous les réseaux : il permet de faire l’essentiel de l’activité
des hôpitaux généraux. Il doit y avoir, que ce soit pour la néonatalogie, la
neurochirurgie, la chirurgie cardiaque, des réseaux qui sont véritablement
régionaux, voire nationaux.
Mais commençons par faire ce que nous
pouvons faire et ce que nous savons faire déjà, mais qui n’a pas toujours été
formalisé – qui ne doit pas toujours être formalisé. Je crois qu’il y a là
une acceptabilité et une faisabilité.
Jean
Arnautou.
Monsieur le Directeur, on a et c’est
délibérément que je l’ai mis tout de suite bien en avant, une organisation
médicale de secteur. À la fin, mon ami Joyeux a rajouté une organisation
administrative, vous l’avez entendu, mais elle est venue à la rescousse. Qu’en
dites-vous?
*
10 – Bernard Grandjean, conférence des
directeurs.
Comme M. Joyeux, je pense qu’il faut être
pragmatique.
Il est bien évident qu’on ne peut pas bâtir
une organisation sanitaire sur des liens uniquement personnels, on ne peut pas
créer des plateaux techniques sur des liens uniquement personnels : il
faut une organisation. Dire le contraire, à mon avis, – je vais être
provocateur pour animer la somnolence postprandiale – serait
irresponsable. Il faut absolument qu’il y ait une structure.
Actuellement, les réseaux sont contrariés
par les structures. Si on ne change pas les structures, il n’y aura pas de
réseau.
D’une façon peut-être étonnante, je suis
entièrement de l’avis de M. Joyeux sur l’utilité, je dirai même la nécessité,
d’une structure – qu’on va appeler EPS–
de secteur, qui va un petit peu gommer les effets de clocher, les effets de
réélection municipale, de conseillers généraux qui veulent pour la troisième
fois revenir à leur siège, parce que finalement les banquets de fin de mandat
sont très agréables, etc...
Tout cela n’est pas tolérable dans une
organisation sanitaire. Il faut absolument que nous ayons une organisation
cadre, parce que d’un autre côté, s’il faut une organisation, on ne peut pas
légiférer ou réglementer dans le détail : il est nécessaire que ce soit
« cadre ».
C’est à dire qu’il y ait une organisation de
filières de soins et qu’au sein de ces filières, ce soient les professionnels
qui organisent – évidemment en cohérence avec les SROSS_– les soins. Si on
ne veut pas parler de hiérarchie (tout cela est de la logomachie, ce n’est pas
très intéressant), il y aura des niveaux de soins, des organisations, il y aura
suppression des doublons – car je regrette, « réseau » signifie
planification, donc signifie aménagement du territoire – ; toute
autre conception ne me paraît pas réaliste. S’il n’y a pas planification et
aménagement du territoire avec les réseaux, alors les réseaux ne remplissent
pas leur office et deviennent parasites.
Ils ne sont alors pas intéressants. Un
réseau qui ne règle pas le problème de l’aménagement du territoire ne
m’intéresse pas, il n’a aucune légitimité. Il faut qu’il ait cette double
qualification : qualité des soins, aménagement du territoire, sans quoi il
n’est pas intéressant.
*
11 – Robert Fonteneau, CNAM.
Je partage la vision des deux dangers qu’il
y a dans cette affaire:
• Le premier, que j’énonçais tout à
l’heure, c’est de voir la planification, n’avançant pas assez vite, ne donner
comme seule issue que la fusion d’établissements et la répartition de pôles
(c’est à dire qu’avec deux établissements de 600, on en fait un de 1200, puis
dans deux ans on en fera 2400 ; puis on arrive à L’AP régionale chère à
certains). Le système, à l’heure actuelle, est construit pour aboutir presque
mécaniquement à cela. Je ne trouve pas que ce soit une seule issue raisonnable.
• Le deuxième danger que je crains,
c’est une formalisation qui serait trop outrancière de ses conventions de
filières de soins, qui ferait ressortir le juridisme à la française.
Ce sont les deux tendances de
l’administration française : celle de gérer les structures et celle de
faire du juridisme institutionnel.
Or, j’avais fait une intervention qui
laissait entendre qu’il y avait peut-être une tierce voie qui correspondait
davantage aux changements qu’on constate un peu partout.
L’idée d’avoir des centres de régulation
inter-hospitaliers axés sur le secteur, à peut-être faire cadrer avec une
organisation inter-hospitalière administrative – qui a d’ailleurs beaucoup
de fonctions à jouer dans le cadre des redéploiements d’activité –,
m’apparaît une issue tout à fait raisonnable, pour ma part.
*
12 – Philippe Renou, Gerhnu.
On n’a pas du tout parlé de partenariat.
Dans mon esprit, le réseau peut sous-tendre
– pas obligatoirement– un partenariat public/public ou public/privé.
Je trouve que c’est là une façon importante de réaliser une planification
sanitaire.
Il y a des problèmes juridiques et
financiers qui sont énormes, car vous connaissez comme moi la rapidité du privé
par rapport au public, en termes de personnel, en termes de charge de travail,
etc. , mais cependant, je crois que c’est une voie intéressante.
Philippe va peut-être me dire
soixante-huitard attardé – je le suis un peu – : je dis que c’est très français, et c’est la
quadrature du cercle, que d’associer d’une part une planification et d’autre
part ce qui est notre tissu actuellement, un pluralisme de la santé. C’est en
fait la quadrature du cercle : nous sommes tous là, médecins hospitaliers,
avec des médecins libéraux à nos portes avec lesquels nous devons travailler et
l’association du pluralisme et de la planification sanitaire, je prie le Ciel
pour que ce soit compris et que ce soit une réalité.
Mais je crois que ce partenariat pourrait
dépasser les querelles byzantines.
Autre chose, pour répondre à la question de
tout à l’heure « peut-on faire venir des intervenants
extra-hospitaliers », des libéraux par exemple. À la dernière réunion,
Pierre Gallois nous a reprochés de ne pas avoir suffisamment fait de place à
des médecins libéraux. C’est pour cette raison qu’avec le bureau, nous avons
préféré faire d’abord la réunion d’aujourd’hui, pour, à Freyming-Merlebach
– vous avez vu que Freyming est dans le prolongement de la réunion
d’aujourd’hui –, faire à ce moment-là intervenir les extra-hospitaliers. Je
pense que ces deux réunions, celle d’aujourd’hui et celle de Freyming,
permettront d’avoir une idée plus exacte sur les phénomènes de réseaux, et sur
la coopération inter-hospitalière public/privé
et public/public.
Voilà la raison de l’architecture.
Je voudrais que Dominique me réponde sur le
partenariat.
13 – Dominique Baubeau, direction des
hôpitaux.
Je vais encore une fois être un peu
pessimiste.
Là où je suis, je sens que le partenariat,
c’est le partage de clientèle. C’est seulement dans ce cas là que ça marche et
qu’on parle de partenariat.
J’ai vraiment l’impression qu’on a du mal à
gérer. C’est peut-être possible dans certains cas, mais, aussi bien en région
Lorraine où je suis, je sens que le vrai partenariat, au sens où « on fait
les uns avec les autres », « on se complète », aboutit en fait
quand ça marche à ce qu’on a correctement séparé les territoires.
14 – Robert Fonteneau, CNAM.
Ce que je voudrais dire va tout à fait dans
le même sens.
Quand on a fait l’OQN – l’Objectif
Quantifié National des cliniques –, on a évidemment satisfait les pouvoirs
publics et également l’Assurance Maladie, puisque les cliniques privées nous
ont donné une garantie de non-dépassement de dépenses. Ce faisant, la machine
intensive des cliniques privées, loin de se refroidir, va s’accélérer, puisque
les petits établissements vont être mis sous tension par les grands à
l’intérieur de ce système là. C’est à dire qu’aujourd’hui, quand on dit qu’on
fait les deux tiers des MCO, on fait 50% du « O », un peu moins de
50% du « C » et le reste, c’est du « M », dans les hôpitaux
généraux.
Donc ce processus de recherche de
complémentarité, c’est aujourd’hui le mariage de la carpe et du lapin, car les
systèmes de financements sont différents. Pour qu’ils s’améliorent, il faut
absolument que les hôpitaux publics nous aident à refroidir le système du
privé, par l’accréditation.
Je m’excuse, mais il faut que vous
participiez aux comparaisons hospitalières qu’on a l’intention de faire, aussi
bien pour le public que pour le privé, avec des critères simples. Il faut
également que vous participiez aux références médicales, parce que les
références médicales, ça veut dire que dans les cliniques privées, on ne pourra
plus faire autant qu’avant de l’activité qui n’est pas forcément utile. À ce
moment-là, le système s’équilibrant, il sera peut-être davantage possible de
faire des partenariats.
Je dis que, quand un système est aussi
déséquilibré et va s’accélérer dans le déséquilibre, forcément, les bonnes
volontés qu’on trouve sur le terrain ne sont pas foule.
15 – Jean Arnautou.
Je ne veux pas apparaître comme étant
sectaire et défendre à tous crins l’hôpital public, mais je suis aujourd’hui
très pessimiste quant aux possibilités même de coopération entre le public et
le privé. Ce serait faire preuve d’angélisme et de naïveté, et ce serait donner
des verges pour se faire battre. Il n’est pas possible de dire autre chose
quand nous avons en face de nous des hommes d’affaire et il faut bien avouer
que nous sommes assez désarmés pour discuter sur ce terrain.
D’autre part, nous avons en face de nous
des gens qui ont un processus de financement qui n’est pas du tout le même que
le nôtre : on parle d’OQN et pas d’honoraires, les règles fiscales ne sont
pas les mêmes, les statuts ne sont pas les mêmes.
Je dirai, pour simplement régler la
question du partenariat à mes yeux : « nous avons sur un terrain de
jeu en face l’équipe du privé qui joue du rugby, alors que nous, le public,
nous jouons avec les règles du football ».
Devinez qui va gagner le match.
16 – Étienne Weill, Paris.
Je crois qu’on a complètement dévié. Si
j’entends M. Grandjean et M. Joyeux, on parle de planification et d’aménagement
du territoire, ce qui dépasse de beaucoup la notion de réseau.
C’est peut-être la nécessité absolue, mais
c’est alors la contrainte : quand on voit les SROSS qui vous disent
« il faut marier deux hôpitaux », « il ne faut pas qu’ils aient
la même activité », que l’on voit qu’il est nécessaire de regrouper
l’activité du privé et du public, et quand on prend le SROSS Île-de-France qui
est quand même très important et qu’on parle tout le temps mariage public/privé, il est clair qu’on n’a absolument
pas les moyens à l’heure actuelle – aussi bien juridiques que
psychologiques – pour amener les gens à travailler ensemble.
Que ce soit partenariat public/public ou public/privé, je voudrais savoir quelle peut être l’incitation, en
dehors de la contrainte, qui puisse amener les gens à travailler en réseau par
partenariat ? Ce serait évidemment l’idéal, en dehors de la contrainte. Ça
paraît indispensable si l’on veut aménager.
Le danger de la contrainte, c’est de tomber
dans un juridisme étroit, d’autant que le secteur sanitaire n’est pas toujours
l’idéal : quand on prend l’hétérogénéité des régions françaises, on trouve
des départements où il n’y a qu’un seul hôpital, où ils sont tellement loin les
uns des autres – à 70 km – que la complémentarité et le partenariat
sont extrêmement difficiles.
La structure que propose Joyeux est sans
doute réalisable dans beaucoup d’endroits, mais sûrement pas partout, compte
tenu de la désertification de certaines régions.
Je voudrais savoir ici si quelqu’un a
d’autres propositions et des incitations psychologiques en dehors de la
contrainte?
17 – Jean Arnautou.
On peut poser la question des incitations.
Des incitations financières, ça a été
énoncé par quelqu’un, pour répondre.
Excuse-moi, Dominique, mais Étienne Weill
après tout n’a pas tort : c’est un chirurgien, il veut des choses
tangibles.
Quelqu’un veut-il répondre sur l’incitation
financière ? Cela a été évoqué par certains d’entre vous tout à l’heure.
Olivier
Joyeux,
conférence des présidents.
Si les contrats d’objectifs et de moyens
avaient un intérêt qui puisse être facilement démontré, je pense que c’est dans
la restructuration que l’on devrait pouvoir apporter cette première preuve.
C’est dans ce sens là que l’enquête que
nous avons faite au niveau des hôpitaux généraux nous montre que, sur ce point
là, il peut y avoir un accord.
Robert
Fonteneau,
CNAM.
Pour la restructuration, il faut d’abord faire
la démonstration que le privé, qui fonctionne en général à 90,60%, a une
activité qui ne correspond pas à l’utilité locale. On revient toujours à cela.
Et en général, l’hôpital n’est pas dans la même situation de démonstration sur
le plan des informations les plus immédiatement disponibles.
Si vous ne voulez pas rentrer dans un débat
plus profond, on ne peut pas ouvrir ce débat.
Dominique
Baubeau,
direction des hôpitaux.
Pour entrer dans un débat quel qu’il soit,
il faut avoir les mêmes outils de mesure. Or, le gros problème, à mon avis et
c’est vraiment un souci permanent, c’est d’avoir au moins les mêmes outils de
mesure. C’est pour cela qu’il faut qu’on fasse attention à ne pas développer,
les uns et les autres, des outils qui soient exclusifs à un secteur, quel qu’il
soit. En particulier, tous les problèmes d’analyse de moyens, mais aussi de la
clientèle, nous manquent cruellement. Par exemple, au niveau du PMSI – je
le sais bien parce que j’en ai déjà discuté plusieurs fois –_ : il
n’est pas encore obligatoire dans le secteur privé et quand bien même il serait
obligatoire, certains éléments de différenciation des clientèles, les problèmes
sociaux par exemple, ne figurent pas dans le RSS, alors qu’ils vont expliquer
une grande partie des DMS différentes et des coûts différents. En fait,
actuellement, on va nous demander de comparer des secteurs non comparables
parce qu’on n’a pas les outils nécessaires.
Je suis d’accord qu’il faut commencer, il
faut y aller. Mais toutes les incitations seront obligatoirement accompagnées
par un système de mesure ; si par essence, ce système ne peut pas mesurer
ce qu’on compare, il est clair qu’on va vers les règles de rugby et les règles
de football.
Le fait que les établissements publics
traitent un éventail des cas beaucoup plus large, par rapport aux
établissements privés, suffit déjà à cerner la différence entre privé et
public.
Philippe
Renou,
Gerhnu.
Je voudrais quand même rappeler et tout le
monde le sait ici, que la planification sanitaire, dans la loi du 31 juillet
1991, s’impose au secteur public comme au secteur privé.
18 – Jean Arnautou.
On a été peut-être un peu confus. On n’a
sûrement pas abordé tout ce qu’on pouvait aborder et Philippe Renou vient de le
dire, tout cela va se poursuivre lors de la réunion de l’Ascension à
Freyming-Merlebach.
Pour chacun de nos experts, un mot. Un mot
pour finir.
Robert
Fonteneau,
CNAM.
Sur le plan des informations, il faut faire
la part des informations qui sont utiles à la gestion transversale du système
des informations qui sont utiles à l’initiative des médecins. Il faut faire la
différence entre les deux.
Bernard
Grandjean,
conférence des directeurs.
Je dirai simplement, pour me permettre de
faire une petite transition avec les travaux futurs du Gerhnu, que nous sommes
en plein dans les problèmes de restructuration ; restructurer pour
survivre. Je crois que le réseau, c’est un peu une réponse à la crise actuelle
que connaît l’hôpital.
Olivier
Joyeux,
conférence des présidents.
Rien de plus à dire que : notre foi,
c’est qu’il faut que le secteur sanitaire ait une âme. Il faut qu’il y ait une
politique de santé au niveau du secteur sanitaire.
Nous avons parlé indirectement du réseau
inter-hospitalier et nous avons oublié de parler aussi de réseaux
intra-hospitaliers qui peuvent être nécessaires dans des grands ensembles
hospitaliers.
*
Jean
Arnautou.
Merci à tous. La parole à Bernard Schmitt,
pour la synthèse de fin.
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SYNTHÈSE DE LA
JOURNÉE — PROPOSITIONS
Bernard Schmitt.
Vous n’allez pas être déçus. Je dis non!
Je dis non, car c’est impossible de
synthétiser tout ce qui a été dit. La richesse des débats, la richesse des
exposés, la richesse des questions m’empêchent honnêtement d’avoir la
prétention de faire une synthèse.
Je rappellerai simplement quelques points
forts.
1 – Planification –
stratégie.
Premier point : l’hôpital est une institution
de production et les résultats obtenus en fonction des moyens injectés mesurent
son efficience. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça veut dire si
cette efficience n’est pas mesurée, analysée dans le contexte socio-économique
et culturel où cette production est faite et sur laquelle elle se
légitime ? Autrement dit, cela ne sert à rien de dire : « je
fournis des soins pour moins cher » si ces soins sont inadaptés à la
population concernée.
Nous sommes donc dans un environnement et
cet environnement bénéficie d’acteurs multiples, d’acteurs institutionnels et
d’acteurs extra-institutionnels. Ces acteurs ont tous leur rôle à jouer et la
mise en coordination de ces acteurs s’appelle effectivement « un
réseau ». Ce réseau n’a de sens que si la volonté commune est d’apporter
une réponse cohérente au besoin de santé publique. Ça, c’est la mise en place
de filières.
Les problèmes qui se posent, tout le monde
l’a souligné, ce sont des problèmes extrêmement pratiques : « que
va-t-on faire ? »
Nous avons des systèmes très divers en
termes d’organisations, de moyens financiers, de structures juridiques, etc.
Je ferai simplement deux remarques pour
finir, mais que je laisserai sous forme d’interrogation, pour que vous partiez
au moins avec cette petite épine dans la chair, qui va vous permettre de
continuer la réflexion, pour vous-mêmes et pour en faire profiter le Gerhnu
lors de notre prochaine rencontre.
Tout d’abord, on a parlé de la
planification. Mot tabou, mot horrible, s’il en est. Et pourtant!
Et pourtant, la planification me semble
devoir répondre à un double objectif:
D’abord, c’est une vision globalisante de
la stratégie et cela, quels que soient les acteurs : on ne peut laisser
des acteurs sur la touche. Il faut donc avoir une vision globalisante de la
stratégie et cette stratégie planificatrice, à qui va-t-elle incomber ?
Nous sommes à la veille d’un débat extrêmement important. On a parlé des
agences régionales. Je pose la question : comment allons-nous, au niveau
de nos responsabilités respectives, participer, collaborer, à la mise en place
effectivement d’une stratégie qui soit globalisante?
Deuxièmement : une stratégie, si elle
s’attache à l’aspect organisationnel, s’attache également à l’aspect humain. On
a souligné ce matin dans des interventions, on l’a refait cet après-midi, que
tout tourne autour de la qualité des hommes qui font les réseaux et qui
travaillent ensemble, quel que soit leur statut, quelle que soit leur fonction.
Je pense qu’il faut que dans notre réflexion à venir, nous soyons capables de
valoriser cette fonction humaine essentielle, sans laquelle rien ne sera fait,
ou sera fait sur le papier mais pas dans la réalité.
2 – Questions en
suspens.
Il reste quelques questions.
On a parlé de hiérarchisation. J’ai été le
premier à lancer le mot dans l’arène, à la pâture de chacun d’entre vous. Il y aura
hiérarchisation nécessairement dans le niveau de soins, en fonction des
plateaux techniques, en fonction d’un certain nombre de critères qui sont
incontournables : on ne peut pas en faire l’économie.
Si les réseaux que nous allons mettre en
place, tels ceux que Joyeux par exemple suggère, tels qu’effectivement faits
dans un certain nombre d’endroits, ou tels que réfléchis dans d’autres
endroits, si ces réseaux se fissurent et se fissurent simplement parce que les
hommes sont les hommes, alors je vous donne quelques tout petits éléments de
réflexion : quel sentiment d’abandon ! Quel sentiment de
désillusion ! Pour les moyens, qui peuvent encore vivre en autarcie, quel
isolement stérilisateur ! Pour les plus gros, ceux qui estiment être les
meilleurs, quel jeu « perso », et finalement quel gâchis!
Méfions-nous donc : tout élément
capable de fissurer ces réseaux – et là, je rejoindrais je ne sais plus
lequel des orateurs qui vient de le dire – en interne à nos établissements
comme en externe et j’insiste bien sur l’aspect interne ; donc, toute
fissure dans les réseaux internes est aussi redoutable que les fissures dans
les réseaux externes.
Ce matin, en introduction, j’avais souligné
l’aspect « coordination », l’aspect « accréditation », et,
vous venez de le ressouligner, l’aspect « contractualisation », et
enfin l’aspect « évaluation ». Quatre thèmes qui ont été repris très
récemment par le Premier Ministre. Je pose quelques interrogations, tout ça
pour la mise en place de filières, certes, mais qui va nous dire et sur quels
critères, quelle filière est légitime?
Deuxièmement, par qui et sur quels critères
va-t-on accréditer certains services, ou certains hôpitaux, ou certaines
structures ? Par qui et sur quels critères va-t-on légitimer des contrats
d’objectifs ? Quels engagements, ou quel engagement contractuel, les
tutelles vont-elles pouvoir prendre à partir du moment où une filière a été
jugée valide ? C’est beau de dire : « oui ! il faut une
filière cardio-vasculaire », « oui ! il faut une filière cancérologique »,
« oui ! il faut une filière je-ne-sais-trop-quoi », mais à
partir du moment où l’on dit que cette filière, dans ce secteur donné, dans
cette région donnée, est valable, quelle va être l’engagement des tutelles?
Ça, ce sont des contrats d’objectifs.
*
Je vous laisse ces
éléments en guise de conclusion, mais on voit bien que le débat ne fait que
s’amorcer et j’espère qu’il va pouvoir continuer de façon fructueuse.
LISTE DES CONGRESSISTES
Jean ARNAUTOU Médecin C.H.– 47203 AGENCedex
Pierre BADINAND Médecin Hôpital
des Chanaux – 71018 MÂCON
Jacqueline BALTAGI Médecin M.I.R. DRASSIF – 58 rue de la Mouzaire
94800
VILLEJUIF
Yvonnick BANNIER Directeur C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Dominique BAUBEAU Médecin Sous-Direction de l'Évaluation
Direction
des Hôpitaux – 75350 PARIS 07 SP
Nicole BURON Médecin 141 bd Brune – 75014 PARIS
Dominique BURONFOSSE Médecin C.H.
– 56322 LORIENT Cédex
Jean CHAPPELET D.R.A.S.S. Région Auvergne – 48-50 bd La Fayette
63037
CLERMONT-FERRAND Cédex
Yves CHESTIER Médecin Président C.M.E.
C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Georges CLANCIER Directeur C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Pascal CLUZEL Médecin C.H. – 58020 NEVERSCédex
Philippe CONDOMINAS Médecin Maternité
du Levant
C.H.
– 56322 LORIENT Cédex
Pr Michel CRÉMADEZ Médecin S.A.P.C.S. – 13 avenue Morane Saulnier
78140
VÉLIZY-VILLACOUBLAY
Anne COURILLON-MALLET Médecin C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Pierre DELAUNAY Médecin C.H.
– 76140 PETIT QUEVILLY Cédex
Huguette DELVAUX Médecin C.H.
– 60200 COMPIÈGNE
Pr François DIARD Médecin Hôpital Pellegrin – 33076 BORDEAUX
Jean-François DURR Médecin Hôpital SSM – 57804 FREYMING-MERLEBACH
Étienne DUSEHU Médecin C.H. –
60321 COMPIÈGNE Cédex
Pr Pierre DUSSERRE Médecin C.H. – 1 bd Jeanne d'Arc – 21034
DIJONCédex
Jean Marie FARNOS Médecin C.H. – 60300 SENLIS
Robert FONTENEAU CNAMTS PARIS
Pascal FORTIER Médecin C.H. – 53204 CHÂTEAU-GONTIER Cédex
Bernard GRANDJEAN Directeur C.H. – 47023 AGEN Cédex
François IHUEL Médecin C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex
José JEANNERET Médecin C.H. – 73011 CHAMBÉRY
Olivier JOYEUX Médecin C.H. – 26956 VALENCE Cédex
Françoise JUNGFER-BOUVIER Médecin C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Claude LABRAM Médecin C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex
Bernard LARDY Médecin C.H. – 72037 LE MANS Cédex
Gérard LEBLANC Médecin 55
rue de l'Hermitage – 33200 BORDEAUX
Alain LELLOUCH Médecin C.H. – 78105 ST-GERMAIN-EN-LAYE Cédex
Philippe LEMANT Médecin C.H. – 78120 RAMBOUILLET
Vincent LEROUX Médecin C.R.A.M.I.F. – PARIS
Benoît LIBEAU Médecin C.H. – 44606 ST-NAZAIRE Cédex
Glenn LIMIDO D.R.A.S.S. Région Île-de-France – 17-19 avenue de Flandres
75019
PARIS
Philippe MARREL Médecin C.H. – 57804 FREYMING-MERLEBACH
Jean-François NOURY Médecin C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Philippe OBERLIN Médecin C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Fabienne ORY Directeur C.H. – 56322 LORIENT Cédex
Pr Émile PAPIERNIK Médecin Maternité Port-Royal – 75679 PARISCédex 14
André PARENT Médecin C.H. – 95101 ARGENTEUIL
Jean PASSELERGUE Direction
Service Médical – bd La Fayette
48050
CLERMONT-FERRAND
Jean-Jacques PICARD Médecin C.H. – 51005 CHÂLONS-sur-MARNE Cédex
Danièle RAFAUST Médecin Hôpital
Font Pré – 83000 TOULON
Marie-Christine RAVAULT Médecin D.R.A.S.S. – 69418 LYON Cédex 03
Philippe RENOU Médecin C.H. – 72037 LE MANS Cédex
Jean-Pierre RINALDI Médecin C.H. – 83056 TOULON Cédex
Pr Jacques ROUESSÉ Médecin Centre René Huguenin – rue Gaston Latouche
92100
ST-CLOUD
Guy SAMAILLE Médecin C.H. – 59100 ROUBAIX
Annie SALVANET-BOUCARRA Médecin C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Bernard SCHMITT Médecin C.H. – 56322 LORIENTCédex
Annie SOUDAN Directeur C.H. – 94195 VILLENEUVE-ST-GEORGES
Jean TOULOUSE Médecin 4 place de la République – 58000 NEVERS
Marie-Noëlle VIBET Médecin Médecin-conseil CNAM – 66 avenue du Maine
75694
PARIS Cédex 14
Lucien VICENZUTTI Directeur C.H. – 9 bd Frédéric Latouche – 71400 AUTUN
Étienne WEILL Médecin 21 rue Lasson – 75012 PARIS